Louis Riel, Martyr du Nord-Ouest. UnknownЧитать онлайн книгу.
sur cette partie de notre histoire.
Le Canada peut se dire, avec une légitime fierté, que ses volontaires se sont comportés héroïquement devant le feu de l'ennemi. Mais si la bravoure des soldats est restée au-dessus de tout éloge, il plane encore beaucoup d'incertitude sur le plus ou moins d'habileté des chefs et sur la façon dont les opérations ont été conduites.
D'après le témoignage d'un conservateur du Nord-Ouest, dont les affirmations n'ont jamais été démenties, les insurgés au nombre de 300 à 400, n'auraient jamais eu plus de cent combattants. Même à la plus forte escarmouche, qui fut celle de Batoche, ils n'avaient pas cinquante combattants, et la bataille a duré quatre jours. On a peine à comprendre qu'il ait fallu tant de temps et d'efforts pour aboutir à un si mince résultat.[1]
[Note 1: LA PRESSE, 24 août 1885.]
D'un autre côté, des témoins oculaires affirment qu'étant donnée la façon dont les volontaires avaient été éparpillés, par petites bandes, c'est un véritable miracle qu'ils n'aient pas été massacrés en détail; et c'est l'avis de plusieurs officiers, ayant pris part à la lutte, que si les Métis avaient eu à leur tête un militaire de profession, expérimenté dans la conduite des embuscades, notre jeune armée aurait été exposée à un véritable désastre.
Le parlement a voté néanmoins au général Middleton une récompense pécuniaire, ni plus ni moins que s'il avait gagné une nouvelle bataille de Waterloo; et le gouvernement impérial, auquel les ministres d'Ottawa avaient intérêt à faire prendre la rébellion au sérieux, a gratifié d'une décoration le commandant en chef et le ministre de la Milice.
Après tout, le gouvernement impérial qui avait déjà pris au sérieux les exploits stratégiques du général Wolseley, en 1870, ne pouvait mieux faire que de traiter, en 1885, le général Middleton en triomphateur.
Mais, la lettre adressée à M. F. X. Lemieux, par le révérend Père André, a jeté plus d'une ombre sur cette étoile naissante de l'armée anglaise.
Aujourd'hui, dit le Père André, le gouvernement se glorifie de la victoire et s'applaudit comme d'un grand triomphe d'avoir battu les Métis. Riel est condamné, les principaux Métis de Saskatchewan sont dans les fers; et dans son enthousiasme, le Parlement vote vingt mille piastres au général Middleton; tout le Canada est fier de son succès et de celui des volontaires. Nous sommes heureux comme le reste de la nation que cette rébellion soit finie, nous l'avons vivement combattue, prévoyant tous les malheurs qu'elle entraînerait avec elle. Mais je dois le dire au risque de choquer plusieurs personnes que j'aime et estime; l'armée du général Middleton s'est déshonorée par le pillage éhonté auquel elle s'est livrée, malgré la proclamation du général qui défendait de ne rien toucher, de ne rien prendre. Je ne parle pas d'après les rapports qui m'ont été fait; mais j'ai visité plusieurs fois la contrée qui avoisine Batoche, et je puis affirmer que sur une longueur de 25 milles, toutes les maisons établies sur le côté sud de la Saskatchewan ont été pillées et saccagées, et plus de 20 ont été brûlées et rasées.
Cette contrée jadis si florissante offre un spectacle affreux de désolation et de détresse qui fait mal à voir. Les volontaires ont pillé les habitants et tout ce qu'ils possédaient, leurs chevaux, leurs effets et habillements, et ils n'ont laissé aux malheureux que ce qu'ils avaient sur le dos. Le général été humain et doux à l'égard des habitants, il ne leur a infligé aucun traitement cruel, mais il a assisté impassible à tout le pillage qui se faisait autour de lui, malgré sa proclamation. Et lui-même, comme pour les encourager à piller, s'est approprié un beau cheval et une voiture d'un nommé Manuel Champagne, dont il a fait présent à Thomas Ibouri. Voilà les faits dont je suis certain, et le ministre de la milice peut affecter l'ignorance tant qu'il voudra, ces faits n'en seront pas moins vrais et réels.
Le résultat de tout cela est que nos pauvres Métis sont dans une détresse et un dénuement extraordinaires.
Je regrette que le général Middleton n'ait pas achevé son oeuvre, et qu'au pillage il n'ait ajouté le massacre, au moins il nous aurait épargné le spectacle de cette agonie prolongée que voyons devant nous.
Un tel écrit, émané d'un témoin aussi digne de foi que le Rév. Père André, est de nature à diminuer quelque peu la gloire du général en chef, dont l'unique victoire se réduit à avoir emporté en quatre jours une redoute défendue par cinquante hommes; du général en chef qui n'est parvenu à prendre de vive force qu'un cheval volé à son propriétaire; mais qui n'a pu prendre Riel qu'en lui écrivant une lettre pour le prier de se rendre, et qui, après avoir vainement poursuivi Gros Ours, n'a trouvé finalement d'autre ressources pour s'emparer de sa personne que de mettre sa tête à prix et de provoquer ainsi la trahison d'un des siens.
M. A. N. Montpetit, qui a résumé dans son livre sur Riel à la Rivière du Loup, les principaux événements de la campagne, décrit de la façon suivante les deux derniers exploits du général Middleton pendant cette campagne.
Juin, 9. Le général Middleton au Lac aux Huarts. Il traverse sur un radeau. Il abandonne la poursuite de Gros-Ours. Le pays est infranchissable.
Juin, 22. Le général Middleton, après s'être remis à la poursuite de Gros-Ours, y renonce une seconde fois et décide de renvoyer les volontaires dans leurs foyers.
Ce bulletin d'une concision expressive, ne ressembla pas précisément à un bulletin de la Grande armée, et il nous autorise à ne point porter M. le général Middleton en triomphe.
La personnalité que la campagne du Nord-Ouest a mis hors de pair, ne figure point dans le camp des victorieux, mais dans celui des vaincus: c'est celle de Gabriel Dumont.
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