Эротические рассказы

Gabriel Lambert. Alexandre DumasЧитать онлайн книгу.

Gabriel Lambert - Alexandre Dumas


Скачать книгу
les autres, des incendiaires; les autres, des meurtriers.

      La justice humaine avait passé sur eux; c'étaient des êtres dégradés, flétris, retranchés du monde: ce n'étaient plus ces hommes, c'étaient des choses; ils n'avaient plus de noms, ils étaient des numéros.

      Réunis, ils formaient un total: le total était cette chose infâme qu'on appelle le bagne.

      Décidément le commandant du port m'avait fait là un singulier cadeau.

      Et cependant je n'étais pas fâché de voir de près ces hommes, dont le titre seul, prononcé dans un salon, est une épouvante.

      Je m'approchai d'eux, ils se levèrent tous et ôtèrent vivement leur bonnet.

      Cette humilité me toucha.

      —Mes amis, leur dis-je, vous savez que le commandant du port vous a mis à mon service pour tout le temps que je resterai à Toulon?

      Aucun d'eux ne répondit, ni par un mot, ni par un geste.

      On eût dit que je parlais à des hommes de pierre.

      »J'espère, continuai-je, que je serai content de vous; quant à vous, soyez tranquilles, vous serez contens de moi.»

      Même silence.

      Je compris que c'était une chose de discipline.

      Je tirai de ma poche quelques pièces de monnaie, que je leur offris pour boire à ma santé, mais pas une seule main ne s'étendit pour les prendre.

      —Il leur est défendu de rien recevoir, me dit le garde-chiourme.

      —Et pourquoi cela? demandai-je.

      —Ils ne peuvent avoir d'argent à eux.

      —Mais vous, dis-je, ne pouvez-vous leur permettre de boire un verre de vin, en attendant que nous soyons prêts?

      —Ah! pour cela, parfaitement.

      —Eh bien! faites venir à déjeuner de la guinguette du Fort, je paierai.

      —Je l'avais bien dit au commandant, fit le garde-chiourme en secouant d'un même mouvement la tête et les épaules, je l'avais bien dit que vous me les gâteriez....

      »Mais enfin, puisqu'ils sont à votre service, il faut bien qu'ils fassent ce que vous voulez....

      «Allons, Gabriel.... un coup de pied jusqu'au fort Lamalgue.... Du pain, du vin et un morceau de fromage.

      —Je suis au bagne pour travailler et non pour faire vos commissions, répondit celui auquel cet ordre était adressé.

      —Ah! c'est juste, j'oubliais que tu es trop grand seigneur pour cela, monsieur le docteur; mais comme il s'agissait de ton déjeuner aussi bien que de celui des autres....

      —J'ai mangé ma soupe, et je n'ai pas faim, répondit le forçat.

      —Excusez....

      «Eh bien! Rossignol ne sera cas si fier.... Va, Rossignol, va, mon fils.»

      En effet, la prédiction du vénérable argousin se réalisa. Celui auquel il adressait la parole, et qui sans doute devait son nom à l'abus qu'il avait fait de l'instrument ingénieux à l'aide duquel on est parvenu à remplacer la clef absente, se leva, et traînant après lui son camarade, car, ainsi qu'on le sait, tout homme au bagne est rivé à un autre homme, il s'achemina vers le cabaret qui avait l'honneur de nous alimenter.

      Pendant ce temps je jetai un coup d'œil sur le récalcitrant, dont la réponse médiocrement respectueuse n'amenait, à mon grand étonnement, aucune suite fâcheuse; mais il avait la tête tournée de l'autre côté, et, comme il gardait cette position avec une persévérance qui semblait le résultat d'un parti pris, je ne pus le voir.

      Cependant je le remarquai à ses cheveux blonds et à ses favoris roux.... Je rentrai dans la bastide en me promettant de l'examiner dans un autre moment.

      J'avoue que la curiosité que j'éprouvais à l'endroit de mon répondeur me fit hâter le déjeuner.

      Je pressai Jadin, qui ne comprenait rien à mon impatience, et je revins au bord de la mer.

      Nos nouveaux serviteurs n'étaient pas si avancés que nous. Du vin du fort Lamalgue, du pain blanc et du fromage formaient pour eux un extra auquel ils n'étaient point habitués, et ils prolongeaient leur repas en le savourant.

      Rossignol et son compagnon surtout paraissaient apprécier au plus haut degré cette bonne fortune.

      Ajoutons que le garde-chiourme, de son côté, s'était humanisé au point de faire comme ses subordonnés: seulement ses subordonnés avaient une bouteille pour deux, tandis que lui avait deux bouteilles pour un.

      Quant à celui que l'argousin avait désigné sous le nom poétique de Gabriel, sans doute son compagnon de boulet, qui n'avait pas voulu renoncer au repas, l'avait forcé de s'asseoir avec les autres; mais, toujours en proie à son accès de misanthropie, il les regardait dédaigneusement manger sans toucher à rien.

      En m'apercevant, tous les forçats se levèrent, quoique, comme je l'ai dit, leur repas ne fût point achevé; mais je leur fis signe de finir ce qu'ils avaient si bien commencé, et que j'attendrais.

      Il n'y avait plus moyen pour celui que je voulais voir d'éviter mes regards.

      Je l'examinai donc tout à mon aise, quoiqu'il eût évidemment rabattu son bonnet jusque sur ses yeux pour échapper à cet examen.

      C'était un homme de vingt-huit à trente ans à peine; au contraire de ses voisins, sur la rude physionomie desquels il était facile de lire les passions qui les avaient conduits où ils étaient, lui avait un de ces visages effacés dont, à une certaine distance, on ne distingue aucun trait.

      Sa barbe, qu'il avait laissé pousser dans tout son développement, mais qui était rare et d'une couleur fausse, ne parvenait pas même à donner à sa physionomie un caractère quelconque.

      Ses yeux, d'un gris pâle, erraient vaguement d'un objet à l'autre sans s'animer d'aucune expression; ses membres étaient grêles et semblaient n'avoir été destinés par la nature à aucun travail fatiguant; le corps auquel ils s'attachaient ne paraissait capable d'aucune énergie physique.

      Enfin, des sept péchés capitaux qui recrutent sur la terre au nom de l'ennemi du genre humain, celui sous la bannière duquel il s'était enrôlé devait être évidemment la paresse.

      J'eusse donc détourné bien vite mes regards de cet homme, qui, j'en étais certain, ne pouvait m'offrir pour étude qu'un criminel de second ordre, si un vague ressouvenir n'avait murmuré à ma mémoire que je ne voyais pas cet homme pour la première fois.

      Malheureusement, comme je l'ai dit, c'était une de ces physionomies dans lesquelles rien ne frappe, et qui, à moins de raisons particulières, ne peuvent produire en passant devant nous aucune impression.

      Tout en demeurant convaincu que j'avais déjà vu cet homme, ce que sa persistance à fuir mes regards me démontrait encore, il m'était donc impossible de me rappeler où et comment je l'avais vu.

      Je m'approchai du garde-chiourme, et lui demandai le nom de celui de mes convives qui faisait si mal honneur à mon repas.

      Il s'appelait Gabriel Lambert.

      Ce nom n'aidait en rien à ma mémoire: c'était la première fois que je l'entendais prononcer.

      Je crus que je m'étais trompé, et, comme Jadin apparaissait sur le seuil de notre villa, j'allai au-devant de lui.

      Jadin apportait nos deux fusils, notre promenade n'ayant pas d'autre but ce jour-là que de faire la chasse aux oiseaux de mer.

      J'échangeai quelques paroles avec Jadin; je lui recommandai d'examiner avec attention celui qui était l'objet de ma curiosité.

      Mais Jadin ne se rappelait aucunement l'avoir vu, et, comme


Скачать книгу
Яндекс.Метрика