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La Terre. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Terre - Emile Zola


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dernier, grand et maigre, la face jaunie par des ambitions mortes, entra rudement. Au fond, il exécrait cette clientèle paysanne, qu'il accusait de sa médiocrité.

      – Quoi, personne?.. Ça va donc mieux?

      Puis, apercevant le corps:

      – Non, trop tard!.. Je vous le disais bien, je ne voulais pas venir. C'est toujours la même histoire, ils m'appellent quand ils sont morts.

      Ce dérangement inutile, au milieu de la nuit, l'irritait; et, comme Lise et Françoise rentraient justement, il acheva de s'exaspérer, lorsqu'il apprit qu'elles avaient attendu deux heures avant de l'envoyer chercher.

      – C'est vous qui l'avez tué, parbleu!.. Est-ce idiot? de l'eau de Cologne et du tilleul pour une apoplexie!.. Avec ça, personne près de lui. Bien sûr qu'il n'est pas en train de se sauver…

      – Mais, monsieur, balbutia Lise, en larmes, c'est à cause de la grêle.

      M. Finet, intéressé, se calma. Tiens! il était donc tombé de la grêle? A force de vivre avec les paysans, il avait fini par avoir leurs passions. Jean s'était approché, lui aussi; et tous deux s'étonnaient, se récriaient, car ils n'avaient pas reçu un grêlon, en venant de Cloyes. Ceux-ci épargnés, ceux-là saccagés, et à quelques kilomètres de distance: vrai! quelle déveine de se trouver du mauvais côté! Puis, comme Fanny rapportait la lanterne et que la Bécu et la Frimat la suivaient, toutes les trois éplorées, ne tarissant pas en détails sur les abominations qu'elles avaient vues, le docteur, gravement, déclara:

      – C'est un malheur, un grand malheur… Il n'y a pas de plus grand malheur pour les campagnes…

      Un bruit sourd, une sorte de bouillonnement l'interrompit. Cela venait du mort, oublié entre les deux chandelles. Tous se turent, les femmes se signèrent.

      III

      Un mois se passa. Le vieux Fouan, nommé tuteur de Françoise, qui entrait dans sa quinzième année, les décida, elle et sa soeur Lise, son aînée de dix ans, à louer leurs terres au cousin Delhomme, sauf un bout de pré, pour qu'elles fussent convenablement cultivées et entretenues. Maintenant que les deux filles restaient seules, sans père ni frère à la maison, il leur aurait fallu prendre un serviteur, ce qui était ruineux, à cause du prix croissant de la main-d'oeuvre. Delhomme, d'ailleurs, leur rendait là un simple service, s'engageant à rompre le bail dès que le mariage de l'une des deux nécessiterait le partage entre elles de la succession.

      Cependant, Lise et Françoise, après avoir également cédé au cousin leur cheval, devenu inutile, gardèrent les deux vaches, la Coliche et Blanchette, ainsi que l'âne, Gédéon. Elles gardaient de même leur demi-arpent de potager, que l'aînée se réservait d'entretenir, tandis que la cadette prendrait soin des bêtes. Certes, il y avait encore là du travail; mais elles ne se portaient pas mal, Dieu merci! elles en verraient bien la fin.

      Les premières semaines furent très dures, car il s'agissait de réparer les dégâts de la grêle, de bêcher, de replanter des légumes; et ce fut là ce qui poussa Jean à leur donner un coup de main. Une liaison se faisait entre lui et elles deux depuis qu'il avait ramené leur père moribond. Le lendemain de l'enterrement, il vint demander de leurs nouvelles. Puis, il revint causer, peu à peu familier et obligeant, si bien qu'une après-midi il ôta la bêche des poings de Lise, pour achever de retourner un carré. Dès lors, en ami, il leur consacra les heures que ne lui prenaient pas ses travaux à la ferme. Il était de la maison, de cette vieille maison patrimoniale des Fouan, bâtie par un ancêtre il y avait trois siècles, et que la famille honorait d'une sorte de culte. Lorsque Mouche, de son vivant, se plaignait d'avoir eu le mauvais lot dans le partage et accusait de vol sa soeur et son frère, ceux-ci répondaient: «Et la maison! est-ce qu'il n'a pas la maison?»

      Pauvre maison en loques, tassée, lézardée et branlante, raccommodée partout de bouts de planches et de plâtras! Elle avait dû être construite en moellons et en terre; plus tard, on en refit deux murs au mortier; enfin, vers le commencement du siècle, on se résigna à en remplacer le chaume par une toiture de petites ardoises, aujourd'hui pourries. C'était ainsi qu'elle avait duré et qu'elle tenait encore, enfoncée d'un mètre, comme on les creusait toutes au temps jadis, sans doute pour avoir plus chaud. Cela offrait l'inconvénient que, par les gros orages, l'eau l'envahissait; et l'on avait beau balayer le sol battu de cette cave, il restait toujours de la boue dans les coins. Mais elle était surtout malicieusement plantée, tournant le dos au nord, à la Beauce immense, d'où soufflaient les terribles vents de l'hiver; de ce côté, dans la cuisine, ne s'ouvrait qu'une lucarne étroite, barricadée d'un volet, au ras du chemin; tandis que, sur l'autre face, celle du midi, se trouvaient la porte et les fenêtres. On aurait dit une de ces masures de pêcheur, au bord de l'Océan, dont pas une fente ne regarde le flot. A force de la pousser, les vents de la Beauce l'avaient fait pencher en avant: elle pliait, elle était comme ces très vieilles femmes dont les reins se cassent.

      Et Jean, bientôt, en connut les moindres trous. Il aida à nettoyer la chambre du défunt, l'encoignure prise sur le grenier, simplement séparée par une cloison de planches, et dans laquelle il n'y avait qu'un ancien coffre, plein de paille, servant de lit, une chaise et une table. En bas, il ne dépassait point la cuisine, il évitait de suivre les deux soeurs dans leur chambre, dont la porte, toujours battante, laissait voir l'alcôve à deux lits, la grande armoire de noyer, une table ronde sculptée, superbe, sans doute une épave du château, volée autrefois. Il existait une autre pièce derrière celle-là, si humide, que le père avait préféré coucher en haut: on regrettait même d'y serrer les pommes de terre, car elles y germaient tout de suite. Mais c'était dans la cuisine qu'on vivait, dans cette vaste salle enfumée où, depuis trois siècles, se succédaient les générations des Fouan. Elle sentait les longs labeurs, les maigres pitances, l'effort continu d'une race qui était arrivée tout juste à ne pas crever de faim, en se tuant de besogne, sans avoir jamais un sou de plus en décembre qu'en janvier. Une porte, ouvrant de plain-pied sur l'étable, mettait les vaches de compagnie avec le monde; et, quand cette porte se trouvait fermée, on pouvait les surveiller encore par une vitre enchâssée dans le mur. Ensuite, il y avait l'écurie, où Gédéon restait seul, puis un hangar et un bûcher; de sorte qu'on n'avait pas à sortir, on filait partout. Dehors, la pluie entretenait la mare, qui était la seule eau pour les bêtes et l'arrosage. Chaque matin, il fallait descendre à la fontaine, en bas, sur la route, chercher l'eau de la table.

      Jean se plaisait là, sans se demander ce qui l'y ramenait. Lise, gaie, avec toute sa personne ronde, était d'un bon accueil. Pourtant, ses vingt-cinq ans la vieillissaient déjà, elle devenait laide, surtout depuis ses couches. Mais elle avait de gros bras solides, elle apportait à la besogne un tel coeur, tapant, criant, riant, qu'elle réjouissait la vue. Jean la traitait en femme, ne la tutoyait pas, tandis qu'il continuait, au contraire, à tutoyer Françoise, dont les quinze ans faisaient pour lui une gamine. Celle-ci, que le grand air et les durs travaux n'avaient pas eu le temps à enlaidir, gardait son joli visage long, au petit front têtu, aux yeux noirs et muets, à la bouche épaisse, ombrée d'un duvet précoce; et, toute gamine qu'on la croyait, elle était femme aussi, il n'aurait pas fallu, comme disait sa soeur, la chatouiller de trop près, pour lui faire un enfant. Lise l'avait élevée, leur mère étant morte: de là venait leur grande tendresse, active et bruyante de la part de l'aînée, passionnée et contenue chez la cadette. Cette petite Françoise avait le renom d'une fameuse tête. L'injustice l'exaspérait. Quand elle avait dit: «Ça c'est à moi, ça c'est à toi,» elle n'en aurait pas démordu sous le couteau; et, en dehors du reste, si elle adorait Lise, c'était dans l'idée qu'elle lui devait bien cette adoration. D'ailleurs, elle se montrait raisonnable, très sage, sans vilaines pensées, seulement tourmentée par ce sang hâtif, ce qui la rendait molle, un peu gourmande et paresseuse. Un jour, elle en vint, elle aussi, à tutoyer Jean, en ami très âgé et bonhomme, qui la faisait jouer, qui la taquinait parfois, mentant exprès, soutenant des choses injustes, pour s'amuser à la voir s'étrangler de colère.

      Un dimanche, par une après-midi déjà brûlante de juin, Lise travaillait, dans le potager, à sarcler des pois; et elle avait posé sous un prunier Jules, qui s'y était endormi. Le soleil la chauffait d'aplomb, elle soufflait, pliée en deux, arrachant les herbes, lorsqu'une


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