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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард ВагнерЧитать онлайн книгу.

La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер


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que ces traditions s'identifient le mieux à elles-mêmes. Tout le légendaire de la vieille Allemagne tient dans l'ensemble de ces contes; non ce légendaire historique, officiel, en quelque sorte, qui dérobe sous la naïveté de la forme d'immanentes conceptions politiques[166-2]; mais ce légendaire composé de l'émerveillement que met au cœur de l'homme le spectacle de la vie, de la nature et du ciel. Cette irradiation de l'ingénuité absorbe, dissout toutes les idées de temps, de mesure, de relativité, et elle colore tout du même rayon éternel. Après le poète, où trouver ce don de contemplation mieux développé que dans le peuple?—C'est pour cela que ce qu'il y avait d'intimement agissant, d'invétéré, de domestique, pour ainsi dire, dans les vieux cycles du Nord, alla si droit, sous la forme de pauvres contes, aux peuples germaniques.

      Et ainsi les vieilles mythologies, les vieilles croyances, les vieux fastes sublimes roulaient confusément du fond du Passé ténébreux jusqu'à l'âme naïve du Moyen-Age, dans l'humble et profonde lueur de cette âme. L'ancien panthéisme scandinave se modelait, peu à peu, dans les clartés du Christianisme. La lumière de la grâce se levait sur un monde renouvelé, sans doute, mais dont les matériaux, pour être autrement agencés, n'en étaient pas moins païens de provenance, n'en représentaient pas moins comme tout ce que le Ragnarœcker scandinave avait laissé de vestiges de l'antique Nord.—C'étaient, comme dit symboliquement le Gylfaginning, c'étaient, retrouvées dans les herbes de la ruine, les tablettes d'or jadis possédées par les Ases; et l'on pourrait dire du peuple allemand du Moyen-Age ce que l'Edda de Snorri rapporte des nouveaux Dieux qui naquirent après la fin du monde: «Ils parlent de la poussière puissante laissée par le Passé, des preuves de force données dans ces temps, et des Runes antiques de Fimbul-Tyr.»

      Dans cette «poussière puissante» flottait, crépusculairement, l'immense palingénésie, la myriade des légendes païennes, des apparitions qui, du fond des ruines paternelles, lentement, se tournaient vers le Moyen-Age, et, en imploration au seuil de ses porches, au rebord de ses ogives, lui demandaient asile. Et les peuples accueillirent cet essaim qui se répandit par les villes et par les campagnes, par les cathédrales et par les castels.

      La création en fleur des mythologies festonna de rinceaux la rigidité pieuse des architectures.

      Il faut, pour l'Allemagne, examiner de plus près le légendaire, le panthéisme qui, du fond de l'immense tradition des Nibelungen[167-1] et des Eddas, s'épancha sur elle, comme d'une corne d'abondance. Le Christianisme vint par dessus, mais sous cette Allemagne chrétienne, le merveilleux, le fabuleux transparaît magiquement[167-2]; il forme le fond de superstition de toutes les coutumes; et, comme la vie à quoi il se mêle n'est plus la vie exclusivement militaire des temps barbares, comme, à côté de l'Homme d'armes, voici venir le Bourgeois, le Paysan, l'Ecolier, ce merveilleux prend comme quelque aspect familier, immédiat, pratique. L'impression qu'il dégage aurait quelque chose d'analogue à l'effet de la Cuisine des Anges de Murillo.

      Cette bonhomie dans le fantastique, j'en trouve d'abord les traits dans le cycle des Nains, des Männlein. Ils ont quitté les montagnes de la Norvège et de l'Islande pour les montagnes de la Germanie: le Wunderberg, le Taunus, l'Erz-Gebirge, le Thuringervald. Dans les idées chrétiennes de l'Allemagne, Dieu les a créés pour cultiver le sol, comme ils étaient, vers l'extrême-nord scandinave, dans ces terres de geysers et de volcans, les formidables forces géologiques. Maintenant, adoucis, les voilà retirés dans des montagnes plus tranquilles, couronnées de chalets et festonnées de vignes. De leur ancien labeur, ils ont gardé comme une industrie, une diligence de fourmis. Leurs femmes filent le lin. Et sur cette vie d'ordre et de travail, la douceur de sentiments chrétiens. Les Nains du Wunderberg vont à l'église de Saltzbourg. Leurs distractions: la musique et la danse. Au crépuscule, par toutes les fissures des rochers, vite, dans la campagne. Tous ces petits yeux convoiteurs laissent, un moment, le spectacle des trésors édifiés en sombreurs vermeilles, sous la montagne, pour la douce nuance infinie du ciel du soir. Ils s'entretiennent, sur la colline, avec les étudiants qui passent, tandis que d'en bas, de tous les clochers de la grand'ville universitaire, Gœttingue, Iéna, Heidelberg, montent les carillons des angelus et des rumeurs d'activités latines. Puis ce sont les voisinages chez les burgraves de la Contrée: maint haut Electeur les prie à dîner. Et, vidrecome au poing, ils boivent au Saint-Empire de la nation allemande, à la prospérité de l'Empereur, à la conquête de l'Italie.

      Moins insignes sont les Koboldes. Le Kobolde c'est le nain domestiqué. Il n'habite pas la montagne; le paysan, dans la plaine, l'emploie comme garçon de ferme. Il couche, l'été, dans la grange; l'hiver, au coin de l'âtre. Il ne demande pour salaire qu'une écuelle de lait tous les jours. Complaisant, modeste, gai. Par les soirs de moisson, c'est lui qui mène la joie des travailleurs; il est le dernier à quitter la danse, et, quand tout s'est endormi, sa gaieté solitaire persiste bien avant dans la nuit, comme une veille de grillon.

      Mais d'autres ébats, dans la campagne, sous le clair de lune, succèdent à la rougeoyante danse des moissonneurs, pailletée d'épis. Fondus au vague de l'azur lunaire, voici voltiger les Elfes en farandoles argentées. Ils sont l'âme de l'apaisement de la nuit, et leur rythme est comme le déroulement d'un soupir de béatitude. Tels, impondérables dans l'ampleur de l'éther, par les collines et par les clairières, ils décrivent leurs volutes. Et, à ce frôlement, un éveil fantômal a frémi dans la campagne; alors, tout le panthéisme possible à la Nature se lève, s'esquisse. En essors innombrables, voici les esprits des eaux, des forêts, des montagnes. Les Nixes chantent au bord des cascades, que ce chant active, auprès des moulins qui en tournent plus vite, ou bien, vagabondes, elles s'en vont conter des histoires aux bergers assemblés autour d'un feu, dans la prairie. C'est une immense églogue nocturne et fantastique. De la nappe lumineuse de l'étang, le Wassermann émerge, sous son chaperon vert; il barbotte tel qu'une énorme grenouille, et les ondes, en fuites ondulées autour de ses ébats, semblent se propager, par delà les rives, dans l'ondulation de la forêt remuée de myriades de hantises. Là, dans un rayon de lune, les Vierges-cygnes s'essorent en aspirations de lys; ou bien, espérantes au bord du lac, en la magnifique candeur de leurs ailes, elles attendent le Chevalier qu'elles mèneront vers d'ineffables exploits[169-1]. Mais voici vers ce rêve, en bercements infinis, lents, voici, du fond des ondes, émaner de magiques symphonies. Dans les lointains de limpidités, on entend des tintements de cloches, des modulations d'orgues, comme si l'abîme entier était une cathédrale toute grondante de vêpres. Les eaux semblent s'approfondir en basiliques de cristal; et des chœurs harmonieux d'ondines peuplent ces architectures transparentes. Ce sont de savantes musiciennes; les séductions de leurs concerts sont faites, n'en doutez mie, de toutes les ressources d'un orchestre varié: saquebute, trombone, harpe, guiterne, viole, chalumeau... Soudain les sons défaillent, le silence s'étend, la lune étale plus largement le miroir de l'eau; et, dans ce recueillement, une voix, une voix solitaire s'élève, lente, pure, extasiée comme un essor d'ange. C'est Lore-Ley, la belle fée du Rhin, l'éternelle fiancée; elle chante la venue prochaine du bien-aimé, de l'unique Amant. Que de bons chevaliers ont péri dans les flots! Nul ne fut le Prédestiné. Celui-là viendra-t-il jamais? Combien de nuits couleront encore, semblables à cette nuit, pleines de l'appel langoureux et stérile. Combien de nuées rouleront encore sous le clair de lune, avant les nuées d'assomption qui emporteront vers l'éternité le beau couple enfin réuni. Elle est pourtant bien belle. L'évêque qui la cita comme magicienne n'eut pas la force de la condamner: «—La douceur du regard, le frais incarnat du visage, la suave mélodie de la voix, voilà ma magie.»

      La légende de Lore-Ley, c'est presque le mythe de Brünnhild. Elle aussi attend un Héros, un autre Siegfried. Mais Lore-Ley, par sa mélancolie, appartient trop encore au Moyen-Age. Viendra-t-il jamais, l'amant espéré? Elle est bien de cette époque qui ne put réaliser qu'à travers tant de douleurs et d'incertitudes le plus magnifique idéal.

      C'est dans une autre légende, celle de Kunégonde, qu'il faut chercher l'immédiate transposition du mythe de Brünnhild. Kunégonde, voilà, distincte du Moyen-Age, la Walküre des Eddas. Couchée au sommet d'un roc escarpé, il fallait que celui qui la voulait conquérir gravît à cheval cette pente vertigineuse. Bien des Chevaliers périrent. Enfin, il parut, le Héros. Mais, comme Siegfried, il méprisa le prix de son exploit; et la Dédaignée se précipita


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