Une Confédération Orientale comme solution de la Question d'Orient. UnknownЧитать онлайн книгу.
dirigée par des officiers étrangers, malgré tous les efforts méritoires de ceux-ci, rencontre à elle seule de tels obstacles, qu'on ne sait s'il ne faudra pas bientôt recourir à cette intervention plus énergique que laissait prévoir récemment le comte Goluchowsky.
La présence des Turcs nous paraît donc rendre insoluble le problème de l'autonomie de la Macédoine. Quant à une annexion plus ou moins différée de la Macédoine à la Bulgarie, même si ce rêve caressé par les Bulgares pouvait se réaliser, il se produirait entre la race dominante et ses rivales d'interminables conflits qui, sous une autre forme, rouvriraient la question balkanique avec plus d'acuité peut-être, car du moins l'état actuel est considéré par tous comme provisoire et laisse la porte ouverte à toutes les espérances.
Admettons que le système qui a réussi aux Bulgares pour la Roumélie orientale leur réussisse encore pour la Macédoine; que les procédés turcs, exactions, assassinats, incendies, jettent toutes les races désespérées dans les bras du panbulgarisme, dont la propagande par le fait revêt d'ailleurs des formes aussi horribles. Pourrait-on conclure de ce début–car, après avoir taillé, il s'agirait de coudre–qu'un État de quatre millions d'habitants saurait s'imposer à toutes les nationalités éparses sur le territoire macédonien, qui, de la première à la dernière, avec les mêmes droits, aspirent à une existence politique propre, à un développement national individuel?
Et chacune de ces nationalités macédoniennes n'a-t-elle pas un appui extérieur, au même titre que l'élément bulgare impuissant à les absorber et qui seul verrait ses voeux comblés?
Peut-on croire que la Grèce, qui étend ses visées jusque sur Constantinople; qui, depuis des siècles, nourrit un idéal panhellénique; qui a dans son jeu l'influence restée considérable du patriarcat; qui impose encore sa langue par le culte, l'école et le négoce, consentira à se voir barrer tout avenir, sans recourir contre les Bulgares aux moyens révolutionnaires qu'elle a d'ailleurs trop bien enseignés à ceux-ci? La Serbie elle-même, quoique atteinte d'une moindre mégalomanie, resterait-elle impassible? Mais elle étouffe dans ses limites actuelles et aspire à s'ouvrir une fenêtre sur la mer Égée, depuis que la domination autrichienne en Bosnie et en Herzégovine lui interdit l'espoir d'arriver à l'Adriatique. La Roumanie, de son côté, ne saurait s'accommoder, pour des raisons qui apparaîtront clairement au chapitre suivant, d'un agrandissement aussi considérable de la Bulgarie, même au prix de certaines compensations. Nous ne saurions mettre en ligne les intérêts des Turcs immigrés; mais il faut bien parler des Albanais, puisqu'ils sont autochtones. Les uns et les autres, accoutumés depuis des siècles à considérer les Bulgares comme des serfs attachés à la glèbe pour leur plus grand profit, verseraient leur sang jusqu'à la dernière goutte plutôt que de se soumettre débonnairement à celui des peuples chrétiens qu'ils ont le plus opprimé parce qu'il le considéraient comme inférieur à tous les autres.
Donc une Grande Bulgarie rencontrerait l'hostilité absolue d'abord de la majorité des populations qu'elle voudrait dominer, puis des petits États voisins ayant des affinités de race avec ces populations sur lesquelles ils exercent une sorte de protectorat moral.
Conviendrait-elle mieux, sans parler des autres, aux deux grandes puissances qui ont assumé le mandat de rétablir l'ordre dans la Péninsule? Il est possible que la Russie elle-même, payée pour connaître les Bulgares, ne s'en accommode pas. Quant à l'Autriche, qui y a pris pour devise «diviser pour régner», son attitude ne laisse pas de doute.
Il y a au surplus en Macédoine un petit parti d'autonomistes, également opposés aux prétentions de la Bulgarie et à celles de la Grèce, également méfiants vis-à-vis de la Russie et de l'Autriche. Il lui manque encore le point d'appui qui rendrait sa conception viable; mais ce parti est bien celui de l'avenir, sous la condition qui fait l'objet même de cette étude, excluant aussi bien l'absorption par l'Autriche que le péril panslaviste, comme elle écarterait, pour les petits peuples balkano-danubiens, la menace d'une rupture d'équilibre.
CHAPITRE IV
LES ROUMAINS DU SUD
Nous les désignerons ainsi,–car ils se nomment eux-mêmes Roumains ou Aromâni, la phonétique de leur dialecte latin comportant l'emploi de la voyelle A devant le R initial,–et non sous les sobriquets plus ou moins malveillants de Tzintzari et de Koutzo-Valaques15, que leur attribuent les peuples voisins.
Les Roumains de Turquie ont peu fait parler d'eux jusqu'ici dans les sphères diplomatiques et dans la presse occidentale, et si même ils ont attiré l'attention au cours de ces dernières années, c'est à cause de la question des réformes. Ils sont pourtant dignes de toute la sympathie de l'Europe, tant par leur origine, leur passé, leurs incontestables qualités morales et intellectuelles, que par leur attitude sérieuse et calme au milieu de tous les événements dont l'Orient est le théâtre.
Nous avons déclaré plus haut que nous ne discuterions pas les controverses historiques susceptibles de nous entraîner hors du cadre de cette étude politique, dont une solution aussi équitable que possible du problème oriental est l'unique objet. Toutefois, nous croyons utile de rappeler à larges traits comment cet élément latin s'est établi et a subsisté dans la péninsule balkanique.
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