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La tombe de fer. Hendrik ConscienceЧитать онлайн книгу.

La tombe de fer - Hendrik Conscience


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avec nous.

      —Mais elle est au ciel, n'est-ce pas?

      —Oui, elle est au ciel, la pauvre fille!

      —Pourquoi es-tu donc triste de ce que la petite Lotte est au ciel? demanda Mieken étonnée. Elle est si bien au ciel! On peut s'y promener du matin au soir avec les jolis petits anges, on y reçoit des friandises à plein tablier, tous les jours y sont des dimanches, on y joue et on y chante sans cesse; et quand on est fatigué de jouer, la bon Dieu vous prend sur ses genoux et vous endort en vous embrassant!

      —Oui, oui, il doit faire bon au ciel, soupire Janneken, absorbée dans ses pensées.

      —J'ai vu Lotte, lorsqu'elle était déjà devenue un petit ange, et qu'elle dormait un long sommeil avant d'aller au ciel, reprend Mieken. Ah! qu'elle était belle! Elle avait une belle robe blanche, et sa figure et ses mains étaient encore plus blanches que sa robe; elle portait sur ses cheveux une couronne de fleurs d'or et d'argent, avec des petites étoiles et des perles, comme l'Enfant Jésus dans l'église.[2] Et Lotte souriait si doucement dans son sommeil, qu'on eût dit qu'elle rêvait déjà du ciel. Je ne vis pas ses ailes, mais sa mère me dit qu'elles étaient repliées sous son dos afin de se reposer pour le long voyage.... Car le ciel est bien loin, bien loin d'ici, Janneken!

      [Note 2: Dans certaines parties de la Belgique, c'est la coutume de parer d'une couronne de fleurs artificielles le front des enfants mort.]

      —Viens, Mieken, murmura le petit garçon en l'éloignant avec la main de la petite tombe. Je ne voudrais pas mourir tout de même, car je ne pourrais plus jouer avec toi.

      —Mais, si nous pouvions aller au ciel ensemble, ce serait bien ainsi, n'est-ce pas?

      —Non, non, ne parle plus de cela, répliqua Janneken avec tristesse. Cela me fait peine. Ah! Mieken, n'es-tu donc pas contente sur la terre?

      Ils s'approchèrent de l'autre côté de l'église.

      Il y a là, contre le mur, un petit enclos fermé d'une grille de fer établie pour protéger une tombe contre les pieds des passants. Une porte à serrure est ménagée dans la grille, et, à deux pas de là, est un banc en bois de chêne dont la surface est polie par un long usage.

      Dans l'enclos, pas de pierre portant le nom du mort chéri; mais le sol est couvert de fleurs délicieuses. Il est visible qu'une main pieuse les soigne et les arrose; car, tandis que dans le reste du cimetière, le gazon est à demi grillé par la chaleur de l'été, les fleurs de la tombe montrent une fraîcheur et une vitalité surprenantes.

      —Tiens! s'écrie la petite fille, encore de nouvelles fleurs sur la tombe de fer.... Des fleurs sorties de terre et écloses en une seule nuit; c'est étrange, n'est-ce pas? Des fleurs qu'on ne trouve nulle part, ni dans les prés, ni dans les champs, ni dans les bois!

      —O innocente Mieken! c'est toujours l'ermite qui les plante là!

      —Oui. Alors, que signifie ce banc usé? c'est la dame blanche qui vient s'asseoir toutes les nuits sur le banc, prés de la tombe de fer, jusqu'à ce que les coqs chantent?

      —Non, c'est le vieil ermite qui vient prier tous les jours sur le banc.

      —Mais qui peut être enterré là, Janneken? Ma mère na le sait pas.

      —Je l'ai demandé à mon père. C'est une vilaine histoire que je ne puis comprendre. Je crois que l'ermite a été marié avec une femme qui était déjà morte....

      —Vois, Janneken, la belle fleur! interrompit la petite fille en admiration; avec des feuilles jaunes comme de l'or et un cœur rouge comme du sang....

      Le petit garçon regarda de tous côtés avec défiance et dit:

      —Je cueillerais bien cette fleur pour l'ajouter à ta couronne, Mieken; mais j'ai peur que l'ermite ne me voie.

      —Non, non, ne la cueille pas, dit l'enfant effrayée. La dame blanche le saurait.

      Mais Janneken se pencha au-dessus du grillage de fer et s'allongea pour saisir la belle fleur.

      —Fuis, fuis, voilà l'ermite! s'écria Mieken.

      Et les deux enfants s'élancèrent effrayés hors du cimetière.

       Table des matières

      Par une belle journée d'été, je cheminais, le bâton de voyage à la main, le long d'une des chaussées, qui, d'Anvers, se dirigent vers la Campine. J'étais las de rêver et de jouir du spectacle de la nature; car la longue route avait fatigué mes membres, et la chaleur étouffante avait émoussé la sensibilité de mon cerveau.

      Ce n'était pas que j'eusse fait une longue journée de marche, ni précipité mon pas de manière à épuiser mes forces. J'étais parti de la ville le matin de bonne heure et j'avais marché, je m'étais assis au bord de la route, j'avais causé avec des gens de l'auberge; j'avais cueilli des herbes et effeuillé des fleurs, et, ainsi rêvant, flânant et jouant avec un plaisir enfantin, je n'avais fait que trois lieues de chemin quand le soleil commençait déjà à descendre vers l'horizon.

      Ce fut avec use véritable satisfaction que j'entendis derrière moi un bruit lointain de roues, et que je distinguai, dans un nuage dépoussière lumineux, la gigantesque masse noire qui m'annonçait l'arrivée de la diligence.

      Lorsque la lourde voiture s'approcha enfin de l'endroit où je me trouvais, je fis un signe au conducteur qui, de loin, m'avait déjà envoyé un salut amical, comme à une vieille connaissance.

      Il arrêta ses chevaux, ouvrit la diligence et répondit à ma question télégraphique:

      —Il y a encore place dans le coupé. Où allons-nous par ce temps étouffant?

      —Descendez-moi au chemin de Bodeghem.

      —Bien, monsieur.... En route!

      Je sautai dans la diligence, et, avant que je fusse assis, les chevaux avaient repris leur trot cadencé.

      Il n'y avait qu'un voyageur dans le coupé; un vieillard à cheveux gris qui avait répondu à mon salut par un «bonjour, monsieur», prononcé à voix basse, presque sans me regarder, et semblait peu porté à la conversation.

      Pendant un certain temps, je regardai par la portière, contemplant distraitement les arbres qui défilaient rapidement les uns après les autres devant les glaces delà diligence.

      Mais bientôt un retour de curiosité reporta mon attention sur mon compagnon de voyage, et, comme il tenait la tête et le regard baissés, je pus l'observer et l'examiner à loisir.

      Il n'y avait rien de bien remarquable en lui. Il paraissait avoir passé la soixantaine; ses cheveux étaient blancs comme l'argent, et son dos me parut légèrement voûté. Les traits de son visage étaient doux et portaient les traces d'une beauté flétrie. Ses vêtements simples, mais riches, étaient ceux d'un homme qui appartient à la bonne bourgeoisie.—L'immobilité de ses yeux grands ouverts, un sourire qui se jouait parfois sur ses lèvres, et le pli de la réflexion au-dessus de ses sourcils indiquaient qu'il était préoccupé en ce moment d'une pensée absorbante.

      Ce qui attira plus particulièrement mon attention, c'est un petit bloc d'albâtre placé à côté de lui sur le banc. Comme cet objet, encore informe, ressemblait assez bien au socle d'une pendule, et que je voyais trois ou quatre instruments en acier d'une forme particulière sortir en partie d'un papier placé près du morceau d'albâtre, je crus ne pas me tromper en concluant que mon compagnon de voyage devait être un horloger.

      Après un long silence, je me hasardai à lui adresser cette phrase banale:

      —Il fait bien chaud aujourd'hui, n'est-ce pas, monsieur?

      Il sursauta


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