Эротические рассказы

Fort comme la mort. Guy de MaupassantЧитать онлайн книгу.

Fort comme la mort - Guy de Maupassant


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elle adorait cette agitation incessante du monde, lui laissait pourtant parfois désirer d'autres choses. Les hommes de son entourage, avocats politiques, financiers ou gens de cercle désoeuvrés, l'amusaient un peu comme des acteurs; et elle ne les prenait pas trop au sérieux, bien qu'elle estimât leurs fonctions, leurs places et leurs titres.

      Le peintre lui plut d'abord par tout ce qu'il avait en lui de nouveau pour elle. Elle s'amusait beaucoup dans l'atelier, riait de tout son coeur, se sentait spirituelle, et lui savait gré de l'agrément qu'elle prenait aux séances. Il lui plaisait aussi parce qu'il était beau, fort et célèbre; aucune femme, bien qu'elles prétendent, n'étant indifférente à la beauté physique et à la gloire. Flattée d'avoir été remarquée par cet expert, disposée à le juger fort bien à son tour, elle avait découvert chez lui une pensée alerte et cultivée, de la délicatesse, de la fantaisie, un vrai charme d'intelligence et une parole colorée, qui semblait éclairer ce qu'elle exprimait.

      Une intimité rapide naquit entre eux, et la poignée de main qu'ils se donnaient quand elle entrait semblait mêler quelque chose de leur coeur un peu plus chaque jour.

      Alors, sans aucun calcul, sans aucune détermination réfléchie, elle sentit croître en elle le désir naturel de le séduire, et y céda. Elle n'avait rien prévu, rien combiné; elle fut seulement coquette, avec plus de grâce, comme on l'est par instinct envers un homme qui vous plaît davantage que les autres; et elle mit dans toutes ses manières avec lui, dans ses regards et ses sourires, cette glu de séduction que répand autour d'elle la femme en qui s'éveille le besoin d'être aimée.

      Elle lui disait des choses flatteuses qui signifiaient: «Je vous trouve fort bien, Monsieur», et elle le faisait parler longtemps, pour lui montrer, en l'écoutant avec attention, combien il lui inspirait d'intérêt. Il cessait de peindre, s'asseyait près d'elle, et, dans cette surexcitation d'esprit que provoque l'ivresse de plaire, il avait des crises de poésie, de drôlerie ou de philosophie, suivant les jours.

      Elle s'amusait quand il était gai; quand il était profond, elle tâchait de le suivre en ses développements, sans y parvenir toujours; et lorsqu'elle pensait à autre chose, elle semblait l'écouter avec des airs d'avoir si bien compris, de tant jouir de cette initiation, qu'il s'exaltait à la regarder l'entendre, ému d'avoir découvert une âme fine, ouverte et docile, en qui la pensée tombait comme une graine.

      Le portrait avançait et s'annonçait fort bien, le peintre étant arrivé à l'état d'émotion nécessaire pour découvrir toutes les qualités de son modèle, et les exprimer avec l'ardeur convaincue qui est l'inspiration des vrais artistes.

      Penché vers elle, épiant tous les mouvements de sa figure, toutes les colorations de sa chair, toutes les ombres de la peau, toutes les expressions et les transparences des yeux, tous les secrets de sa physionomie, il s'était imprégné d'elle comme une éponge se gonfle d'eau; et transportant sur sa toile cette émanation de charme troublant que son regard recueillait, et qui coulait, ainsi qu'une onde, de sa pensée à son pinceau, il en demeurait étourdi, grisé comme s'il avait bu de la grâce de femme.

      Elle le sentait s'éprendre d'elle, s'amusait à ce jeu, à cette victoire de plus en plus certaine, et s'y animait elle-même.

      Quelque chose de nouveau donnait à son existence une saveur nouvelle, éveillait en elle une joie mystérieuse. Quand elle entendait parler de lui, son coeur battait un peu plus vite, et elle avait envie de dire, – une de ces envies qui ne vont jamais jusqu'aux lèvres – : «Il est amoureux de moi.» Elle était contente quand on vantait son talent, et plus encore peut-être quand on le trouvait beau. Quand elle pensait à lui, toute seule, sans indiscrets pour la troubler, elle s'imaginait vraiment s'être fait là un bon ami, qui se contenterait toujours d'une cordiale poignée de mains.

      Lui, souvent, au milieu de la séance, posait brusquement la palette sur son escabeau, allait prendre en ses bras la petite Annette, et tendrement l'embrassait sur les yeux ou dans les cheveux, en regardant la mère, comme pour dire: «C'est vous, ce n'est pas l'enfant que j'embrasse ainsi.»

      De temps en temps, d'ailleurs, Mme de Guilleroy n'amenait plus sa fille, et venait seule. Ces jours-là on ne travaillait guère, on causait davantage.

      Elle fut en retard un après-midi. Il faisait froid. C'était à la fin de février. Olivier était rentré de bonne heure, comme il faisait maintenant, chaque fois qu'elle devait venir, car il espérait toujours qu'elle arriverait en avance. En l'attendant, il marchait de long en large et il fumait, et il se demandait, surpris de se poser cette question pour la centième fois depuis huit jours. «Est-ce que je suis amoureux?» Il n'en savait rien, ne l'ayant pas encore été vraiment. Il avait eu des caprices très vifs, même assez longs, sans les prendre jamais pour de l'amour. Aujourd'hui il s'étonnait de ce qu'il sentait en lui.

      L'aimait-il? Certes, il la désirait à peine, n'ayant pas réfléchi à la possibilité d'une possession. Jusqu'ici, dès qu'une femme lui avait plu, le désir l'avait aussitôt envahi, lui faisant tendre les mains vers elle, comme pour cueillir un fruit, sans que sa pensée intime eût été jamais profondément troublée par son absence ou par sa présence.

      Le désir de celle-ci l'avait à peine effleuré, et semblait blotti, caché derrière un autre sentiment plus puissant, encore obscur et à peine éveillé. Olivier avait cru que l'amour commençait par des rêveries, par des exaltations poétiques. Ce qu'il éprouvait, au contraire, lui paraissait provenir d'une émotion indéfinissable, bien plus physique que morale. Il était nerveux, vibrant, inquiet comme lorsqu'une maladie germe en nous. Rien de douloureux cependant ne se mêlait à cette fièvre du sang qui agitait aussi sa pensée, par contagion. Il n'ignorait pas que ce trouble venait de Mme de Guilleroy, du souvenir qu'elle lui laissait et de l'attente de son retour. Il ne se sentait pas jeté vers elle, par un élan de tout son être, mais il la sentait toujours présente en lui, comme si elle ne l'eût pas quitté; elle lui abandonnait quelque chose d'elle en s'en allant, quelque chose de subtil et d'inexprimable. Quoi? Était-ce de l'amour? Maintenant, il descendait en son propre coeur pour voir et pour comprendre. Il la trouvait charmante, mais elle ne répondait pas au type de la femme idéale, que son espoir aveugle avait créé. Quiconque appelle l'amour, a prévu les qualités morales et les dons physiques de celle qui le séduira; et Mme de Guilleroy, bien qu'elle lui plût infiniment, ne lui paraissait pas être celle-là.

      Mais pourquoi l'occupait-elle ainsi, plus que les autres, d'une façon différente, incessante?

      Était-il tombé simplement dans le piège tendu de sa coquetterie, qu'il avait flairé et compris depuis longtemps, et, circonvenu par ses manoeuvres, subissait-il l'influence de cette fascination spéciale que donne aux femmes la volonté de plaire?

      Il marchait, s'asseyait, repartait, allumait des cigarettes et les jetait aussitôt; et il regardait à tout instant l'aiguille de sa pendule, allant vers l'heure ordinaire d'une façon lente et immuable.

      Plusieurs fois déjà, il avait hésité à soulever, d'un coup d'ongle, le verre bombé sur les deux flèches d'or qui tournaient, et à pousser la grande du bout du doigt jusqu'au chiffre qu'elle atteignait si paresseusement.

      Il lui semblait que cela suffirait pour que la porte s'ouvrît et que l'attendue apparût, trompée et appelée par cette ruse. Puis il s'était mis à sourire de cette envie enfantine obstinée et déraisonnable.

      Il se posa enfin cette question: «Pourrai-je devenir son amant?» Cette idée lui parut singulière, peu réalisable, guère poursuivable aussi à cause des complications qu'elle pourrait amener dans sa vie.

      Pourtant cette femme lui plaisait beaucoup, et il conclut: «Décidément, je suis dans un drôle d'état.»

      La pendule sonna, et le bruit de l'heure le fit tressaillir, ébranlant ses nerfs plus que son âme. Il l'attendit avec cette impatience que le retard accroît de seconde en seconde. Elle était toujours exacte; donc, avant dix minutes, il la verrait entrer. Quand les dix minutes furent passées, il se sentit tourmenté comme à l'approche d'un chagrin, puis irrité qu'elle lui fît perdre du temps, puis il comprit brusquement que si elle ne venait pas, il allait beaucoup souffrir. Que ferait-il? Il l'attendrait! – Non, – il sortirait, afin que si, par hasard, elle arrivait fort en retard, elle trouvât


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