Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde. VoltaireЧитать онлайн книгу.
du miroir, & des pores du vif argent même.
3o. Il ne faut point, comme on l'a pensé jusques à présent, que les pores de ce vif argent soient très-petits pour réflechir la lumiere, au contraire il faut qu'ils soient larges.
Plus les pores sont petits plus la lumiere passe.
Ce sera encore un nouveau sujet de surprise pour ceux qui n'ont pas étudié cette Philosophie, d'entendre dire que le secret de rendre un corps opaque, est souvent d'élargir ses pores, & que le moyen de le rendre transparent est de les étrecir. L'ordre de la Nature paraitra tout changé: ce qui sembloit devoir faire l'opacité, est précisément ce qui opérera la transparence; & ce qui paraissoit rendre les corps transparens, sera ce qui les rendra opaques. Cependant rien n'est si vrai, & l'expérience la plus grossiére le démontre.
Un papier sec, dont les pores sont très-larges, est opaque, nul rayon de lumiere ne le traverse: étrecissez ses pores en l'imbibant, ou d'eau ou d'huile, il devient transparent; la même chose arrive au linge, au sel, &c.
Il y a donc des principes ignorés qui opérent ces merveilles, des causes qui font rejaillir la lumiere, avant qu'elle ait touché une surface, qui la renvoyent des pores du corps transparent, qui la ramenent du milieu même du vuide; nous sommes invinciblement obligés d'admettre ces faits, quelle qu'en puisse être la cause.
Etudions donc les autres mystères de la lumiere, & voyons si de ces effets surprenans, on remonte jusqu'à quelque Principe incontestable, qu'il faille admettre aussi-bien que ces effets même.
L. F. Dubourg inv.
I. Folkema Sculp.
CHAPITRE TROIS.
De la proprieté que la lumiere a de se briser en passant d'une substance dans une autre, & de prendre un nouveau chemin.
LA SECONDE proprieté des rayons de la lumiere qu'il faut bien examiner, est celle de se détourner de leur chemin en passant du Soleil dans l'air, de l'air dans le verre, du verre dans l'eau, &c. C'est cette nouvelle direction dans ces différens milieux, c'est ce brisement de la lumiere qu'on appelle réfraction, c'est par cette proprieté qu'une rame plongée dans l'eau parait courbée au Matelot qui la manie; c'est ce qui fait que dans une jatte nous appercevrons, en y jettant de l'eau, l'objet que nous n'appercevions pas auparavant en nous tenant à la même place.
Enfin c'est par le moyen de cette réfraction que nos yeux jouïssent de la vûe. Les secrets admirables de la réfraction étoient ignorés de l'Antiquité, qui cependant l'avoit sous les yeux, & dont on faisoit usage tous les jours, sans qu'il soit resté un seul Ecrit, qui puisse faire croire qu'on en eût deviné la raison. Ainsi encore aujourd'hui nous ignorons la cause des mouvemens même de notre corps, & des pensées de notre ame; mais cette ignorance est différente. Nous n'avons & nous n'aurons jamais d'Instrument assez fin pour voir les premiers ressorts de nous-mêmes; mais l'industrie humaine s'est faite de nouveaux yeux, qui nous ont fait appercevoir sur les effets de la lumiere, presque tout ce qu'il est permis aux hommes d'en savoir.
Comment la lumiere se brise.
Il faut se faire ici une idée nette d'une expérience très-commune. Une pièce d'or est dans ce bassin: votre œil est placé au bord du bassin à telle distance, que vous ne voyez point cette pièce:
Qu'on y verse de l'eau, vous ne l'apperceviez point d'abord où elle étoit: maintenant vous la voyez où elle n'est pas; qu'est-il arrivé?
L'objet A. réflechit un rayon qui vient frapper contre le bord du bassin, & qui n'arrivera jamais à votre œil: il réflechit aussi ce rayon A. B. qui passe par-dessus votre œil: or à présent vous recevez ce rayon A. B. ce n'est point votre œil qui a changé de place, c'est donc le rayon A. B.; il s'est manifestement detourné au bord de ce bassin en passant de l'eau dans l'air, ainsi il frappe votre œil en C.
Mais vous voyez toujours les objets en ligne droite, donc vous voyez l'objet suivant la ligne droite C. D. donc vous voyez l'objet au point D. au-dessus du lieu où il est en effet.
Si ce rayon se brise en un sens, quand il passe de l'eau dans l'air, il doit se briser en un sens contraire, quand il entre de l'air dans l'eau.
J'élève sur cette eau une perpendiculaire, le rayon A. qui partant du point lumineux se brise au point B. & s'approche dans l'eau de cette perpendiculaire en suivant le chemin B. D. & ce même rayon D. B. en passant de l'eau dans l'air, se brise en allant vers A., & en s'éloignant de cette même perpendiculaire; la lumiere se réfracte donc selon les milieux qu'elle traverse. C'est sur ce Principe que la Nature a disposé les humeurs différentes qui sont dans nos yeux, afin que les traits de lumiere, qui passent à travers ces humeurs, se brisent de façon qu'ils se réunissent après dans un point sur notre rétine: c'est enfin sur ce Principe que nous fabriquons les Lunettes dont les verres éprouvent des réfractions encore plus grandes qu'il ne s'en fait dans nos yeux, & qui, apportant ainsi plus de rayons réunis, peuvent étendre, jusqu'à deux cens fois, la force de notre vûe; de même que l'invention des leviers a donné une nouvelle force à nos bras, qui sont des leviers naturels. Nous allions expliquer la raison que Neuton a trouvée de cette proprieté de la lumiere; mais vous voulez voir auparavant comment cette réfraction agit dans nos yeux, & comment le sens de la vûe, le plus étendu de tous nos Sens, doit son existence à la réfraction. Quelque connue que soit cette matiere, il est bon de fortifier par un nouvel examen les idées que vous en avez. Les personnes qui pourront lire ce petit Ouvrage, seront bien-aises de ne point chercher ailleurs ce qu'elles desireroient savoir touchant la vûe.
J. v. Schley invenit et fecit 1737.
CHAPITRE QUATRE.
De la conformation de nos yeux, comment la lumiere entre & agit dans cet organe.
Description de l'œil.
POur connaitre l'œil de l'homme en physicien qui ne considere que la vision, il faut d'abord savoir que la premiere enveloppe blanche, le rempart