Le livre de la pitié et de la mort. Pierre LotiЧитать онлайн книгу.
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Pierre Loti
Le livre de la pitié et de la mort
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066081607
Table des matières
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR
«Ah! insensé qui crois que tu n'es pas moi.»
V. Hugo. (Les Contemplations.)
Ce livre est encore plus moi que tous ceux que j'ai écrits jusqu'à ce jour.
Il renferme même un long chapitre (le neuvième, pages 221 à 286) que je n'ai consenti à livrer à aucune revue, de peur qu'il ne tombât sous les yeux de gens quelconques, sans que j'aie pu les avertir.
D'abord, je voulais ne pas publier ce passage. Mais j'ai songé à mes amis inconnus: un seul mouvement de leur sympathie lointaine, je regretterais trop de m'en priver... Et puis j'ai toujours cette impression que, dans l'espace et dans la durée, je recule les limites de mon âme en la mêlant un peu aux leurs; quelques instants de plus, après que j'aurai passé, la mémoire de ces frères gardera peut-être vivantes de chères images que j'y aurai gravées.
Ce besoin de lutter contre la mort est d'ailleurs—après le désir de faire quelque bien si l'on s'en croit capable—la seule raison immatérielle que l'on ait d'écrire.
Parmi ceux qui font profession d'étudier les œuvres de leur prochain, il en est bon nombre avec lesquels je n'ai rien de commun, ni les idées ni le langage. Moins que jamais je me sens capable d'irritation contre eux, tant j'ai appris à tenir compte, avant de juger les autres hommes, des différences naturelles ou acquises.
Mais cette fois est la première où leur gouaillerie aurait quelque chance de m'être pénible, si elle parvenait jusqu'à moi, parce qu'elle pourra porter sur des choses et des êtres qui me sont sacrés; je leur donne vraiment la partie belle en publiant ce livre. Aussi vais-je essayer de leur dire ici: faites-moi donc la grâce de ne pas le lire, il ne contient rien qui soit pour vous,—et il vous ennuiera tant, si vous saviez!...
PIERRE LOTI.
RÊVE
Je voudrais connaître une langue à part, dans laquelle pourraient s'écrire les visions de mes sommeils. Quand j'essaie avec les mots ordinaires, je n'arrive qu'à construire une sorte de récit gauche et lourd, à travers lequel ceux qui me lisent ne doivent assurément rien voir; moi seul, je puis distinguer encore, derrière l'à peu près de ces mots accumulés, l'insondable abîme.
Il paraît que les rêves, même ceux qui nous semblent les plus longs, n'ont qu'une durée à peine appréciable, rien que ces instants toujours très