Эротические рассказы

Paris. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

Paris - Emile Zola


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y eut un silence. D'un pas discret, le maître d'hôtel présentait des rougets grillés. Le service silencieux, dans la douceur tiède et embaumée de la pièce, ne laissait pas même entendre un bruit de vaisselle. Et, sans qu'on sût comment, la conversation avait brusquement changé, une voix demanda:

      – Alors, la reprise de la pièce est reculée?

      – Oui, dit Gérard, j'ai su ce matin que Polyeucte ne passerait pas avant avril, au plus tôt.

      Camille, muette jusque-là, occupée du jeune homme, s'efforçant de le reconquérir, regarda sa mère et son père de ses yeux luisants. Il s'agissait de la reprise où Silviane s'entêtait à débuter. Mais le baron et la baronne gardèrent une sérénité parfaite, n'ayant plus depuis longtemps rien à ignorer l'un de l'autre. Eve était si heureuse du rendez-vous obtenu pour l'après-midi! Elle songeait uniquement à ce bonheur, l'imagination déjà là-bas, dans le nid d'amour, tandis qu'elle souriait d'une façon inconsciente à ses convives. Et le baron était bien trop occupé de la nouvelle démarche qu'il comptait faire en tempête aux Beaux-Arts, pour emporter de haute lutte l'engagement. Il se contenta de dire:

      – Comment voulez-vous qu'ils remontent les pièces, à la Comédie? Ils n'ont plus de femmes.

      – Oh! reprit simplement la baronne, hier, dans cette pièce du Vaudeville, Delphine Vignot avait une robe exquise, et il n'y a qu'elle pour savoir se coiffer.

      Alors, Dutheil raconta, en gazant un peu, à cause de Camille, l'aventure de Delphine et d'un sénateur bien connu. Puis, ce fut un autre scandale, la mort d'une amie de la maison, opérée trop brutalement par un chirurgien, affaire qui avait failli échouer entre les mains d'Amadieu; et le général en profita, sans transition d'ailleurs, pour placer son amertume, sa sortie accoutumée contre l'organisation imbécile de l'armée actuelle. Le vieux bordeaux luisait comme un sang vermeil dans le fin cristal des verres, un filet de chevreuil aux truffes venait de mêler son fumet un peu âpre au parfum mourant des roses, lorsque des asperges apparurent, une primeur, si rare autrefois, et qui n'étonnait même plus.

      – Maintenant, dit le baron avec un geste désenchanté, il y en a tout l'hiver.

      – Alors, demandait au même moment Gérard, c'est cette après-midi, la matinée de la princesse de Harth?

      Camille vivement intervint.

      – Oui, cet après-midi. Irez-vous?

      – Non, je ne pense pas, je ne pourrai pas, répondit le jeune homme gêné.

      – Ah! cette petite princesse, s'écria Dutheil, elle est décidément toquée. Vous n'ignorez pas qu'elle se dit veuve. La vérité serait que son mari, un vrai prince, allié à une famille royale, et beau comme le jour, voyagerait par le monde en compagnie d'une cantatrice. Elle, avec sa tête de gamin vicieux, a préféré venir régner à Paris, dans cet hôtel de l'avenue Kléber, qui est bien l'arche la plus extraordinaire, où le cosmopolitisme pullule en pleine extravagance.

      – Taisez-vous, mauvaise langue, interrompit doucement la baronne. Ici, nous aimons beaucoup Rosemonde, qui est une charmante femme.

      – Mais certainement, reprit de nouveau Camille, elle nous a invités, et nous irons tantôt chez elle, n'est-ce pas, maman?

      La baronne, pour ne pas répondre, affecta de n'avoir pas entendu, pendant que Dutheil, qui paraissait très renseigné, continuait à s'égayer sur la princesse et sur la matinée qu'elle donnait, où elle devait produire des danseuses espagnoles, d'une mimique si lascive, que tout Paris, averti, allait s'écraser chez elle. Et il ajouta:

      – Vous savez qu'elle a lâché la peinture, elle s'occupe de chimie. C'est plein d'anarchistes, à présent, dans son salon… Il m'a semblé qu'elle vous poursuivait, mon cher Hyacinthe.

      Jusque-là, Hyacinthe n'avait pas desserré les lèvres, comme détaché de tout.

      – Oh! elle m'assomme, daigna-t-il répondre. Si je vais à sa matinée, c'est dans l'espoir d'y rencontrer mon ami, le jeune lord Elson, qui m'a écrit de Londres pour m'y donner rendez-vous. J'avoue que c'est le seul salon où je trouve avec qui causer.

      – Ainsi, demanda ironiquement Amadieu, vous voilà passé à l'anarchie?

      Imperturbable, de son air de haute élégance, Hyacinthe fit sa profession de foi.

      – Mais, monsieur, il me semble qu'en ces temps de bassesse et d'ignominie universelles, un homme de quelque distinction ne saurait être qu'anarchiste.

      Un rire courut autour de la table. On le gâtait beaucoup, on le trouvait très drôle. Son père surtout s'amusait à l'idée d'avoir, lui! un fils anarchiste; et le général, dans ses heures de rancune, parlait de chambarder une société assez bête pour se laisser mener par quatre polissons. Seul, le juge d'instruction, qui était en train de se faire une spécialité des affaires anarchistes, lui tint tête, défendit la civilisation menacée, donna des détails terrifiants sur ce qu'il appelait l'armée de la dévastation et du massacre. Mais les autres convives continuaient de sourire, en mangeant d'un pâté de foies de canard vraiment délicieux, que passait le maître d'hôtel. Il y avait tant de misère, il fallait tout comprendre, les choses finiraient par s'arranger. Le baron lui-même déclara d'un air conciliant:

      – C'est certain, on pourrait faire quelque chose. Quoi? personne ne le sait au juste. Les revendications sages, oh! je les accepte d'avance. Par exemple, améliorer le sort de l'ouvrier, créer de bonnes œuvres, tenez! comme notre Asile des Invalides du travail, dont nous avons raison d'être fiers. Mais il ne faut pas qu'on nous demande l'impossible.

      Au dessert, il se fit un moment de brusque silence, comme si, dans le papotage des conversations, sous l'étourdissement du copieux déjeuner, la préoccupation, la détresse de chacun serrait de nouveau les cœurs, reparaissait sur les faces effarées. Et l'on vit renaître l'inconscience inquiète de Dutheil, menacé de délation, la colère anxieuse du baron, se demandant comment il allait pouvoir contenter Silviane. Cette fille était sa tare, à lui, si solide, si puissant, le mal secret qui finirait peut-être par le ronger et le détruire. Et l'on vit surtout passer l'affreux drame sur les visages de la baronne, de Camille et de Gérard, cette rivalité haineuse de la mère et de la fille, se disputant l'homme qu'elles aimaient. Les lames de vermeil pelaient délicatement les fruits, il y avait des grappes de raisin dorées, d'une admirable fraîcheur, et des sucreries, des gâteaux défilèrent, une infinité de friandises, où s'attardaient complaisamment les appétits repus.

      Puis, comme on servait les rince-bouches, un valet vint se pencher à l'oreille de la baronne, qui répondit à demi-voix:

      – Eh bien! faites-le entrer au salon. Je vais l'y retrouver.

      Et, plus haut, aux convives:

      – C'est monsieur l'abbé Froment qui est là et qui insiste pour être reçu. Il ne nous gênera pas, je crois que vous le connaissez tous. Oh! un véritable saint, pour lequel j'ai beaucoup de sympathie!

      On s'oublia quelques minutes encore autour de la table, et l'on quitta enfin la salle à manger, tout odorante des mets, des vins, des fruits et des roses, toute chaude des grosses bûches qui étaient tombées en braise, dans la gaieté un peu en déroute des cristaux et de l'argenterie, sous le jour pâle et fin éclairant la débandade du couvert.

      Au milieu du petit salon, bleu et argent, Pierre était resté debout. Il regrettait maintenant d'avoir insisté, en voyant, sur une table, le plateau où le café et les liqueurs étaient servis. Puis, son embarras augmenta, lorsque les convives entrèrent un peu bruyamment, les yeux brillants et les joues roses. Mais sa flamme de charité s'était rallumée en lui si ardente, qu'il vainquit cette gêne. Et il ne lui resta que le sourd malaise d'apporter l'effroyable matinée de misère qu'il avait vécue, tant de noir et de froid, tant de saleté et de faim, dans cette richesse si claire, si tiède, si parfumée, débordante d'inutile et de superflu, au milieu de ces gens qui semblaient très gais d'avoir bien déjeuné.

      Tout de suite, la baronne s'avança avec Gérard, car c'était par celui-ci, dont il connaissait la mère, que le prêtre avait été présenté aux Duvillard,


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