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Les bijoux indiscrets. Dénis DiderotЧитать онлайн книгу.

Les bijoux indiscrets - Dénis Diderot


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      A ces mots, Husseim se leva comme un furieux, se saisit d'un couteau, s'élança à l'autre bord de la table, et perçait le sein de sa femme si ses voisins ne l'eussent retenu.

      «Husseim, lui dit le sultan, vous faites trop de bruit; on n'entend rien. Ne dirait-on pas que le bijou de votre femme soit le seul qui n'ait pas le sens commun? Et où en seraient ces dames si leurs maris étaient de votre humeur? Comment, vous voilà désespéré pour une misérable petite aventure d'un Valanto, qui ne finissait pas! Remettez-vous à votre place, prenez votre parti en galant homme, songez à vous observer, et à ne pas manquer une seconde fois à un prince qui vous admet à ses plaisirs.»

      Tandis qu'Husseim, dissimulant sa rage, s'appuyait sur le dos d'une chaise, les yeux fermés et la main appliquée sur le front, le sultan tournait subitement son anneau, et le bijou continuait: «Je m'accommoderais assez du jeune page de Valanto; mais je ne sais quand il commencera. En attendant que l'un commence et que l'autre finisse, je prends patience avec le bramine Egon. Il est hideux, il faut en convenir; mais son talent est de finir et de recommencer. Oh, qu'un bramine est un grand homme!»

      Le bijou en était à cette exclamation, lorsqu'Husseim rougit de s'affliger pour une femme qui n'en valait pas la peine, et se mit à rire comme le reste de la compagnie; mais il la gardait bonne à son épouse. Le souper fini, chacun reprit la route de son hôtel, excepté Husseim, qui conduisit sa femme dans une maison de filles voilées, et l'y enferma. Mangogul, instruit de sa disgrâce, la visita. Il trouva toute la maison occupée à la consoler, mais plus encore à lui tirer le sujet de son exil.

      «C'est pour une vétille, leur disait-elle, que je suis ici. Hier à souper chez le sultan, on avait fouetté le champagne, sablé le tokai; on ne savait plus guère ce qu'on disait, lorsque mon bijou s'est avisé de babiller. Je ne sais quels ont été ses propos; mais mon époux en a pris de l'humeur.

      —Assurément, madame, il a tort, lui répondaient les nonnains; on ne se fâche point ainsi pour des bagatelles...

      —Comment, votre bijou a parlé! Mais parle-t-il encore? Ah! que nous serions charmées de l'entendre! Il ne peut s'exprimer qu'avec esprit et grâce.»

      Elles furent satisfaites, car le sultan tourna son anneau sur la pauvre recluse, et son bijou les remercia de leurs politesses, leur protestant, au demeurant, que, quelque charmé qu'il fût de leur compagnie, il s'accommoderait mieux de celle d'un bramine.

      Le sultan profita de l'occasion pour apprendre quelques particularités de la vie de ces filles. Sa bague interrogea le bijou d'une jeune recluse nommée Cléanthis; et le bijou prétendu virginal confessa deux jardiniers, un bramine et trois cavaliers; et raconta comme quoi, à l'aide d'une médecine et de deux saignées, elle avait évité de donner du scandale. Zéphirine avoua, par l'organe de son bijou, qu'elle devait au petit commissionnaire de la maison le titre honorable de mère. Mais une chose qui étonna le sultan, c'est que quoique ces bijoux séquestrés s'expliquassent en termes fort indécents, les vierges à qui ils appartenaient les écoutaient sans rougir; ce qui lui fit conjecturer que, si l'on manquait d'exercice dans ces retraites, on y avait en revanche beaucoup de spéculation.

      Pour s'en éclaircir, il tourna son anneau sur une novice de quinze à seize ans. «Flora, répondit son bijou, a lorgné plus d'une fois à travers la grille un jeune officier. Je suis sûr qu'elle avait du goût pour lui: son petit doigt me l'a dit.» Mal en prit à Flora. Les anciennes la condamnèrent à deux mois de prière et de discipline; et ordonnèrent des prières pour que les bijoux de la communauté demeurassent muets.

       Table des matières

       Table des matières

      Mangogul avait à peine abandonné les recluses entre lesquelles je l'avais laissé, qu'il se répandit à Banza que toutes les filles de la congrégation du coccix de Brama parlaient par le bijou. Ce bruit, que le procédé violent d'Husseim accréditait, piqua la curiosité des savants. Le phénomène fut constaté; et les esprits forts commencèrent à chercher dans les propriétés de la matière l'explication d'un fait qu'ils avaient d'abord traité d'impossible. Le caquet des bijoux produisit une infinité d'excellents ouvrages; et ce sujet important enfla les recueils des académies de plusieurs mémoires qu'on peut regarder comme les derniers efforts de l'esprit humain.

      Ce phénomène donnait peu de prise; il échappait à l'attraction: la matière subtile n'y venait guère. Le directeur avait beau sommer ceux qui avaient quelques idées de les communiquer, un silence profond régnait dans l'assemblée. Enfin le vorticose Persiflo, dont on avait des traités sur une infinité de sujets qu'il n'avait point entendus, se leva, et dit: «Le fait, messieurs, pourrait bien tenir au système du monde: je le soupçonnerais d'avoir en gros la même cause que les marées. En effet, remarquez que nous sommes aujourd'hui dans la pleine lune de l'équinoxe; mais, avant que de compter sur ma conjecture, il faut entendre ce que les bijoux diront le mois prochain.»

      On


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