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Histoires extraordinaires. Edgar Allan PoeЧитать онлайн книгу.

Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe


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enlevé par une personne qui désire cacher quelque chose; elle creuse le pied de la table; l'objet est déposé dans la cavité, et le dessus replacé. On se sert de la même manière des montants d'un lit.

      – Mais ne pourrait-on pas deviner la cavité par l'auscultation? demandai-je.

      – Pas le moins du monde, si, en déposant l'objet, on a eu soin de l'entourer d'une bourre de coton suffisante. D'ailleurs, dans notre cas, nous étions obligés de procéder sans bruit.

      – Mais vous n'avez pas pu défaire, – vous n'avez pas pu démonter toutes les pièces d'ameublement dans lesquelles on aurait pu cacher un dépôt de la façon dont vous parlez. Une lettre peut être roulée en une spirale très-mince, ressemblant beaucoup par sa forme et son volume à une grosse aiguille à tricoter, et être ainsi insérée dans un bâton de chaise, par exemple. Avez-vous démonté toutes les chaises?

      – Non, certainement, mais nous avons fait mieux, nous avons examiné les bâtons de toutes les chaises de l'hôtel, et même les jointures de toutes les pièces de l'ameublement, à l'aide d'un puissant microscope. S'il y avait eu la moindre trace d'un désordre récent, nous l'aurions infailliblement découvert à l'instant. Un seul grain de poussière causée par la vrille, par exemple, nous aurait sauté aux yeux comme une pomme. La moindre altération dans la colle, – un simple bâillement dans les jointures aurait suffi pour nous révéler la cachette.

      – Je présume que vous avez examiné les glaces entre la glace et le planchéiage, et que vous avez fouillé les lits et les courtines des lits, aussi bien que les rideaux et les tapis.

      – Naturellement; et quand nous eûmes absolument passé en revue tous les articles de ce genre, nous avons examiné la maison elle-même. Nous avons divisé la totalité de sa surface en compartiments, que nous avons numérotés, pour être sûrs de n'en omettre aucun; nous avons fait de chaque pouce carré l'objet d'un nouvel examen au microscope, et nous y avons compris les deux maisons adjacentes.

      – Les deux maisons adjacentes! m'écriai-je; vous avez dû vous donner bien du mal.

      – Oui, ma foi! mais la récompense offerte est énorme.

      – Dans les maisons, comprenez-vous le sol?

      – Le sol est partout pavé de briques. Comparativement, cela ne nous a pas donné grand mal. Nous avons examiné la mousse entre les briques, elle était intacte.

      – Vous avez sans doute visité les papiers de D… et les livres de la bibliothèque?

      – Certainement; nous avons ouvert chaque paquet et chaque article; nous n'avons pas seulement ouvert les livres, mais nous les avons parcourus feuillet par feuillet, ne nous contentant pas de les secouer simplement comme font plusieurs de nos officiers de police. Nous avons aussi mesuré l'épaisseur de chaque reliure avec la plus exacte minutie, et nous avons appliqué à chacune la curiosité jalouse du microscope. Si l'on avait récemment inséré quelque chose dans une des reliures, il eût été absolument impossible que le fait échappât à notre observation. Cinq ou six volumes qui sortaient des mains du relieur ont été soigneusement sondés longitudinalement avec les aiguilles.

      – Vous avez exploré les parquets, sous les tapis?

      – Sans doute. Nous avons enlevé chaque tapis, et nous avons examiné les planches au microscope.

      – Et les papiers des murs?

      – Aussi.

      – Vous avez visité les caves?

      – Nous avons visité les caves.

      – Ainsi, dis-je, vous avez fait fausse route, et la lettre n'est pas dans l'hôtel, comme vous le supposiez.

      – Je crains que vous n'ayez raison, dit le préfet. Et vous maintenant, Dupin, que me conseillez-vous de faire?

      – Faire une perquisition complète.

      – C'est absolument inutile! répliqua G… Aussi sûr que je vis, la lettre n'est pas dans l'hôtel!

      – Je n'ai pas de meilleur conseil à vous donner, dit Dupin. Vous avez, sans doute, un signalement exact de la lettre?

      – Oh! oui! Et ici, le préfet, tirant un agenda, se mit à nous lire à haute voix une description minutieuse du document perdu, de son aspect intérieur, et spécialement de l'extérieur. Peu de temps après avoir fini la lecture de cette description, cet excellent homme prit congé de nous, plus accablé et l'esprit plus complètement découragé que je ne l'avais vu jusqu'alors. Environ un mois après, il nous fit une seconde visite, et nous trouva occupés à peu près de la même façon. Il prit une pipe et un siège, et causa de choses et d'autres. À la longue, je lui dis:

      – Eh bien, mais, G… et votre lettre volée? Je présume qu'à la fin, vous vous êtes résigné à comprendre que ce n'est pas une petite besogne que d'enfoncer le ministre?

      – Que le diable l'emporte! – J'ai pourtant recommencé cette perquisition, comme Dupin me l'avait conseillé; mais, comme je m'en doutais, ç'a été peine perdue.

      – De combien est la récompense offerte? vous nous avez dit… demanda Dupin.

      – Mais… elle est très-forte… une récompense vraiment magnifique, – je ne veux pas vous dire au juste combien; mais une chose que je vous dirai, c'est que je m'engagerais bien à payer de ma bourse cinquante mille francs à celui qui pourrait me trouver cette lettre. Le fait est que la chose devient de jour en jour plus urgente, et la récompense a été doublée récemment. Mais, en vérité, on la triplerait, que je ne pourrais faire mon devoir mieux que je l'ai fait.

      – Mais… oui… dit Dupin en traînant ses paroles au milieu des bouffées de sa pipe, je crois… réellement, G… que vous n'avez pas fait… tout votre possible… vous n'êtes pas allé au fond de la question. Vous pourriez faire… un peu plus, je pense du moins, hein?

      – Comment? dans quel sens?

      – Mais… (une bouffée de fumée) vous pourriez… (bouffée sur bouffée) – prendre conseil en cette matière, hein? – (Trois bouffées de fumée.) – Vous rappelez-vous l'histoire qu'on raconte d'Abernethy?8

      – Non! au diable votre Abernethy!

      – Assurément! au diable, si cela vous amuse! – Or donc, une fois, un certain riche, fort avare, conçut le dessein de soutirer à Abernethy une consultation médicale. Dans ce but, il entama avec lui, au milieu d'une société, une conversation ordinaire, à travers laquelle il insinua au médecin son propre cas, comme celui d'un individu imaginaire.

      – Nous supposerons, dit l'avare, que les symptômes sont tels et tels; maintenant, docteur, que lui conseilleriez-vous de prendre?

      – Que prendre? dit Abernethy, mais prendre conseil à coup sûr.

      – Mais, dit le préfet, un peu décontenancé, je suis tout disposé à prendre conseil, et à payer pour cela. Je donnerais vraiment cinquante mille francs à quiconque me tirerait d'affaire.

      – Dans ce cas, répliqua Dupin, ouvrant un tiroir et en tirant un livre de mandats, vous pouvez aussi bien me faire un bon pour la somme susdite. Quand vous l'aurez signé, je vous remettrai votre lettre.

      Je fus stupéfié. Quant au préfet, il semblait absolument foudroyé. Pendant quelques minutes, il resta muet et immobile, regardant mon ami, la bouche béante, avec un air incrédule et des yeux qui semblaient lui sortir de la tête; enfin, il parut revenir un peu à lui, il saisit une plume, et, après quelques hésitations, le regard ébahi et vide, il remplit et signa un bon de cinquante mille francs, et le tendit à Dupin par-dessus la table. Ce dernier l'examina soigneusement et le serra dans son portefeuille; puis, ouvrant un pupitre, il en tira une lettre et la donna au préfet. Notre fonctionnaire l'agrippa dans une parfaite agonie de joie, l'ouvrit d'une main tremblante, jeta un coup d'œil sur son contenu, puis, attrapant précipitamment la porte, se rua sans plus de cérémonie hors de la chambre et de la maison, sans avoir prononcé une syllabe depuis le moment


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<p>8</p>

Médecin très célèbre et très excentrique. (C. B.)

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