Peines, tortures et supplices. UnknownЧитать онлайн книгу.
Peines, tortures et supplices
PRÉFACE
Il est bien entendu que, dans cette collection, il n'est en aucune façon question de systèmes ni de théories. Dans chaque branche physiologique, sociale ou naturelle, ont été relevés avec soin les faits curieux qui se recommandent à l'attention par leur étrangeté. Le présent volume traite des peines corporelles: nous avons dû commencer par les prisons, et nous n'avons pas jugé nécessaire de remonter dans l'antiquité, attendu que cachots, caveaux ou cellules ne présentent pas de différences assez notables pour donner lieu à une description spéciale. Nous ne nous sommes donc attachés qu'à donner les détails les plus minutieux sur la prison qui réalise le plus complètement le type des établissements pénitentiaires actuels. Nous voulons parler de Mazas.
Passant ensuite à une pénalité d'un degré supérieur, nous avons décrit les Bagnes.
Il nous était impossible de passer sous silence les effroyables tortures usitées dans les temps anciens, au moyen âge et même aujourd'hui encore, dans quelques pays civilisés.
Enfin, nous nous sommes attachés à une étude aussi complète que possible des différents supplices, tant anciens que modernes, qui ont ou avaient la mort pour résultat.
Ce petit volume est donc divisé en quatre parties
Première partie: Les Prisons.
Deuxième partie: Les Bagnes.
Troisième partie: La Torture.
Quatrième partie: La Peine de Mort.
Pour les détails de l'index, voir la table à la fin du volume.
PREMIÈRE PARTIE
LES PRISONS
I. PARIS
Les prisons de la Seine sont au nombre de huit; plus quatre dépôts de sûreté. Elles renfermaient l'année dernière, au jour où a été fait le relevé des écrous, 4520 détenus, dont 3219 hommes et 1301 femmes.
Cette population se divisait ainsi:
Mazas, 1050 hommes; la Roquette (dépôt des condamnés), 384 hommes; la Conciergerie (maison de justice), 82 hommes; Saint-Lazare (maison d'arrêt et de correction), 2 hommes et 992 femmes; Madelonnettes (idem), 440 hommes; Sainte-Pélagie (idem), 526 hommes; Saint-Denis (maison de répression), 618 hommes et 298 femmes; Clichy (prison pour dettes), 117 hommes et 11 femmes.
Voici comment le travail est divisé dans ces maisons:
À la Roquette, il y a surtout des cordonniers, des corroyeurs, des natteurs, des papetiers, de la sparterie et des tailleurs.
À la Conciergerie, il n'existe pas d'ateliers; tout le travail se réduit au service intérieur.
À Saint-Lazare, les spécialités de travail sont la couture, le raccommodage, le service intérieur.
À Sainte-Pélagie, nous trouvons de grands ateliers: agrafes, boutons, chaînes, chapelets, chaussonnerie, cordonnerie, cuirs, éventails, menuiserie, joncs, plaques en cuir, sparterie, semelles, tailleurs et service intérieur.
À Mazas, les industries sont moins nombreuses: les agrafes, les chaînes, les chaussons, le cuir, les copistes, les épinglettes, les tailleurs, la papeterie.
Aux Madelonnettes, mêmes ateliers, et, en plus, plumassiers, vieux linge.
À Saint-Denis, mêmes industries.
La moyenne de la journée de travail est de 47 centimes.
Le travail a produit net: 420 946 fr. 82 c., qui ont été répartis: 157 315 f. aux hommes, 57 567 f. aux femmes et 205 973 f. à l'entrepreneur.
Aux dépôts de sûreté, le travail est nul.
Nous donnons plus loin une très-minutieuse description de Mazas, la prison la plus curieuse de Paris. Nous allons seulement passer en revue quelques établissements pénitentiaires de la capitale, en indiquant leurs caractères principaux.
Est ainsi nommée parce qu'au temps où les rois de France habitaient le palais de la Cité, c'était dans ce bâtiment que demeurait le concierge de la résidence royale.
C'est là que furent enfermés Ravaillac, l'assassin de Henri IV, et Damiens, qui avait frappé Louis XV.
La tour de Montgomery doit son nom au séjour forcé qu'y fit le comte de Montgomery, après avoir frappé Henri II de sa lance dans un tournoi.
Ont été enfermés à la Conciergerie Marie-Antoinette, madame Élisabeth, les Girondins, madame Roland, le duc d'Orléans, Danton, Camille Desmoulins, les Hébertistes, Robespierre, Saint-Just; sous l'Empire, Georges Cadoudal; sous la Restauration, le comte de La Vallette, les quatre sergents de La Rochelle, Béranger; sous Louis-Philippe, Godefroy Cavaignac, Marrast, Lamennais, et enfin, à une époque récente, MM. Nefftzer, actuellement rédacteur en chef du Temps, Ch. et F. Hugo, Vacquerie, Paul Meurice, Pianori et Orsini.
Cette prison fut d'abord un monastère, et saint Vincent de Paule l'habita avec la congrégation des Prêtres de la mission. Il y mourut en 1660.
C'est là que sont enfermées les femmes coupables et notamment toutes celles qui se livrant à la prostitution ont contrevenu aux règlements de police.
Saint-Lazare contient une pistole, où habitent les détenues qui peuvent payer les frais de leur séjour. Ces cellules ne sont fermées que pendant la nuit.
Les femmes qui sont condamnées pendant qu'elles nourrissent conservent leur enfant dans la prison.
La garde des détenues est confiée à cinquante sœurs.
Les femmes travaillent dans un atelier et sont particulièrement occupées à des ouvrages de couture. La journée rapporte en moyenne deux francs.
Le nombre des détenues est de 900 à 1000.
Enfin, c'est à Saint-Lazare que se trouve la manutention du pain pour toutes les prisons de Paris.
Les renseignements les plus complets et les plus intéressants ont été donnés par M. Alfred Sirven dans un volume publié: Les Prisons politiques1.
Sainte-Pélagie est particulièrement affecté aux détenus pour dettes (la contrainte par corps subsistant pour les dettes envers l'État) et les condamnés politiques. Un pavillon particulier, dit des Princes, est réservé aux condamnés pour délits de presse.
Bien des illustrations ont passé à Sainte-Pélagie; contentons-nous de citer Béranger, P.-L. Courier, Armand Carrel, Lamennais, Proudhon, M. de Girardin, Laurent Pichat, Vermorel, Eug. Pelletan.
Cette prison se trouve rue de la Clé, non loin de l'hôpital de la Pitié.
Sans nous arrêter à
qui n'a d'intérêt que par la cellule des condamnés à mort, décrite dans notre chapitre consacré aux exécutions, arrivons enfin à la prison la plus importante de Paris.
Nous empruntons nos détails à un très-curieux travail d'un journaliste, M. Jules Lermina, qui, sous ce titre, Soixante-douze heures à Mazas, publia dans le Corsaire, journal qui n'eut que trois mois d'une existence très-agitée, une relation minutieuse de ce qu'il avait vu et remarqué pendant son séjour dans cette prison.
Nous avertissons seulement le lecteur qu'il remarquera beaucoup d'optimisme dans cette description: le prisonnier était sans doute d'une dose remarquable de philosophie; mais nous avons été en général habitués à une telle exagération en sens contraire dans les descriptions publiées par les détenus, que nous ne regrettons pas de devoir à la liberté d'esprit du prisonnier des détails que d'autres plus émus eussent passés sous silence.
C'est le détenu qui parle:
Il faisait presque nuit: quelques minutes après, et sans que je puisse trop me rappeler comment, j'étais dans la voiture. Elle m'a paru contenir dix cellules. Celle où je me trouvais avait exactement la forme d'une boîte longue, dressée
1
Chez Lebigre-Duquesne. 1 vol., 3 fr.