Эротические рассказы

L'Œuvre. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

L'Œuvre - Emile Zola


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Mais lui se fâchait peu à peu, dans une de ces brusques poussées de colère dont il était coutumier. Cette obstination lui semblait stupide.

      «Dites, qu'est-ce que ça peut vous faire? En voilà un grand malheur, si je sais comment vous êtes bâtie!... J'en ai vu d'autres.» Alors, elle sanglota, et il s'emporta tout à fait, désespéré devant son dessin, jeté hors de lui par la pensée qu'il ne l'achèverait pas, que la pruderie de cette fille l'empêcherait d'avoir une bonne étude pour son tableau.

      «Vous ne voulez pas, hein? mais c'est imbécile! Pour qui me prenez-vous?... Est-ce que je vous ai touchée, dites? Si j'avais songé à des bêtises, j'aurais eu l'occasion belle, cette nuit... Ah! ce que je m'en moque, ma chère!... Vous pouvez bien tout montrer... Et puis, écoutez, ce n'est pas très gentil de me refuser ce service, car enfin je vous ai ramassée, vous avez couché dans mon lit.» Elle pleurait plus fort, la tête cachée au fond de l'oreiller.

      «Je vous jure que j'en ai besoin, autrement je ne vous tourmenterais pas.» Tant de larmes le surprenaient, une honte lui venait de sa rudesse; et il se tut, embarrassé, il la laissa se calmer un peu; ensuite, il recommença, d'une voix très douce:

      «Voyons, puisque ça vous contrarie, n'en parlons plus...

      Seulement, si vous saviez! J'ai là une figure de mon tableau qui n'avance pas du tout, et vous étiez si bien dans la note! Moi, quand il s'agit de cette sacrée peinture; j'égorgerais père et mère. N'est-ce pas? vous m'excusez...

      Et, tenez! si vous étiez aimable, vous me donneriez encore quelques minutes. Non, non, restez donc tranquille! pas le torse, je ne demande pas le torse! La tête, rien que la tête! Si je pouvais finir la tête, au moins!... De grâce, soyez aimable, remettez votre bras comme il était, et je vous en serai reconnaissant, voyez-vous, oh! reconnaissant toute ma vie!» À cette heure, il suppliait, il agitait pitoyablement son crayon, dans l'émotion de son gros désir d'artiste. Du reste, il n'avait pas bougé, toujours accroupi sur la chaise basse, loin d'elle. Alors, elle se risqua, découvrit son visage apaisé. Que pouvait-elle faire? Elle était à sa merci, et il avait l'air si malheureux! Pourtant elle eut une hésitation, une dernière gêne. Et, lentement, sans dire un mot, elle sortit son bras nu, elle le glissa de nouveau sous sa tête, en ayant bien soin de tenir, de son autre main, restée cachée, la couverture tamponnée autour de son cou. «Ah! que vous êtes bonne!... Je vais me dépêcher, vous serez libre tout de suite.» Il s'était courbé sur son dessin, il ne lui jetait plus que ces clairs regards du peintre, pour qui la femme a disparu, et qui ne voit que le modèle. D'abord, elle était redevenue rose, la sensation de son bras nu, de ce peu d'elle-même qu'elle aurait montré ingénument dans un bal, l'emplissait là de confusion. Puis, ce garçon lui parut si raisonnable, qu'elle se tranquillisa, les joues refroidies, la bouche détendue en un vague sourire de confiance. Et, entre ses paupières mi-closes, elle l'étudiait à son tour.

      Comme il l'avait terrifiée depuis la veille, avec sa forte barbe, sa grosse tête, ses gestes emportés! Il n'était pas laid pourtant, elle découvrait au fond de ses yeux bruns une grande tendresse, tandis que son nez la surprenait, lui aussi, un nez délicat de femme, perdu dans les poils hérissés des lèvres. Un petit tremblement d'inquiétude nerveuse le secouait, une continuelle passion qui semblait faire vivre le crayon au bout de ses doigts minces, et dont elle était très touchée, sans savoir pourquoi. Ce ne pouvait être un méchant. Il ne devait avoir que la brutalité des timides. Tout cela, elle ne l'analysait pas très bien, mais elle le sentait, elle se mettait à l'aise, comme chez un ami.

      L'atelier, il est vrai, continuait à l'effarer un peu. Elle y jetait des regards prudents, stupéfaite d'un tel désordre et d'un tel abandon. Devant le poêle, les cendres du dernier hiver s'amoncelaient encore. Outre le lit, la petite table de toilette et le divan, il n'y avait d'autres meubles qu'une vieille armoire de chêne disloquée, et qu'une grande table de sapin, encombrée de pinceaux, de couleurs, d'assiettes sales, d'une lampe à esprit-de-vin, sur laquelle était restée une casserole, barbouillée de vermicelle. Des chaises dépaillées se débandaient, parmi des chevalets boiteux. Près du divan, la bougie de la veille traînait par terre, dans un coin du parquet, qu'on devait balayer tous les mois; et il n'y avait que le coucou, un coucou énorme, enluminé de fleurs rouges, qui parût gai et propre, avec son tic-tac sonore. Mais ce dont elle s'effrayait surtout, c'était des esquisses pendues aux murs, sans cadres, un flot épais d'esquisses qui descendait jusqu'au sol, où il s'amassait en un éboulement de toiles jetées pêle-mêle.

      Jamais elle n'avait vu une si terrible peinture, rugueuse, éclatante, d'une violence de tons qui la blessait comme un juron de charretier, entendu sur la porte d'une auberge.

      Elle baissait les yeux, attirée pourtant par un tableau retourné, le grand tableau auquel travaillait le peintre, et qu'il poussait chaque soir vers la muraille, afin de le mieux juger le lendemain, dans la fraîcheur du premier coup d'œil. Que pouvait-il cacher, celui-là, pour qu'on n'osât même pas le montrer? Et, au travers de la vaste pièce, la nappe de brûlant soleil, tombée des vitres, voyageait, sans être tempérée par le moindre store, coulant ainsi qu'un or liquide sur tous ces débris de meuble, dont elle accentuait l'insoucieuse misère.

      Claude finit par trouver le silence lourd. Il voulut dire un mot, n'importe quoi, dans l'idée d'être poli, et surtout pour la distraire de la pose. Mais il eut beau chercher, il n'imagina que cette question: «Comment vous nommez-vous?» Elle ouvrit les yeux qu'elle avait fermés, comme reprise de sommeil.

      «Christine.» Alors, il s'étonna. Lui non plus n'avait pas dit son nom: Depuis la veille, ils étaient là, côte à côte, sans se connaître.

      «Moi, je me nomme Claude.» Et, l'ayant regardée à ce moment, il la vit qui éclatait d'un joli rire. C'était l'échappée joueuse d'une grande fille encore gamine. Elle trouvait drôle cet échange tardif de leurs noms. Puis une autre idée l'amusa.

      «Tiens! Claude, Christine, ça commence par la même lettre.» Le silence retomba. Il clignait les paupières, s'oubliait, se sentait à bout d'imagination. Mais il crut remarquer en elle un malaise d'impatience, et dans la terreur qu'elle ne bougeât, il reprit au hasard, pour l'occuper:

      «Il fait un peu chaud.» Cette fois, elle étouffa son rire, cette gaieté native qui renaissait et partait malgré elle, depuis qu'elle se rassurait.

      La chaleur devenait si forte, qu'elle était dans le lit comme dans un bain, la peau, moite et pâlissante, de la pâleur laiteuse des camélias.

      «Oui, un peu chaud», répondit-elle sérieusement, tandis que ses yeux s'égayaient.

      Claude, alors, conclut de son air bonhomme:

      «C'est ce soleil qui entre. Mais, bah! ça fait du bien, un bon coup de soleil dans la peau... Dites donc, cette nuit, nous aurions eu besoin de ça, sous la porte.» Tous deux éclatèrent, et lui, enchanté d'avoir découvert enfin un sujet de conversation, la questionna sur son aventure, sans curiosité, se souciant peu au fond de savoir la vérité vraie, uniquement désireux de prolonger la séance.

      Christine, simplement, en quelques paroles, conta les choses. C'était la veille au matin qu'elle avait quitté Clermont, pour venir à Paris, où elle allait entrer comme lectrice chez la veuve d'un général, Mme Vanzade, une vieille dame très riche, qui habitait Passy. Le train, réglementairement, arrivait à neuf heures dix, et toutes les précautions étaient prises, une femme de chambre devait l'attendre, on avait même fixé par lettres un signe de reconnaissance, une plume grisé à son chapeau noir.

      Mais voilà que son train était tombé, un peu au-dessus de Nevers, sur un train de marchandises dont les voitures déraillées et brisées obstruaient la voie. Alors avait commencé une série de contretemps et de retards, d'abord une interminable pause dans les wagons immobiles, puis l'abandon forcé de ces wagons, les bagages, laissés là en arrière, les voyageurs obligés de faire trois kilomètres à pied pour atteindre une station, où l'on s'était décidé à former un train de sauvetage. On avait perdu deux heures, et deux autres furent perdues encore, dans le trouble que l'accident occasionnait, d'un bout à l'autre de la ligne; si bien qu'on était entré en gare avec quatre


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