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A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques. Hector BerliozЧитать онлайн книгу.

A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques - Hector Berlioz


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mélodie absolument différente en ré majeur et à trois temps; le premier thème, légèrement altéré et varié par les premiers violons, fait une seconde apparition dans le ton primitif pour ramener de nouveau la mélodie à trois temps, sans altérations ni variations, mais dans le ton de sol majeur; après quoi le premier thème s'établit définitivement et ne permet plus à la phrase rivale de partager avec lui l'attention de l'auditeur. Il faut entendre plusieurs fois ce merveilleux adagio pour s'accoutumer tout à fait à une aussi singulière disposition. Quant à la beauté de toutes ces mélodies, à la grâce infinie des ornements dont elles sont couvertes, aux sentiments de tendresse mélancolique, d'abattement passionné, de religiosité rêveuse qu'elles expriment, si ma prose pouvait en donner une idée seulement approximative, la musique aurait trouvé dans la parole écrite une émule que le plus grand des poëtes lui-même ne parviendra jamais à lui opposer. C'est une œuvre immense, et quand on est entré sous son charme puissant, on ne peut que répondre à la critique, reprochant à l'auteur d'avoir ici violé la loi de l'unité: tant pis pour la loi!

      Nous touchons au moment où les voix vont s'unir à l'orchestre. Les violoncelles et les contre-basses entonnent le récitatif dont nous avons parlé plus haut, après une ritournelle des instruments à vent, rauque et violente comme un cri de colère. L'accord de sixte majeure, fa, la, , par lequel ce presto débute, se trouve altéré par une appogiature sur le si bémol, frappée en même temps par les flûtes, les hautbois et les clarinettes; cette sixième note du ton de ré mineur grince horriblement contre la dominante et produit un effet excessivement dur. Cela exprime bien la fureur et la rage, mais je ne vois pas ici encore ce qui peut exciter un sentiment pareil, à moins que l'auteur, avant de faire dire à son coryphée: Commençons des chants plus agréables, n'ait voulu, par un bizarre caprice, calomnier l'harmonie instrumentale. Il semble la regretter, cependant, car entre chaque phrase du récitatif des basses, il reprend, comme autant de souvenirs qui lui tiennent au cœur, des fragments des trois morceaux précédents; et de plus, après ce même récitatif, il place dans l'orchestre, au milieu d'un choix d'accords exquis, le beau thème que vont bientôt chanter toutes les voix, sur l'ode de Schiller. Ce chant, d'un caractère doux et calme, s'anime et se brillante peu à peu, en passant des basses, qui le font entendre les premières, aux violons et aux instruments à vent. Après une interruption soudaine, l'orchestre entier reprend la furibonde ritournelle déjà citée et qui annonce ici le récitatif vocal.

      Le premier accord est encore posé sur un fa qui est censé porter la tierce et la sixte, et qui les porte réellement; mais cette fois l'auteur ne se contente pas de l'appogiature si bémol, il y ajoute celles du sol, du mi et de l'ut dièze, de sorte que TOUTES LES NOTES DE LA GAMME DIATONIQUE MINEURE se trouvent frappées en même temps et produisent l'épouvantable assemblage de sons: fa, la, ut dièse, mi, sol, si bémol, .

      Le compositeur français Martin, dit Martini, dans son opéra de Sapho, avait, il y a quarante ans, voulu produire un hurlement d'orchestre analogue, en employant à la fois tous les intervalles diatoniques, chromatiques et enharmoniques, au moment où l'amante de Phaon se précipite dans les flots: sans examiner l'opportunité de sa tentative et sans demander si elle portait ou non atteinte à la dignité de l'art, il est certain que son but ne pouvait être méconnu. Ici, mes efforts pour découvrir celui de Beethoven sont complétement inutiles. Je vois une intention formelle, un projet calculé et réfléchi de produire deux discordances, aux deux instants qui précèdent l'apparition successive du récitatif dans les instruments et dans la voix; mais j'ai beaucoup cherché la raison de cette idée, et je suis forcé d'avouer qu'elle m'est inconnue.

      Le coryphée, après avoir chanté son récitatif, dont les paroles, nous l'avons dit, sont de Beethoven, expose seul, avec un léger accompagnement de deux instruments à vent et de l'orchestre à cordes en pizzicato, le thème de l'Ode à la Joie. Ce thème paraît jusqu'à la fin de la symphonie, on le reconnaît toujours, et pourtant il change continuellement d'aspect. L'étude de ces diverses transformations offre un intérêt d'autant plus puissant que chacune d'elles produit une nuance nouvelle et tranchée dans l'expression d'un sentiment unique, celui de la joie. Cette joie est au début pleine de douceur et de paix; elle devient un peu plus vive au moment où la voix des femmes se fait entendre. La mesure change; la phrase, chantée d'abord à quatre temps, reparaît dans la mesure à 6/8 et formulée en syncopes continuelles; elle prend alors un caractère plus fort, plus agile et qui se rapproche de l'accent guerrier. C'est le chant de départ du héros sûr de vaincre; on croit voir étinceler son armure et entendre le bruit cadencé de ses pas. Un thème fugué, dans lequel on retrouve encore le dessin mélodique primitif, sert pendant quelque temps de sujet aux ébats de l'orchestre: ce sont les mouvements divers d'une foule active et remplie d'ardeur… Mais le chœur rentre bientôt et chante énergiquement l'hymne joyeuse dans sa simplicité première, aidé des instruments à vent qui plaquent les accords en suivant la mélodie, et traversé en tous sens par un dessin diatonique exécuté par la masse entière des instruments à cordes en unissons et en octaves. L'andante maestoso qui suit est une sorte de choral qu'entonnent d'abord les ténors et les basses du chœur, réunis à un trombone, aux violoncelles et aux contre-basses. La joie est ici religieuse, grave, immense; le chœur se tait un instant, pour reprendre avec moins de force ses larges accords, après un solo d'orchestre d'où résulte un effet d'orgue d'une grande beauté. L'imitation du majestueux instrument des temples chrétiens est produite par des flûtes dans le bas, des clarinettes dans le chalumeau, des sons graves de bassons, des altos divisés en deux parties, haute et moyenne, et des violoncelles jouant sur leurs cordes à vide sol, , ou sur l'ut bas (à vide) et l'ut du médium, toujours en double corde. Ce morceau commence en sol, il passe en ut, puis en fa, et se termine par un point d'orgue sur la septième dominante de . Suit un grand allegro à 6/4, où se réunissent dès le commencement le premier thème, déjà tant et si diversement reproduit, et le choral de l'andante précédent. Le contraste de ces deux idées est rendu plus saillant encore par une variation rapide du chant joyeux, exécutée au-dessus des grosses notes du choral, non-seulement par les premiers violons, mais aussi par les contre-basses. Or, il est impossible aux contre-basses d'exécuter une succession de notes aussi rapides; et l'on ne peut encore là s'expliquer comment un homme aussi habile que l'était Beethoven dans l'art de l'instrumentation a pu s'oublier jusqu'à écrire, pour ce lourd instrument, un trait tel que celui-ci. Il y a moins de fougue, moins de grandeur et plus de légèreté dans le style du morceau suivant: une gaieté naïve, exprimée d'abord par quatre voix seules et plus chaudement colorée ensuite par l'adjonction du chœur, en fait le fond. Quelques accents tendres et religieux y alternent à deux reprises différentes avec la gaie mélodie, mais le mouvement devient plus précipité, tout l'orchestre éclate, les instruments à percussion, timbales, cymbales, triangle et grosse caisse, frappent rudement les temps forts de la mesure; la joie reprend son empire, la joie populaire, tumultueuse, qui ressemblerait à une orgie, si, en terminant, toutes les voix ne s'arrêtaient de nouveau sur un rhythme solennel pour envoyer, dans une exclamation extatique, leur dernier salut d'amour et de respect à la joie religieuse. L'orchestre termine seul, non sans lancer dans son ardente course des fragments du premier thème dont on ne se lasse pas.

      Une traduction aussi exacte que possible de la poésie allemande traitée par Beethoven donnera maintenant au lecteur le motif de cette multitude de combinaisons musicales, savants auxiliaires d'une inspiration continue, instruments dociles d'un génie puissant et infatigable. La voici:

      «O Joie! belle étincelle des dieux, fille de l'Élysée, nous entrons tout brûlants du feu divin dans ton sanctuaire! un pouvoir magique réunit ceux que le monde et le rang séparent; à l'ombre de ton aile si douce tous les hommes deviennent frères.

      «Celui qui a le bonheur d'être devenu l'ami d'un ami; celui qui possède une femme aimable; oui, celui qui peut dire à soi une âme sur cette terre, que sa joie se mêle à la nôtre! mais que l'homme à qui cette félicité ne fut pas accordée se glisse en pleurant hors du lieu qui nous rassemble!

      «Tous les êtres boivent la joie au sein de la nature; les bons et les méchants suivent des chemins de fleurs. La nature


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