Эротические рассказы

Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке. Пьер ЛуисЧитать онлайн книгу.

Cet obscur objet du désir / Этот смутный объект желания. Книга для чтения на французском языке - Пьер Луис


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heure-ci, j’étais seul, sans but, sans pensée. Il a suffi d’une promenade, et ce matin me voici deux. Qui donc nous fait croire aux refus, aux dédains ou même à l’attente? Nous demandons et les femmes se donnent. Pourquoi en serait-il autrement?

      Il se leva, mit un punghee, chaussa des mules et sonna pour qu’on fît préparer son bain. En attendant, le front collé aux vitres, il regarda la place pleine de jour.

      Les maisons étaient peintes de ces couleurs légères que Séville répand sur ses murs et qui ressemblent à des robes de femme. Il y en avait de couleur crème avec des corniches toutes blanches; d’autres qui étaient roses, mais d’un rose si fragile! d’autres vert d’eau ou orangées, et d’autres violet pâle.—Nulle part les yeux n’étaient choqués par l’affreux brun des rues de Cadiz ou de Madrid; nulle part, ils n’étaient éblouis par le blanc trop cru de Jérez.

      Sur la place même, des orangers étaient chargés de nuits, des fontaines coulaient, des jeunes filles riaient en tenant des deux mains les bords de leur châle comme les femmes arabes ferment leur haïk. Et de toutes parts, des coins de la place, du milieu de la chaussée, du fond des ruelles étroites, les sonnettes des mules tintaient.

      André n’imaginait pas qu’on pût vivre ailleurs qu’à Séville.

      Après avoir achevé sa toilette et bu lentement une petite tasse d’épais chocolat espagnol, il sortit au hasard.

      Le hasard, qui fut singulier, lui fit suivre le plus court chemin, des marches de son hôtel à la plaza del Triunfo; mais, arrivé là, André se souvint des précautions qu’on lui conseillait, et soit qu’il craignît de mécontenter sa «maîtresse» en passant trop directement devant sa porte, soit au contraire qu’il ne voulût point paraître à ce point tourmenté du désir de la voir plus tôt, il suivit le trottoir opposé sans même tourner la tête à gauche.

      De là, il se rendit à Las Delicias.

      La bataille de la veille avait jonché la terre de papiers et de coquilles d’œufs qui donnaient au parc splendide une vague apparence d’arrière-cuisine. À de certains endroits, le sol avait disparu sous des dunes croulantes et bariolées. D’ailleurs, le lieu était désert, car le carême recommençait.

      Pourtant, par une allée qui venait de la campagne, André vit venir à lui un passant qu’il reconnut.

      – Bonjour, don Mateo, dit-il en lui tendant la main. Je n’espérais pas vous rencontrer sitôt.

      – Que faire, monsieur, quand on est seul, inutile, et désœuvré? Je me promène le matin, je me promène le soir. Le jour, je lis ou je vais jouer. C’est l’existence que je me suis faite. Elle est sombre.

      – Mais vous avez des nuits qui consolent des jours, si j’en crois les murmures de la ville.

      – Si on le dit encore, on se trompe. D’aujourd’hui au jour de sa mort, on ne verra plus une femme chez don Mateo Diaz. Mais ne parlons plus de moi. Pour combien de temps êtes-vous encore ici?

      Don Mateo Diaz était un Espagnol d’une quarantaine d’années, à qui André avait été recommandé pendant son premier séjour en Espagne. Son geste et sa phrase étaient naturellement déclamatoires. Comme beaucoup de ses compatriotes, il accordait une importance extrême aux observations qui n’en comportaient point; mais cela n’impliquait de sa part ni vanité, ni sottise. L’emphase espagnole se porte comme la cape, avec de grands plis élégants. Homme instruit, que sa trop grande fortune avait seule empêché de mener une existence active, don Mateo était surtout connu par l’histoire de sa chambre à coucher, qui passait pour hospitalière. Aussi André fut-il étonné d’apprendre qu’il avait renoncé si tôt aux pompes de tous les démons; mais le jeune homme s’abstint de poursuivre ses questions.

      Ils se promenèrent quelque temps au bord du fleuve, que don Mateo, en propriétaire riverain, et aussi en patriote, ne se lassait pas d’admirer.

      – Vous connaissez, disait-il, cette plaisanterie d’un ambassadeur étranger qui préférait le Manzanarès à toutes les autres rivières, parce qu’il était navigable en voiture et à cheval. Voyez le Guadalquivir, père des plaines et des cités! J’ai beaucoup voyagé, depuis vingt ans, j’ai vu le Gange et le Nil et l’Atrato, des fleuves plus larges sous une plus vive lumière: je n’ai vu qu’ici cette majestueuse beauté du courant et des eaux. La couleur en est incomparable. N’est-ce pas de l’or qui s’effile aux arches du pont? Le flot se gonfle comme une femme enceinte, et l’eau est pleine, pleine de terre. C’est la richesse de l’Andalousie que les deux quais de Séville conduisent vers les plaines.

      Puis ils parlèrent politique. Don Mateo était royaliste et s’indignait des efforts persistants de l’opposition, au moment où toutes les forces du pays eussent dû se concentrer autour de la faible et courageuse reine pour l’aider à sauver le suprême héritage d’une impérissable histoire.

      «Quelle chute! disait-il. Quelle misère! Avoir possédé l’Europe, avoir été Charles Quint, avoir doublé le champ d’action du monde en découvrant le monde nouveau, avoir eu l’empire sur lequel le soleil ne se couchait point; mieux encore: avoir, les premiers, vaincu votre Napoléon,—et expirer sous les bâtons d’une poignée de bandits mulâtres! Quel destin pour notre Espagne!»

      Il n’aurait pas fallu lui dire que ces bandits-là fussent les frères de Washington et de Bolivar. Pour lui, c’étaient de honteux brigands qui ne méritaient même pas le garrot.

      Il se calma.

      – J’aime mon pays, reprit-il. J’aime ses montagnes et ses plaines. J’aime la langue et le costume et les sentiments de son peuple. Notre race a des qualités d’une essence supérieure. À elle seule, elle est une noblesse, à l’écart de l’Europe, ignorant tout ce qui n’est pas elle, et enfermée sur ses terres comme dans une muraille de parc. C’est pour cela, sans doute, qu’elle décline au profit des nations du Nord, selon la loi contemporaine qui pousse aujourd’hui de toutes parts le médiocre à l’assaut du meilleur… Vous savez qu’en Espagne on appelle hidalgos les descendants des familles pures de tout mélange avec le sang maure. On ne veut pas admettre que, pendant sept siècles, l’Islam ait pris racine sur la terre espagnole. Pour moi, j’ai toujours pensé qu’il y avait ingratitude à renier de tels ancêtres. Nous ne devons guère qu’aux Arabes les qualités exceptionnelles qui ont dessiné dans l’histoire la grande figure de notre passé. Ils nous ont légué leur mépris de l’argent, leur mépris du mensonge, leur mépris de la mort, leur inexprimable fierté. Nous tenons d’eux notre attitude si droite en face de tout ce qui est bas, et aussi je ne sais quelle paresse devant les travaux manuels. En vérité, nous sommes leurs fils, et ce n’est pas sans raison que nous continuons encore à danser leurs danses orientales au son de leurs «féroces romances.»

      Le soleil montait dans un grand ciel libre et bleu. La mâture encore brune des vieux arbres du parc laissait voir par intervalles le vert des lauriers et des palmiers souples. De soudaines bouffées de chaleur enchantaient ce matin d’hiver d’un pays où l’hiver ne se repose point.

      – Vous viendrez déjeuner chez moi, j’espère? dit don Mateo. Ma huerta est là, près de la route d’Empalme. Dans une demi-heure, nous y serons, et, si vous le permettez, je vous garderai jusqu’au soir afin de vous montrer mes haras où j’ai quelques nouvelles bêtes.

      – Je serai très indiscret, s’excusa André. J’accepte le déjeuner, mais non l’excursion. Ce soir, j’ai un rendez-vous que je ne puis manquer, croyez-moi.

      – Une femme? Ne craignez rien, je ne vous poserai pas de questions. Soyez libre. Je vous sais même gré de passer avec moi le temps qui vous sépare de l’heure fixée. Quand j’avais votre âge, je ne pouvais voir personne pendant mes journées mystérieuses. Je me faisais servir mes repas dans ma chambre, et la femme que j’attendais était le premier être à qui j’eusse parlé depuis l’instant de mon réveil.

      Il se tut un instant, puis sur un ton de conseil:

      – Ah! monsieur! dit-il, prenez garde aux femmes! Je ne vous dirai pas de les fuir, car


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