Les contemplations: Aujourd'hui, 1843-1856. Victor HugoЧитать онлайн книгу.
href="#ulink_99a4ba31-60ed-56e7-bbd8-ef69f196d35c">XXIV
A CELLE QUI EST RESTÉE EN FRANCE
TABLE DU TOME SECOND 1843-1856.
4 SEPTEMBRE 1843
III
TROIS ANS APRÈS
Il est temps que je me repose;
Je suis terrassé par le sort.
Ne me parlez pas d'autre chose
Que des ténèbres où l'on dort!
Que veut-on que je recommence?
Je ne demande désormais
À la création immense
Qu'un peu de silence et de paix!
Pourquoi m'appelez-vous encore?
J'ai fait ma tâche et mon devoir.
Qui travaillait avant l'aurore,
Peut s'en aller avant le soir.
À vingt ans, deuil et solitude!
Mes yeux, baissés vers le gazon,
Perdirent la douce habitude
De voir ma mère à la maison.
Elle nous quitta pour la tombe;
Et vous savez bien qu'aujourd'hui
Je cherche, en cette nuit qui tombe,
Un autre ange qui s'est enfui!
Vous savez que je désespère,
Que ma force en vain se défend,
Et que je souffre comme père,
Moi qui souffris tant comme enfant!
Mon oeuvre n'est pas terminée,
Dites-vous. Comme Adam banni,
Je regarde ma destinée,
Et je vois bien que j'ai fini.
L'humble enfant que Dieu m'a ravie
Rien qu'en m'aimant savait m'aider;
C'était le bonheur de ma vie
De voir ses yeux me regarder.
Si ce Dieu n'a pas voulu clore
L'oeuvre qu'il me fit commencer,
S'il veut que je travaille encore,
Il n'avait qu'à me la laisser!
Il n'avait qu'à me laisser vivre
Avec ma fille à mes côtés,
Dans cette extase où je m'enivre
De mystérieuses clartés!
Ces clartés, jour d'une autre sphère,
O Dieu jaloux, tu nous les vends!
Pourquoi m'as-tu pris la lumière
Que j'avais parmi les vivants?
As-tu donc pensé, fatal maître,
Qu'à force de te contempler,
Je ne voyais plus ce doux être,
Et qu'il pouvait bien s'en aller!
T'es-tu dit que l'homme, vaine ombre,
Hélas! perd son humanité
A trop voir cette splendeur sombre
Qu'on appelle la vérité?
Qu'on peut le frapper sans qu'il souffre,
Que son coeur est mort dans l'ennui,
Et qu'à force de voir le gouffre,
Il n'a plus qu'un abîme en lui?
Qu'il va, stoïque, où tu l'envoies,
Et que désormais, endurci,