Эротические рассказы

Aymeris. Blanche Jacques-ÉmileЧитать онлайн книгу.

Aymeris - Blanche Jacques-Émile


Скачать книгу
est ma reine, ma chérie, Jessie est une Mac Farren d’une noble famille écossaise tombée dans la misère, et nous avons l’honneur de la posséder sous notre toit. Elle est frêle comme toutes les princesses; elle est blanche comme un lis, elle est en argent et en verre filé; ne dites plus ce que vous avez dit, je vous en supplie! Ou bien je meurs comme Jacques, comme Marie, comme tous vos enfants!

      Il construisait mille histoires pour rabaisser les siens et soi-même, exaltant ces Mac Farren déchus, mais dont l’origine se perdait dans la nuit des temps, glorieuse, plus que noble: royale! Et Georges se faisait «l’humble page de la Dame aux Mains d’ivoire», la sœur de la bonne anglaise– avait-on dit…

      Il était, hélas! l’enfant devant lequel certains mariages avaient été discutés et désapprouvés. Jessie ne serait pas un «parti» pour le petit-fils d’Emmanuel-Victor. Si, repris l’un et l’autre d’une mauvaise bronchite, s’ils pouvaient, «dans une nuée radieuse, quitter ensemble cette terre pour s’envoler vers le Paradis où les ailes des anges palpitent au son des trompettes d’argent et des cistres!»

      Un des chapitres du journal portait ce titre: De l’inégalité des conditions sociales. Ce «problème» y était d’ailleurs peu traité.

      J’étais séparé de l’objet aimé, comme l’est une novice de Celui qui habite le radieux tabernacle des autels. Mes sens allaient s’éveiller, mais encore pur dans mon corps et mon esprit, les hommes et les femmes ne différaient à mes yeux que par la voix et l’habit.

      Un soir, en récompense d’une «bonne place» dans une composition de narration française, on le régala d’une représentation au cirque des Champs-Elysées. Il suivit émerveillé les sauts, les exercices prodigieux d’une écuyère en maillot rose et jupe de tulle à paillettes. Des clowns au visage enfariné tendaient des cerceaux en jetant leurs lazzis au travers de la piste. Le cheval tournait, le fouet de «Môssieu Loyal» claquait, les cymbales, les cornets à piston, une musique infernale vous perçait, comme une vrille, le tympan. Georges fut secoué d’un étrange frémissement, douloureux comme si sa chair se vidait, puis se détendait dans un bain chaud; il mit son mouchoir sur son visage, s’essuya le front et, confondu par ce phénomène incompréhensible, il se dit incommodé; on n’attendit pas la fin du spectacle pour l’emmener.

      Mme Aymeris s’empressa d’appeler le docteur; Georges ne sut quoi lui dire, assura que ce n’était rien… Il avait eu un éblouissement, une mauvaise digestion. On le purgea, on le mit au régime, il n’osa pas protester et se demanda s’il n’avait pas été tout de même malade.

      Alors il se rappela les descriptions que lui donnaient en classe certains mauvais gars, de jouissances encore inconnues de lui. Aujourd’hui, était-il comme ses vantards de camarades? Il en conçut une certaine fierté, et dissociant la scène du cirque d’avec le sentiment tendre dont il était envahi, s’efforça de chasser les images trop réalistes qui repassaient devant ses yeux dès que sa pensée le ramenait à son idole.

      Il est minuit. La lumière d’une tour en porcelaine blanche à trous, la veilleuse classique, repose derrière les rideaux sur un guéridon au pied du lit. La flamme vacille, fait danser les meubles; les fleurettes jaunes du papier de tenture bleu s’éclairent, puis s’effacent. La chemise et les vêtements de l’écolier prennent sur les chaises une forme humaine, ou se noient dans l’ombre. Le réveille-matin hache de son tic-tac le silence de la maison, marque le temps qui unit l’hier au lendemain. Georges grelotte sous ses couvertures, compte, écoute, retient son souffle, attend un autre bruit. C’est une obsession!

      – Toussera-t-elle? A-t-elle toussé?

      Une voix sèche, là-haut, le fait tressaillir. Il n’a pas pu se rendormir depuis qu’une forte quinte l’a dans son premier sommeil réveillé, et il pense: – Le docteur Brun assure qu’on réduirait cette maudite toux avec de l’huile de foie de morue, si Jessie pouvait s’y accoutumer. Elle est si pâle et si maigre! Peut-être que si je priais beaucoup, là, dans le coin, devant la statue de Notre-Dame de Lorette, peut-être obtiendrais-je que Jessie fût plus rose et plus grasse! Que ne puis-je lui donner un peu de mes joues! Mon gilet de flanelle? Tout ce que je possède! Mais sait-elle que je ne pourrai plus vivre ainsi? Si cela continue, je m’enfuirai. – Il réfléchit: – Mais non, impossible de la laisser seule ici, sans moi! Est-ce que cela la peinerait d’être sans moi? Elle est si drôle! On ne sait jamais si elle vous voit. Si elle savait que je reçois un coup dans la poitrine, à chacune de ses quintes! Les autres n’ont pas l’air de s’en apercevoir, pas même sa sœur Ellen. Gabriel Gonnard la regarde de travers, il la hait. Pourquoi? Mais moi, je suis là, je sais, moi, je sais! Si j’osais du moins lui jeter un châle sur les épaules, quand elle traverse les corridors! Et ce séjour à Cannes, projeté pour nous, après ma dernière bronchite? Emmenait-on Jessie là-bas? C’est elle qui devrait y être, dans le Midi!.. Si je pouvais pincer une autre bronchite!.. Je vais me remettre à tousser, comme Jessie, ce n’est pas malin de faire semblant!..

      Georges se lève, ouvre la fenêtre, s’expose à l’air d’une nuit humide de décembre. Il met sa poitrine à nu, il lui faut une mauvaise bronchite, il l’aura! Il frissonne, se recouche, s’étend, puis se dresse sur son séant pour écouter, car le crin de son oreiller grince et offusque les autres sons. De nouveau, Jessie tousse. Georges tressaute, il pose sa main sur son cœur: boum! boum! boum! La sueur perle à ses tempes. Il passe sa manche sur son front. Trois heures sonnent. Patience! trois autres heures et une demie, et le réveil-matin lui enjoindra de s’habiller, de préparer ses leçons avant la classe, puisqu’hier soir il a lu Pickwick avec Jessie au lieu d’apprendre sa géographie et son algèbre; et il sera collé.

      Enfin Georges perd connaissance.

      Le supplice devait se prolonger. Les études ne donnaient toujours pas satisfaction à la famille Aymeris, quoiqu’un professeur, devinant les goûts de Georges, l’eût «poussé dans le latin et dans les lettres». Les sciences étaient toujours faibles, mais le baccalauréat apparaissant loin encore, Georges «redoubla» sa seconde. Les communications entre Georges et Jessie s’espacèrent. Le Dr Brun avait envoyé la convalescente en Suisse dans un sanatorium. A son retour, les époux Gonnard «la réclamèrent»; elle habiterait avec eux dans le pavillon au fond du jardin; Jessie aiderait Ellen dans les menus soins du ménage.

      C’était encore la séparation! Georges, tirant profit de ses lectures romanesques et sentimentales, conclut que le sort des amants, toujours contrariés par la vie, est triste, mais noble. S’il pouvait rencontrer dans le jardin Jessie, les yeux cernés par la fièvre! Puisqu’on l’avait dite sauvée, elle devait maintenant brûler d’amour et attendre, comme lui-même, quelque jour prochain d’ivresse. Dès ses examens passés, Georges, solennellement, devant sa famille réunie, proclamerait une passion qu’il avait jusqu’ici tue; et sa mère ayant formé le dessein d’adopter Jessie, ne serait-il pas naturel, après tout, qu’une Miss Mac Farren devînt la bru des vieux Aymeris?

      Mais elle avait avec Georges des façons nouvelles.

      Jessie se retirait, rougissait à mon approche. Etait-ce un de ces mouvements involontaires par quoi l’amour se divulgue, dit-on?

      Quoiqu’en retard et plus âgé que ses camarades de lycée, Georges restait candide au milieu de gamins qui ne l’étaient guère. Néanmoins il apprenait des dessous de la vie, plus que d’algèbre, de physique et d’histoire.

      Quel rôle auront joué, dans l’enfance des petits Parisiens d’alors, le Passage du Havre et les entours de la gare Saint-Lazare!

      Nous savons que Georges se promenait avec le précepteur et les deux frères de La Roche-Michelon, ces parfaits produits du faubourg Saint-Germain. Mme de La Roche-Michelon invitait Georges à des goûters assez ennuyeux, avec quelques garçons «extrêmement comme il faut», et dont on savait «qui sont les parents». Georges admira les tableaux anciens qui décoraient l’hôtel La Roche-Aymard, un des plus vastes de la rue de Grenelle, et le plafond, par Boucher, d’un escalier en marbre rose. Georges était «extrêmement comme il faut» aussi. Mais Mlle Adélaïde, la sœur d’Alain et de Gontran de La Roche-Michelon, ne parlait point


Скачать книгу
Яндекс.Метрика