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Actes et Paroles, Volume 3. Victor HugoЧитать онлайн книгу.

Actes et Paroles, Volume 3 - Victor Hugo


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une stupeur nous etait reservee, c'etait d'entendre ici, dans cette assemblee, begayer la defense de l'empire, devant le corps agonisant de la France, assassinee. (Mouvement.)

      Je ne prolongerai pas cet incident, qui est clos, et je me borne a constater l'unanimite de l'Assemblee…

       Quelques voix. – Moins cinq!

      M. VICTOR HUGO. – Messieurs, Paris, en ce moment, est sous le canon prussien; rien n'est termine et Paris attend; et nous, ses representants, qui avons pendant cinq mois vecu de la meme vie que lui, nous avons le devoir de vous apporter sa pensee.

      Depuis cinq mois, Paris combattant fait l'etonnement du monde; Paris, en cinq mois de republique, a conquis plus d'honneur qu'il n'en avait perdu en dix-neuf ans d'empire. (Bravo! bravo!)

      Ces cinq mois de republique ont ete cinq mois d'heroisme. Paris a fait face a toute l'Allemagne; une ville a tenu en echec une invasion; dix peuples coalises, ce flot des hommes du nord qui, plusieurs fois deja, a submerge la civilisation, Paris a combattu cela. Trois cent mille peres de famille se sont improvises soldats. Ce grand peuple parisien a cree des bataillons, fondu des canons, eleve des barricades, creuse des mines, multiplie ses forteresses, garde son rempart; et il a eu faim, et il a eu froid; en meme temps que tous les courages, il a eu toutes les souffrances. Les enumerer n'est pas inutile, l'histoire ecoute.

      Plus de bois, plus de charbon, plus de gaz, plus de feu, plus de pain! Un hiver horrible, la Seine charriant, quinze degres de glace, la famine, le typhus, les epidemies, la devastation, la mitraille, le bombardement. Paris, a l'heure qu'il est, est cloue sur sa croix et saigne aux quatre membres. Eh bien, cette ville qu'aucune n'egalera dans l'histoire, cette ville majestueuse comme Rome et stoique comme Sparte, cette ville que les prussiens peuvent souiller, mais qu'ils n'ont pas prise (Tres bien! tres bien!), – cette cite auguste, Paris, nous a donne un mandat qui accroit son peril et qui ajoute a sa gloire, c'est de voter contre le demembrement de la patrie (bravos sur les bancs de la gauche); Paris a accepte pour lui les mutilations, mais il n'en veut pas pour la France.

      Paris se resigne a sa mort, mais non a notre deshonneur (Tres bien! tres bien!), et, chose digne de remarque, c'est pour l'Europe en meme temps que pour la France que Paris nous a donne le mandat d'elever la voix. Paris fait sa fonction de capitale du continent.

      Nous avons une double mission a remplir, qui est aussi la votre:

      Relever la France, avertir l'Europe. Oui, la cause de l'Europe, a l'heure qu'il est, est identique a la cause de la France. Il s'agit pour l'Europe de savoir si elle va redevenir feodale; il s'agit de savoir si nous allons etre rejetes d'un ecueil a l'autre, du regime theocratique au regime militaire.

      Car, dans cette fatale annee de concile et de carnage… (Oh! oh!)

       Voix a gauche: Oui! oui! tres bien!

      M. VICTOR HUGO. – Je ne croyais pas qu'on put nier l'effort du pontificat pour se declarer infaillible, et je ne crois pas qu'on puisse contester ce fait, qu'a cote du pape gothique, qui essaye de revivre, l'empereur gothique reparait. (Bruit a droite. – Approbation sur bancs de la gauche.)

       Un membre a droite.– Ce n'est pas la question!

       Un autre membre a droite.– Au nom des douleurs de la patrie, laissons tout cela de cote. (Interruption.)

      M. LE PRESIDENT. – Vous n'avez pas la parole. Continuez, monsieur

      Victor Hugo.

      M. VICTOR HUGO. – Si l'oeuvre violente a laquelle on donne en ce moment le nom de traite s'accomplit, si cette paix inexorable se conclut, c'en est fait du repos de l'Europe; l'immense insomnie du monde va commencer. (Assentiment a gauche.)

      Il y aura desormais en Europe deux nations qui seront redoutables; l'une parce qu'elle sera victorieuse, l'autre parce qu'elle sera vaincue. (Sensation.)

      M. LE CHEF DU POUVOIR EXECUTIF. – C'est vrai!

      M. DUFAURE, ministre de la justice. – C'est tres vrai!

      M. VICTOR HUGO. – De ces deux nations, l'une, la victorieuse, l'Allemagne, aura l'empire, la servitude, le joug soldatesque, l'abrutissement de la caserne, la discipline jusque dans les esprits, un parlement tempere par l'incarceration des orateurs… (Mouvement.)

      Cette nation, la nation victorieuse, aura un empereur de fabrique militaire en meme temps que de droit divin, le cesar byzantin double du cesar germain; elle aura la consigne a l'etat de dogme, le sabre fait sceptre, la parole muselee, la pensee garrottee, la conscience agenouillee; pas de tribune! pas de presse! les tenebres!

      L'autre, la vaincue, aura la lumiere. Elle aura la liberte, elle aura la republique; elle aura, non le droit divin, mais le droit humain; elle aura la tribune libre, la presse libre, la parole libre, la conscience libre, l'ame haute! Elle aura et elle gardera l'initiative du progres, la mise en marche des idees nouvelles et la clientele des races opprimees! (Tres bien! tres bien!) Et pendant que la nation victorieuse, l'Allemagne, baissera le front sous son lourd casque de horde esclave, elle, la vaincue sublime, la France, elle aura sur la tete sa couronne de peuple souverain. (Mouvement.)

      Et la civilisation, remise face a face avec la barbarie, cherchera sa voie entre ces deux nations, dont l'une a ete la lumiere de l'Europe et dont l'autre en sera la nuit.

      De ces deux nations, l'une triomphante et sujette, l'autre vaincue et souveraine, laquelle faut-il plaindre? Toutes les deux. (Nouveau mouvement.)

      Permis a l'Allemagne de se trouver heureuse et d'etre fiere avec deux provinces de plus et la liberte de moins. Mais nous, nous la plaignons; nous la plaignons de cet agrandissement, qui contient tant d'abaissement, nous la plaignons d'avoir ete un peuple et de n'etre plus qu'un empire. (Bravo! bravo!)

      Je viens de dire: l'Allemagne aura deux provinces de plus. – Mais ce n'est pas fait encore, et j'ajoute: – cela ne sera jamais fait. Jamais, jamais! Prendre n'est pas posseder. Possession suppose consentement. Est-ce que la Turquie possedait Athenes? Est-ce que l'Autriche possedait Venise? Est-ce que la Russie possede Varsovie? (Mouvement.) Est-ce que l'Espagne possede Cuba? Est-ce que l'Angleterre possede Gibraltar? (Rumeurs diverses.) De fait, oui; de droit, non! (Bruit.)

       Voix a droite. – Ce n'est pas la question!

      M. VICTOR HUGO. – Comment, ce n'est-pas la question!

       A gauche. – Parlez! parlez!

      M. LE PRESIDENT. – Veuillez continuer, monsieur Victor Hugo.

      M. VICTOR HUGO. – La conquete est la rapine, rien de plus. Elle est un fait, soit; le droit ne sort pas du fait. L'Alsace et la Lorraine – suis-je dans la question? – veulent rester France; elles resteront France malgre tout, parce que la France s'appelle republique et civilisation; et la France, de son cote, n'abandonnera rien de son devoir envers l'Alsace et la Lorraine, envers elle-meme, envers le monde.

      Messieurs, a Strasbourg, dans cette glorieuse Strasbourg ecrasee sous les bombes prussiennes, il y a deux statues, Gutenberg et Kleber. Eh bien, nous sentons en nous une voix qui s'eleve, et qui jure a Gutenberg de ne pas laisser etouffer la civilisation, et qui jure a Kleber de ne pas laisser etouffer la republique. (Bravo! bravo! – Applaudissements.)

      Je sais bien qu'on nous dit: Subissez les consequences de la situation faite par vous. On nous dit encore: Resignez-vous, la Prusse vous prend l'Alsace et une partie de la Lorraine, mais c'est votre faute et c'est son droit; pourquoi l'avez-vous attaquee? Elle ne vous faisait rien; la France est coupable de cette guerre et la Prusse en est innocente.

      La Prusse innocente!.. Voila plus d'un siecle que nous assistons aux actes de la Prusse, de cette Prusse qui n'est pas coupable, dit-on, aujourd'hui. Elle a pris… (Bruit dans quelques parties de la salle.)

      M. LE PRESIDENT. – Messieurs, veuillez faire silence. Le bruit interrompt l'orateur et prolonge la discussion.

      M. VICTOR HUGO. – Il est extremement difficile de parler a l'Assemblee, si elle ne veut pas laisser l'orateur achever sa pensee.

       De tous cotes. – Parlez! parlez! continuez!

      M.


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