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L'inutile beauté. Guy de MaupassantЧитать онлайн книгу.

L'inutile beauté - Guy de Maupassant


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de simples reproducteurs pour laquelle la divine Providence nous avait uniquement animés.

      Regarde ce théâtre. N’y a-t-il pas là-dedans un monde humain créé par nous, imprévu par les Destins éternels, ignoré d’Eux, compréhensible seulement par nos esprits, une distraction coquette, sensuelle, intelligente, inventée uniquement pour et par la petite bête mécontente et agitée que nous sommes.

      Regarde cette femme, Mme de Mascaret. Dieu l’avait faite pour vivre dans une grotte, nue, ou enveloppée de peaux de bêtes. N’est-elle pas mieux ainsi? Mais, à ce propos, sait-on pourquoi et comment sa brute de mari, ayant près de lui une compagne pareille et, surtout après avoir été assez rustre pour la rendre sept fois mère, l’a lâchée tout à coup pour courir les gueuses.

      Grandin répondit.

      – Eh! mon cher, c’est probablement là l’unique raison. Il a fini par trouver que cela lui coûtait trop cher, de coucher toujours chez lui. Il est arrivé, par économie domestique, aux mêmes principes que tu poses en philosophe.

      On frappait les trois coups pour le dernier acte. Les deux amis se retournèrent, ôtèrent leur chapeau et s’assirent.

      IV. Dans le coupé qui les ramenait chez eux après la représentation de l’Opéra…

      Dans le coupé qui les ramenait chez eux après la représentation de l’Opéra, le comte et la comtesse de Mascaret, assis côte à côte, se taisaient. Mais voilà que le mari, tout à coup, dit à sa femme:

      – Gabrielle!

      – Que me voulez-vous?

      – Ne trouvez-vous pas que ça a assez duré!

      – Quoi donc?

      – L’abominable supplice auquel, depuis six ans, vous me condamnez.

      – Que voulez-vous, je n’y puis rien.

      – Dites-moi lequel, enfin?

      – Jamais.

      – Songez que je ne puis plus voir mes enfants, les sentir autour de moi, sans avoir le coeur broyé par ce doute. Dites-moi lequel, et je vous jure que je pardonnerai, que je le traiterai comme les autres.

      – Je n’en ai pas le droit.

      – Vous ne voyez donc pas que je ne peux plus supporter cette vie, cette pensée qui me ronge, et cette question que je me pose sans cesse, cette question qui me torture chaque fois que je les regarde. J’en deviens fou.

      Elle demanda:

      – Vous avez donc beaucoup souffert?

      – Affreusement. Est-ce que j’aurais accepté, sans cela, l’horreur de vivre à votre côté, et l’horreur, plus grande encore, de sentir, de savoir parmi eux qu’il y en a un, que je ne puis connaître, et qui m’empêche d’aimer les autres.

      Elle répéta:

      – Alors, vous avez vraiment souffert beaucoup?

      Il répondit d’une voix contenue et douloureuse:

      – Mais, puisque je vous répète tous les jours que c’est pour moi un intolérable supplice. Sans cela, serais-je revenu? serais-je demeuré dans cette maison, près de vous et près d’eux, si je ne les aimais pas, eux. Ah! vous vous êtes conduite avec moi d’une façon abominable. J’ai pour mes enfants la seule tendresse de mon coeur; vous le savez bien. Je suis pour eux un père des anciens temps, comme j’ai été pour vous le mari des anciennes familles, car je reste, moi, un homme d’instinct, un homme de la nature, un homme d’autrefois. Oui, je l’avoue, vous m’avez rendu jaloux atrocement, parce que vous êtes une femme d’une autre race, d’une autre âme, avec d’autres besoins. Ah! les choses que vous m’avez dites, je ne les oublierai jamais. À partir de ce jour, d’ailleurs, je ne me suis plus soucié de vous. Je ne vous ai pas tuée parce que je n’aurais plus gardé un moyen sur la terre de découvrir jamais lequel de nos… de vos enfants n’est pas à moi. J’ai attendu, mais j’ai souffert plus que vous ne sauriez croire, car je n’ose plus les aimer, sauf les deux aînés peut-être; je n’ose plus les regarder, les appeler, les embrasser, je ne peux plus en prendre un sur mes genoux sans me demander: «N’est-ce pas celui-là?» J’ai été avec vous correct et même doux et complaisant depuis six ans. Dites-moi la vérité et je vous jure que je ne ferai rien de mal.

      Dans l’ombre de la voiture, il crut deviner qu’elle était émue, et sentant qu’elle allait enfin parler:

      – Je vous en prie, dit-il, je vous en supplie…

      Elle murmura:

      – J’ai été peut-être plus coupable que vous ne croyez. Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais plus continuer cette vie odieuse de grossesses. Je n’avais qu’un moyen de vous chasser de mon lit. J’ai menti devant Dieu, et j’ai menti, la main levée sur la tête de mes enfants, car je ne vous ai jamais trompé.

      Il lui saisit le bras dans l’ombre, et le serrant comme il avait fait au jour terrible de leur promenade au bois, il balbutia:

      – Est-ce vrai?

      – C’est vrai.

      Mais lui, soulevé d’angoisse, gémit:

      – Ah! je vais retomber en de nouveaux doutes qui ne finiront plus! Quel jour avez-vous menti, autrefois ou aujourd’hui? Comment vous croire à présent? Comment croire une femme après cela? Je ne saurai plus jamais ce que je dois penser. J’aimerais mieux que vous m’eussiez dit: «C’est Jacques, ou c’est Jeanne».

      La voiture pénétrait dans la cour de l’hôtel. Quand elle se fut arrêtée devant le perron, le comte descendit le premier et offrit, comme toujours, le bras à sa femme pour gravir les marches.

      Puis, dès qu’ils atteignirent le premier étage:

      – Puis-je vous parler encore quelques instants, dit-il?

      Elle répondit:

      – Je veux bien.

      Ils entrèrent dans un petit salon, dont un valet de pied, un peu surpris, alluma les bougies.

      Puis, quand ils furent seuls, il reprit:

      – Comment savoir la vérité? Je vous ai supplié mille fois de parler, vous êtes restée muette, impénétrable, inflexible, inexorable, et voilà qu’aujourd’hui vous venez me dire que vous avez menti. Pendant six ans vous avez pu me laisser croire une chose pareille! Non, c’est aujourd’hui que vous mentez, je ne sais pourquoi, par pitié pour moi, peut-être?

      Elle répondit avec un air sincère et convaincu:

      – Mais sans cela j’aurais eu encore quatre enfants pendant les six dernières années.

      Il s’écria:

      – C’est une mère qui parle ainsi?

      – Ah! dit-elle, je ne me sens pas du tout la mère des enfants qui ne sont pas nés, il me suffit d’être la mère de ceux que j’ai et de les aimer de tout mon coeur. Je suis, nous sommes des femmes du monde civilisé, monsieur. Nous ne sommes plus et nous refusons d’être de simples femelles qui repeuplent la terre.

      Elle se leva; mais il lui saisit les mains.

      – Un mot, un mot seulement, Gabrielle. Dites-moi la vérité?

      – Je viens de vous la dire. Je ne vous ai jamais trompé.

      Il la regardait bien en face, si belle, avec ses yeux gris comme des ciels froids. Dans sa sombre coiffure, dans cette nuit opaque des cheveux noirs luisait le diadème poudré de diamants, pareil à une voie lactée. Alors, il sentit soudain, il sentit par une sorte d’intuition que cet être-là n’était plus seulement une femme destinée à perpétuer sa race, mais le produit bizarre et mystérieux de tous nos désirs compliqués, amassés en nous par les siècles, détournés de leur but primitif et divin, errant vers une beauté mystique, entrevue et insaisissable. Elles sont ainsi quelques-unes qui fleurissent uniquement pour nos rêves, parées de tout ce que la civilisation a mis


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