Littérature et Philosophie mêlées. Victor HugoЧитать онлайн книгу.
les ducs de Richelieu et de Praslin, le chancelier d'Aguesseau, le président Hénault, etc. Les lettres à la duchesse du Maine en particulier forment une correspondance entièrement inédite et vraiment charmante et curieuse. Il y a encore dans cette collection une épître au pape Benoît XIV, écrite en italien, et signé il devotissimo Voltaire. Cela veut dire le très dévot ou le très dévoué, peut-être l'un et l'autre, et à coup sûr ni l'un ni l'autre. Puisque vous voulez des citations, voici un billet assez joli de forme et de tournure, adressé au comte de Choiseul alors ministre. Vous reconnaîtrez dans ce peu de mots la touche de cet homme toujours plein d'idées neuves et piquantes; il était difficile d'échapper d'une manière plus originale aux formules banales et cérémonieuses des recommandations de cour.
«Permettez que je vous informe de ce qui vient de m'arriver avec M. Makartney, gentilhomme anglais très jeune et pourtant très sage; très instruit, mais modeste; fort riche et fort simple; et qui criera bientôt au parlement mieux qu'un autre. Il m'a nié que vous eussiez des bontés pour moi. Je me suis échauffé, je me suis vanté de votre protection; il m'a répondu que si je disais vrai, je prendrais la liberté de vous écrire; j'ai les passions vives. Pardonnez, monseigneur, au zèle, à l'attachement et au profond respect du vieux montagnard.»
Le vieux suisse libre est bon courtisan, comme on voit. Vous retrouverez dans la plupart des autres lettres la gaîté communicative, la vivacité et souvent la témérité de jugement, la flatterie adroite, la raillerie tantôt douce et tantôt mordante, auxquelles on reconnaît la touche inimitable de Voltaire prosateur. Parmi le petit nombre de pièces de vers, mêlées aux morceaux de prose, la suivante, adressée à la fameuse Mlle Raucourt, n'a jamais été imprimée:
Raucourt, tes talents enchanteurs
Chaque jour te font des conquêtes;
Tu fais soupirer tous les coeurs,
Tu fais tourner toutes les têtes.
Tu joins au prestige de l'art
Le charme heureux de la nature,
Et la victoire toujours sûre
Se range sous ton étendard.
Es-tu Didon, es-tu Monime,
Avec toi nous versons des pleurs;
Nous gémissons de tes malheurs
Et du sort cruel qui t'opprime.
L'art d'attendrir et de charmer
A paré ta brillante aurore;
Mais ton coeur est fait pour aimer,
Et ton coeur ne dit rien encore.
Défends ce coeur du vain désir
De richesse et de renommée;
L'amour seul donne le plaisir,
Et le plaisir est d'être aimée.
Déjà l'amour brille en tes yeux,
Il naîtra bientôt dans ton âme;
Bientôt un mortel amoureux
Te fera partager sa flamme.
Heureux! trop heureux cet amant
Pour qui ton coeur deviendra tendre,
Si tu goûtes le sentiment
Comme tu sais si bien le rendre!
De jolis vers sans doute. J'avoue pourtant que j'ai peu de sympathie pour cette espèce de poésie. J'aime mieux Homère.
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