La Sacrifiée Indécise. Ines JohnsonЧитать онлайн книгу.
alimentaire, mais les Valkyries tenaient cette chaîne dans leurs poings manucurés. Ces femmes habillées de cuir étaient les gardiennes de la paix de ce ramassis hétéroclite de créatures contre nature. Contre nature parce que tous les êtres de ce royaume étaient issus d’une fabrication, et non pas d’une évolution comme les plantes et les animaux du monde des humains.
Une nouvelle fois, l’attention de Béryl étant distraite, Léander échappa à sa prise. Le lion rentra le menton et roula du creux du coude de Béryl comme ils avaient vu Hulk Hogan le faire avec André le Géant. Béryl savait que le lutteur préféré de tous les temps de Léander était l’imposant géant. Ils avaient passé suffisamment de temps dans le repaire de Béryl à regarder le match Wrestlemania III. Mais le lion ne se souvenait-il pas de la façon dont le match se terminait ? Parce que sinon, il allait avoir une piqûre de rappel.
— On va s’affronter comme Dieu l’a voulu ; de façon sportive. Sans ruses. Sans armes. Le talent contre le talent.
Béryl leva les yeux au ciel en entendant Léander citer la réplique de son film préféré. La patte géante du lion frappa, touchant l’œil de Béryl. Le dragon de Béryl fut fou de joie. La bête était impatiente de voir la nouvelle cicatrice. Il aimait le sang, il avait besoin de la violence. C’était la seule chose qui calmait sa bête intérieure. Pas la seule chose à y parvenir. Juste le seul moyen à sa disposition.
Béryl combattait ses frères tous les jours. C’était nécessaire pour leurs dragons qui, jour après jour, devenaient plus animaux qu’humains. Combattre leur donnait un semblant d’équilibre. Mais la jauge penchait en leur défaveur. Et pas juste pour les dragons. L’équilibre était précaire pour tous les métamorphes mâles du royaume.
Béryl en avait fini de jouer avec le lion. Il dansa autour de son ami et rival, léger sur ses pieds, bougeant les jambes rapidement. Il était toujours élégant quand il se battait. Il aimait présenter un beau spectacle à tous ceux qui y assistaient.
Les femmes fées du public poussèrent un soupir audible par-dessus le craquement des os et l’écrasement des chairs. L’air était saturé du parfum sucré de leur désir. Levant les yeux, Béryl vit les fées le regarder avec admiration. Les créatures florales étaient toutes extrêmement souples, avec leurs membres semblables à des lianes. Il aurait le choix parmi les fleurs, ce soir, mais son regard revenait sans cesse vers les Valkyries. Les chasseresses assoiffées de sang étaient plus intéressées par leur bière que par le combat. Les Valkyries ne s’inclinaient devant personne. Mais elles avaient tout de même une faiblesse.
— T’as fini de flirter ? dit Léander. Ou tu veux que je quitte le ring pour que tu puisses prendre ces fleurs au corps à corps ?
— Il y a d’autres choses dont tu devrais t’inquiéter, frérot, dit Béryl. Qu’est-ce que tu feras quand Bérylmania viendra pour toi ?
Léander leva les yeux au ciel et chargea. Il sauta dans les airs avec deux pieds, comme un homme, et atterrit à quatre pattes comme un lion gigantesque. Ses pattes puissantes tambourinèrent sur le sol du ring, faisant trembler tout l’endroit de sa férocité. Il ouvrit la bouche, ses canines dégoulinantes, et rugit. L’atmosphère tout autour s’agita comme au début d’une tempête.
Le dragon avait poussé contre la peau de Béryl toute la soirée. Enfin, Béryl laissa la bête prendre possession de son corps. C’était la seule manière de le satisfaire, ce soir. Et puis, ce n’était pas comme s’il pouvait encore beaucoup contrôler ses métamorphoses. Si le dragon voulait sortir, il le ferait.
Les griffes de Béryl raclèrent le sol lorsqu’il atterrit. Les deux animaux s’affrontèrent au centre du ring. Léander infligea encore quelques petits coups bien placés avant que Béryl ne lui entoure le corps de ses griffes. Il souleva l’énorme lion dans les airs et le projeta en un body-slam, exactement comme il avait vu son héros, Hulk Hogan, le faire à André le Géant dans leur match final.
L’impact secoua l’établissement. Une vague de créatures sautèrent hors de leurs sièges, puis bondirent sur leurs pieds, rugissant leurs acclamations. Une fois Léander sur le dos, Béryl fut capable de le bloquer avec une autre prise de soumission. Cette prise suffit car, contrairement à l’homme qui pouvait facilement être distrait, le dragon n’avait qu’un seul objectif.
La douleur.
Infliger de la douleur était la seule chose qui mettait la bête au pas. Alors il resserra son étreinte autour de la crinière de Léander.
La tête du lion était trop grosse. Il ne pouvait pas baisser le menton et s’échapper, cette fois. La seule option de Léander était de taper de la main pour abandonner. Après de longs moments pris au piège dans l’étreinte du dragon, les griffes de Léander vinrent tapoter le bras de Béryl.
Il avait réussi. Il avait sauvegardé son titre. Le combat était terminé. Alors pourquoi Ilia criait-il toujours des instructions depuis le coin ?
Béryl ignora son frère et savoura sa victoire. Beaucoup de métamorphes mâles avaient combattu dans ces matches en cage au fil des semaines. Personne n’avait surpassé Béryl. Ni les ours, ni les loups. Ni son frère. Et à présent, le puissant Léander, Roi des Animaux, était vaincu.
Béryl baissa les yeux vers Léander. Ses lèvres étaient bleues. Ses yeux lui ressortaient des orbites.
Oh, merde. Il le tenait toujours dans une prise d’étranglement. Il fallait qu’il le lâche. Seulement, son dragon ne cédait pas.
Béryl essaya de desserrer la prise de la bête, mais le dragon était trop puissant. Il voulait le sang du lion.
Béryl regarda au fond des yeux du lion tandis que la vie les quittait lentement. Il y avait de la reconnaissance, là. C’était Léander. Son ami. Ils jouaient à se battre quand ils n’étaient encore tous les deux que des bébés. Ils partageaient une passion pour l’haltérophilie et la musculation, essayant de voir qui aurait le plus de muscles.
Les muscles de Léander étaient tendus à présent que son souffle quittait son corps. Le lion n’avait même pas eu envie de ce combat. Béryl l’avait provoqué de la seule manière qu’il connaisse. Léander avait un secret ; un secret qu’il n’avait confié qu’à lui. Et Béryl avait menacé de le révéler à tout le royaume si Léander ne le rejoignait pas sur le ring.
À l’intérieur de lui-même, Béryl luttait pour un combat perdu d’avance. Son dragon goûtait le sang dans l’air, et il en voulait davantage. Était-ce la fin ? Était-ce son dernier instant en tant qu’homme alors que le dragon prenait complètement le contrôle de son corps comme son frère Rhyol l’avait fait ?
Peut-être bien, parce que, d’une façon ou d’une autre, Béryl volait dans les airs sans se souvenir d’avoir décollé.
Les ailes de Béryl se déployèrent et attrapèrent le courant avant d’atterrir. Son dragon se retourna, prêt à faire face à l’ennemi suivant. Et il s’arrêta net.
Une femme blonde, plus petite que le lion, mais avec un regard féroce, se mettait en garde face à lui. Elle se tenait au-dessus du lion métamorphe inconscient. Bien qu’elle soit l’arbitre du match, son visage rond et ses hautes pommettes trahissaient son lien avec le mâle avachi sur le tapis.
Instantanément, la bête de Béryl laissa place à l’homme. Il se retrouva au centre du ring, nu comme un ver, sa bête ayant déchiré ses vêtements lors de la métamorphose. Béryl baissa la tête de honte, ne croisant pas le regard de la femme.
— Mes excuses, lionne.
— Contrôle ta bête, gronda Léona, ou tu ne seras plus invité à venir jouer avec mes garçons.
— Oui, m’dame.
Les matches avaient été l’idée de Léona. C’était elle qui avait approché Béryl. Il ne s’était pas demandé pourquoi la mère de six lions mâles avait organisé les matches. Ça avait semblé évident ; elle était la mère de six