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Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 3. Dozy Reinhart Pieter AnneЧитать онлайн книгу.

Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 3 - Dozy Reinhart Pieter Anne


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par l’approche des Castillans, le roi céda enfin. Il rendit la liberté à Ferdinand, mais il ne le fit qu’après lui avoir imposé des conditions bien humiliantes et bien dures: Ferdinand avait été forcé de jurer fidélité et obéissance; il avait dû renoncer à tous ses biens et s’engager à donner sa fille Urraque en mariage à Ordoño, le fils aîné du roi100. A ce prix il fut libre; mais il était naturel que dorénavant il ne voulût plus prêter l’appui de son bras à un roi qui lui avait fait signer un tel traité. Les Castillans, qui n’avaient pas réussi à faire réintégrer dans la possession du comté celui qu’ils continuaient à appeler leur seigneur, n’étaient pas mieux disposés. Ramire II avait donc perdu l’appui de son plus vaillant capitaine et la coopération de ses plus braves sujets. De là son impuissance. Il laissa les musulmans faire une razzia en 944, et deux autres en 947101; il ne les empêcha pas de rebâtir et de fortifier la ville de Medinaceli, qui devint dès lors le boulevard de l’empire arabe contre la Castille102. Le vainqueur de Simancas et d’Alhandega se tenait tout au plus sur la défensive. Ce ne fut que dans l’année 950 qu’il envahit de nouveau le territoire musulman, et alors il remporta une victoire près de Talavera103; mais ce fut son dernier triomphe: dans le mois de janvier de l’année suivante104 il avait déjà cessé de vivre.

      Après sa mort, une guerre de succession éclata. Marié deux fois, Ramire avait eu de sa première femme, une Galicienne, un fils nommé Ordoño, et de sa seconde, Urraque, la sœur de Garcia de Navarre, un autre fils nommé Sancho105. En sa qualité d’aîné, Ordoño prétendait naturellement au trône; mais Sancho, qui comptait avec raison sur l’appui des Navarrais, y prétendait également, et il tâcha d’attirer dans son parti Ferdinand Gonzalez et les Castillans. Dans les circonstances données, le choix entre les deux compétiteurs n’était pas difficile pour Ferdinand. Ordoño, il est vrai, était son gendre; mais comment l’était-il devenu? Par une odieuse contrainte. Sa sympathie pour Ordoño ne pouvait donc pas être bien vive. Tout, au contraire, l’attirait vers Sancho, les liens du sang aussi bien que son intérêt. Sancho était son neveu106; il avait pour lui Tota de Navarre, la belle-mère de Ferdinand, et si ce dernier eût pu hésiter encore, les offres brillantes de Sancho auraient vaincu son indécision, car ce prince promettait de lui rendre ses biens confisqués et le comté de Castille. Ferdinand se déclara donc pour lui, appela ses hommes aux armes, et, accompagné de Sancho et d’une armée navarraise, il marcha contre la ville de Léon, afin d’arracher la couronne à Ordoño III107.

      «L’Eternel, dit un chroniqueur arabe108, avait fait naître cette guerre civile afin de donner aux musulmans l’occasion de remporter des victoires.» En effet, pendant que les chrétiens s’entr’égorgeaient sous les murs de Léon, les généraux d’Abdérame triomphaient sur tous les points de la frontière. Chaque messager qui arrivait du Nord apportait à Cordoue la nouvelle d’une heureuse razzia ou d’une belle victoire. Le calife pouvait faire montrer au peuple une foule de cloches, de croix, de têtes coupées; une fois, dans l’année 955, ces dernières étaient au nombre de cinq mille, et l’on disait qu’une fois autant de Castillans – car c’étaient eux qui avaient été battus – avaient péri dans la bataille qui s’était livrée109. Il est vrai que Ferdinand Gonzalez remporta une victoire près de San Estevan de Gormaz110; il est vrai aussi qu’Ordoño III, quand il eut enfin repoussé son frère et qu’il eut forcé les Galiciens, qui s’étaient révoltés aussi, à le reconnaître, usa de représailles en pillant Lisbonne111; mais c’était une faible compensation pour le mal que les musulmans avaient fait aux chrétiens, et Ordoño, qui craignait de nouvelles révoltes, désirait vivement la paix. L’année 955, il envoya un ambassadeur à Cordoue pour la demander112. Abdérame, qui la désirait aussi parce qu’il avait l’intention de tourner ses armes d’un autre côté, prêta l’oreille aux ouvertures d’Ordoño, et dans l’année suivante, il envoya à Léon, en qualité d’ambassadeurs, Mohammed ibn-Hosain et le savant juif Hasdaï ibn-Chabrout, le directeur général des douanes. Les négociations ne furent pas longues. Ordoño ayant déclaré qu’il était prêt à faire des concessions (il promettait probablement de livrer ou du moins de raser certaines forteresses), on arrêta les bases d’un traité, après quoi les ambassadeurs retournèrent à Cordoue pour le faire ratifier par le calife. Quoique le traité fût honorable et avantageux, Abdérame crut qu’il ne l’était pas assez; mais comme il ne pouvait plus guère compter sur le lendemain (il était presque septuagénaire), il pensa que l’affaire regardait plutôt son fils que lui-même. Il le consulta donc et s’en remit à sa décision. Hacam, qui était pacifique, déclara qu’à son avis le traité devait être ratifié, et alors le calife le signa113. Peu de temps après, il en conclut un autre avec Ferdinand Gonzalez114, de sorte que les musulmans n’avaient plus en Espagne d’autres ennemis que les Navarrais.

      Si Abdérame avait été cette fois plus traitable qu’à l’ordinaire, c’est qu’il voulait tourner ses armes contre les Fatimides. La puissance de ces princes croissait de jour en jour. Brûlant du désir de se venger des souverains d’Europe, qui s’étaient déjà réjouis de leur perte, tant ils la croyaient certaine, ils avaient fait d’abord éprouver le poids de leur vengeance à l’empereur de Constantinople en faisant ravager la Calabre115. Alors ç’avait été le tour d’Abdérame. En 955, lorsque, selon toute apparence, Moïzz, le quatrième calife fatimide, méditait déjà une descente en Espagne, il arriva qu’un très-grand navire, qu’Abdérame avait envoyé avec des marchandises à Alexandrie, rencontra en mer un vaisseau qui venait de Sicile et sur lequel se trouvait un courrier que le gouverneur de cette île avait expédié à son souverain Moïzz. Cette dernière circonstance ne semble pas avoir été inconnue au capitaine du vaisseau andalous. Il se peut même qu’Abdérame ait soupçonné que les dépêches dont le courrier était porteur, contenaient un plan d’attaque contre l’Espagne, et qu’il ait donné au capitaine l’ordre de les intercepter. Quoi qu’il en soit, le capitaine attaqua le vaisseau sicilien, le prit, le pilla et s’empara des dépêches.

      Moïzz usa aussitôt de représailles. Sur son ordre, le gouverneur de la Sicile se porta avec une flotte vers Almérie, et prit ou brûla les navires qui se trouvaient dans ce port. Il s’empara aussi de celui qui avait fourni un spécieux prétexte pour cette expédition, et qui était justement de retour d’Alexandrie, d’où il avait rapporté des chanteuses pour le calife et de précieuses marchandises. Puis les troupes du gouverneur débarquèrent pour piller les environs d’Almérie, après quoi elles se remirent en mer116.

      Abdérame répondit d’une manière énergique à cette attaque. Il ordonna d’abord de maudire chaque jour les Fatimides dans les prières publiques117; puis il chargea son amiral Ghâlib d’aller piller les côtes de l’Ifrikia. Cette expédition, toutefois, n’eut pas tout le succès que le calife s’en était promis. Les Andalous remportèrent bien quelques avantages, mais à la fin ils furent repoussés par les troupes qui gardaient la province, et forcés de se rembarquer.

      Voilà où Abdérame en était de la guerre qu’il soutenait contre les Fatimides, au moment où les négociations avec le roi de Léon étaient en train. Voulant tourner toutes les forces et toutes les ressources de l’empire contre l’Afrique, il devait naturellement désirer la paix avec les chrétiens du Nord, et c’est pour cette raison qu’il ne s’était pas montré trop difficile sur


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<p>100</p>

Sampiro, c. 23.

<p>101</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 226, 227, 230.

<p>102</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 229, 230.

<p>103</p>

Sampiro, c. 24.

<p>104</p>

Voyez mes Recherches, t. I, p. 186-189.

<p>105</p>

Manuscrit de Meyá.

<p>106</p>

La mère de Sancho et l’épouse de Ferdinand étaient sœurs.

<p>107</p>

Voyez Sampiro, c. 25.

<p>108</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 233.

<p>109</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 233, 234, 235, 236.

<p>110</p>

Chronicon de Cardeña, p. 378.

<p>111</p>

Sampiro, c. 25.

<p>112</p>

Ibn-Khaldoun, fol. 15 v.

<p>113</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 237 (au lieu de Chabrout, comme porte le manuscrit, il faut lire: Hasdaï ibn-Chabrout); Ibn-Khaldoun, fol. 15 v.

<p>114</p>

Ibn-Khaldoun, fol. 15 v.

<p>115</p>

Voyez Amari, Storia dei musulmani di Sicilia, t. II, p. 242-248.

<p>116</p>

Voyez Amari, ibid., p. 249, 250, et les auteurs qu’il cite.

<p>117</p>

Ibn-Adhârî, t. II, p. 237.

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