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Les compagnons de Jéhu. Alexandre DumasЧитать онлайн книгу.

Les compagnons de Jéhu - Alexandre Dumas


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comme Faust se rendant à la montagne du sabbat.

      Les trois lignes qu'il avait écrites étaient celles-ci:

      «Louis de Montrevel, aide de camp du général Bonaparte, est arrivé cette nuit au château des Noires-Fontaines.

      «Garde à vous, compagnons de Jéhu!»

      Mais, tout en prévenant ses amis de se garder de Louis de Montrevel, Morgan avait tracé une croix au-dessus de son nom, ce qui voulait dire que, quelque chose qu'il arrivât, le jeune officier devait leur être sacré.

      Chaque compagnon de Jéhu pouvait sauvegarder un ami sans avoir besoin de rendre compte des motifs qui le faisaient agir ainsi.

      Morgan usait de son privilège: il sauvegardait le frère d'amitié.

      XI — LE CHÂTEAU DES NOIRES—FONTAINES

      Le château des Noires-Fontaines, où nous venons de conduire deux des principaux personnages de cette histoire, était situé dans une des plus charmantes situations de la vallée, ou s'élève la ville de Bourg.

      Son parc, de cinq ou six arpents, planté d'arbres centenaires, était fermé de trois côtés par des murailles de grès, ouvertes sur le devant de toute la largeur d'une belle grille de fer travaillée au marteau, et façonnée du temps et à la manière de Louis XV, et du quatrième côté par la petite rivière de la Royssouse, charmant ruisseau qui prend sa source à Journaud, c'est-à-dire au bas des premières rampes jurassiques, et qui, coulant du midi au nord d'un cours presque insensible, va se jeter dans la Saône au pont de Fleurville, en face de Pont-de-Vaux, patrie de Joubert, lequel, un mois avant lépoque où nous sommes arrivés, venait d'être tué à la fatale bataille de Novi.

      Au-delà de la Reyssouse et sur ses rives s'étendaient, à droite et à gauche du château des Noires-Fontaines, les villages de Montagnat et de Saint-Just, dominés par celui de Ceyzeriat.

      Derrière ce dernier bourg se dessinent les gracieuses silhouettes des collines du Jura, au-dessus de la crête desquelles on distingue la cime bleuâtre des montagnes du Bugey, qui semblent se hausser pour regarder curieusement par-dessus l'épaule de leurs soeurs cadettes ce qui se passe dans la vallée de l'Ain.

      Ce fut en face de ce ravissant paysage que se réveilla sir John.

      Pour la première fois de sa vie peut-être, le morose et taciturne Anglais souriait à la nature; il lui semblait être dans une de ces belles vallées de la Thessalie, célébrées par Virgile, ou près de ces douces rives du Lignon, chantées par d'Urfé, dont la maison natale, quoi qu'en disent les biographes, tombait en ruine à trois quarts de lieue du château des Noires-Fontaines.

      Il fut tiré de sa contemplation par trois coups légèrement frappés à sa porte: c'était son hôte, Roland, qui venait s'informer de quelle façon il avait passé la nuit.

      Il le trouva radieux comme le soleil qui se jouait sur les feuilles déjà jaunies des marronniers et des tilleuls.

      — Oh! oh! sir John, dit-il, permettez-moi de vous féliciter; je m'attendais à voir un homme triste comme ces pauvres chartreux aux longues robes blanches qui m'effrayaient tant dans ma jeunesse, quoique, à vrai dire, je n'aie jamais été facile à la peur; et, pas du tout, je vous trouve, au milieu de notre triste mois d'octobre, souriant comme une matinée de mai.

      — Mon cher Roland, répondit sir John, je suis presque orphelin; j'ai perdu ma mère le jour de ma naissance, mon père à douze ans. À l'âge où l'on met les enfants au collège, j'étais maître d'une fortune de plus d'un million de rente; mais j'étais seul en ce monde, sans personne que j'aimasse, sans personne qui m'aimât; les douces joies de la famille me sont donc complètement inconnues. De douze à dix-huit ans, j'ai étudié à l'université de Cambridge; mon caractère taciturne, un peu hautain peut-être, m'isolait au milieu de mes jeunes compagnons. À dix-huit ans, je voyageai. Voyageur armé qui parcourez le monde à l'ombre de votre drapeau, c'est-à- dire à l'ombre de la patrie; qui avez tous les jours les émotions de la lutte et les orgueils de la gloire, vous ne vous doutez point quelle chose lamentable c'est que de traverser les villes, les provinces, les États, les royaumes, pour visiter tout simplement une église ici, un château là; de quitter le lit à quatre heures du matin à la voix du guide impitoyable, pour voir le soleil se lever du haut du Righi ou de l'Etna; de passer, comme un fantôme déjà mort, au milieu de ces ombres vivantes que l'on appelle les hommes; de ne savoir où s'arrêter; de n'avoir pas une terre où prendre racine, pas un bras où s'appuyer, pas un coeur où verser son coeur! Eh bien, hier au soir, mon cher Roland, tout à coup, en un instant, en une seconde, ce vide de ma vie a été comblé; j'ai vécu en vous; les joies que je cherche, je vous les ai vu éprouver; cette famille que j'ignore, je l'ai vue s'épanouir florissante autour de vous; en regardant votre mère, je me suis dit: ma mère était ainsi, j'en suis certain. En regardant votre soeur, je me suis dit: si j'avais eu une soeur, je ne l'aurais pas voulue autrement. En embrassant votre frère, je me suis dit que je pourrais, à la rigueur, avoir un enfant de cet âge-là, et laisser ainsi quelque chose après moi dans ce monde; tandis qu'avec le caractère dont je me connais, je mourrai comme j'ai vécu, triste, maussade aux autres et importun à moi-même. Ah! vous êtes heureux, Roland! vous avez la famille, vous avez la gloire, vous avez la jeunesse, vous avez — ce qui ne gâte rien même chez un homme — vous avez la beauté. Aucune joie ne vous manque, aucun bonheur ne vous fait défaut; je vous le répète, Roland, vous êtes un homme heureux, bien heureux.

      — Bon! dit Roland, et vous oubliez mon anévrisme, milord.

      Sir John regarda le jeune homme d'un air d'incrédulité. En effet,

       Roland paraissait jouir d'une santé formidable.

      — Votre anévrisme contre mon million de rente, Roland, dit avec un sentiment de profonde tristesse lord Tanlay, pourvu qu'avec votre anévrisme vous me donniez cette mère qui pleure de joie en vous revoyant, cette soeur qui se trouve mal de bonheur à votre retour, cet enfant qui se pend à votre cou comme un jeune et beau fruit à un arbre jeune et beau; pourvu qu'avec tout cela encore vous me donniez ce château aux frais ombrages, cette rivière aux rives gazonneuses et fleuries, ces lointains bleuâtres, où blanchissent, comme des troupes de cygnes, de jolis villages avec leurs clochers bourdonnants; votre anévrisme, Roland, la mort dans trois ans, dans deux ans, dans un an, dans six mois; mais six mois de votre vie si pleine, si agitée, si douce, si accidentée, si glorieuse! et je me regarderai comme un homme heureux.

      Roland éclata de rire, de ce rire nerveux qui lui était particulier.

      — Ah! dit-il, que voilà bien le touriste, le voyageur superficiel, le juif errant de la civilisation, qui, ne s'arrêtant nulle part, ne peut rien apprécier, rien approfondir, juge chaque chose par la sensation qu'elle lui apporte, et dit, sans ouvrir la porte de ces cabanes où sont renfermés ces fous qu'on appelle des hommes: derrière cette muraille on est heureux! Eh bien, mon cher, vous voyez bien cette charmante rivière, n'est-ce pas? ces beaux gazons fleuris, ces jolis villages: c'est l'image de la paix, de l'innocence, de la fraternité; c'est le siècle de Saturne, c'est l'âge d'or; c'est l'Éden; c'est le paradis. Eh bien, tout cela est peuplé de gens qui s'égorgent les uns les autres; les jungles de Calcutta, les roseaux du Bengale ne sont pas peuplés de tigres plus féroces et de panthères plus cruelles que ces jolis villages, que ces frais gazons, que les bords de cette charmante rivière. Après avoir fait des fêtes funéraires au bon, au grand, à l'immortel Marat, qu'on a fini, Dieu merci! par jeter à la voirie comme une charogne qu'il était, et même qu'il avait toujours été; après avoir fait des fêtes funéraires dans lesquelles chacun apportait une urne où il versait toutes les larmes de son corps, voilà que nos bons Bressans, nos doux Bressans, nos engraisseurs de poulardes, se sont avisés que les républicains étaient tous des assassins, et qu'ils les ont assassinés par charretées, pour les corriger de ce vilain défaut qu'a lhomme sauvage ou civilisé de tuer son semblable. Vous doutez? Oh! mon cher, sur la route de Lons-le-Saulnier, si vous êtes curieux, on vous montrera la place où, voilà six mois à peine, il s'est organisé une tuerie qui ferait lever le coeur aux plus féroces sabreurs de nos


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