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Les grandes espérances. Чарльз ДиккенсЧитать онлайн книгу.

Les grandes espérances - Чарльз Диккенс


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livres, ma nièce, répéta cette vile canaille de Pumblechook, en prenant les mains de ma sœur. Et ce n'est pas plus que vous ne méritez. Ne vous l'avais-je pas dit, lorsque vous m'avez demandé mon opinion? et je souhaite que cet argent vous profite.»

      Si le misérable s'en était tenu là, son rôle eût été assez abject; mais non, il parla de sa protection d'un ton qui surpassa toutes ces hypocrisies antérieures.

      «Voyez-vous, Joseph, et vous, ma nièce, dit-il en me tiraillant par le bras, je suis de ces gens qui vont jusqu'au bout et surmontent tous les obstacles quand une fois ils ont commencé quelque chose. Ce garçon doit être engagé comme apprenti, voilà mon système; engagez-le donc sans plus tarder.

      – Nous savons, mon oncle Pumblechook, dit ma sœur en serrant le sac dans ses mains, que nous vous devons beaucoup.

      – Ne vous occupez pas de moi, ma nièce, repartit le diabolique marchand de graines, un plaisir est un plaisir; mais ce garçon doit être engagé par tous les moyens possibles, et je m'en charge.»

      Il y avait un tribunal à la maison de ville, tout près de là, et nous nous rendîmes auprès des juges pour m'engager, par contrat, à être l'apprenti de Joe. Mais ce qui ne me sembla pas drôle du tout, c'est que Pumblechook me poussait devant lui, comme si j'avais fouillé dans une poche, ou incendié un meuble. Tout le monde croyait que j'avais commis quelque mauvaise action et que j'avais été pris en flagrant délit, car j'entendais des gens autour de moi qui disaient: «Qu'a-t-il fait?» Et d'autres: «Il est encore tout jeune; mais il a l'air d'un mauvais drôle, n'est-ce pas?» Un personnage, à l'aspect bienveillant, alla même jusqu'à me donner un petit livre, orné d'une vignette sur bois, représentant un jeune mauvais sujet, portant un attirail de chaînes, aussi complet que celui de l'étalage d'un marchand de saucisses et intitulé: «POUR LIRE DANS MA CELLULE.»

      C'était un endroit singulier, que la grande salle où nous entrâmes. Les bancs me parurent encore plus grands que ceux de l'église. Il y avait beaucoup de spectateurs pressés sur ces bancs, et des juges formidables, dont l'un avait la tête poudrée. Les uns se couchaient dans leur fauteuil, croisaient leurs bras, prenaient une prise de tabac, et s'endormaient. Les autres écrivaient ou lisaient le journal. Il y avait aussi plusieurs sombres portraits appendus aux murs et qui parurent à mes yeux peu connaisseurs un composé de sucre d'orge et de taffetas gommé. C'est là que, dans un coin, mon identité fut dûment reconnue et attestée, le contrat passé, et que je fus engagé. M. Pumblechook me soutint pendant tous ces petits préliminaires, comme si l'on m'eût conduit à l'échafaud.

      En sortant, et après nous être débarrassés des enfants, que l'espoir de me voir torturer publiquement avait excités au plus haut point, et qui furent très désappointés en voyant que mes amis m'entouraient, nous rentrâmes chez Pumblechook. Les vingt-cinq livres avaient mis ma sœur dans une telle joie, qu'elle voulut absolument dîner au Cochon bleu, pour fêter cette bonne aubaine, et Pumblechook partit avec sa voiture pour ramener au plus vite les Hubbles et M. Wopsle.

      Je passai une bien triste journée, car il semblait admis d'un commun accord que j'étais de trop dans cette fête, et, ce qu'il y a de pire, c'est qu'ils me demandaient tous, de temps en temps, quand ils n'avaient rien de mieux à faire, pourquoi je ne m'amusais pas.

      Et que pouvais-je répondre, si ce n'est que je m'amusais beaucoup, quand, hélas! je m'ennuyais à mourir?

      Quoi qu'il en soit, ils étaient tous grands, sensés raisonnables et pouvaient faire ce qu'ils voulaient et ils en profitaient. Le vil Pumblechook, à qui revenait l'honneur de tout cela, occupait le haut de la table, et quand il entama son speech sur mon engagement, il eut soin d'insinuer hypocritement que je serais passible d'emprisonnement si je jouais aux cartes, si je buvais des liqueurs fortes, ou si je rentrais tard, ou bien encore si je fréquentais de mauvaises compagnies; ce qu'il considérait, d'après mes précédents, comme inévitable. Il me mit debout sur une chaise, à côté de lui, pour illustrer ses suppositions et rendre ses remarques plus palpables.

      Les seuls autres souvenirs qui me restent de cette grande fête de famille, c'est qu'on ne voulut pas me laisser dormir, et que toutes les fois que je fermais les yeux, on me réveillait pour me dire de m'amuser; puis, que très tard dans la soirée, M. Wopsle nous récita l'ode de Collins et il jeta à terre son sabre taché de sang avec un tel fracas, que le garçon accourut nous dire: «Que les gens du dessous nous présentaient leurs compliments, et nous faisaient dire que nous n'étions pas Aux armes des Bateleurs;» puis que tous les convives étaient de belle humeur, et qu'en rentrant au logis ils chantaient: Viens belle dame. M. Wopsle faisait la basse avec sa voix terriblement sonore, se vantait de connaître les affaires particulières de chacun, et affirmait qu'il était l'homme qui, malgré ses gros yeux dont on ne voyait que le blanc, et sa faiblesse, l'emportait encore sur tout le reste de la société.

      Enfin, je me souviens qu'en rentrant dans ma petite chambre, je me trouvai très misérable, et que j'avais la conviction profonde que je ne prendrais jamais goût au métier de Joe. Je l'avais aimé d'abord ce métier; mais d'abord, ce n'était plus maintenant!

      CHAPITRE XIV

      C'est une chose bien misérable que d'avoir honte de sa famille, et sans doute cette noire ingratitude est-elle punie comme elle le mérite; mais ce que je puis certifier, c'est que rien n'est plus misérable.

      La maison n'avait jamais eu de grands charmes pour moi, à cause du caractère de ma sœur, mais Joe l'avait sanctifiée à mes yeux, et j'avais cru qu'on pouvait y être heureux. J'avais considéré notre parloir comme un des plus élégants salons; j'avais vu dans la porte d'entrée le portail d'un temple, dont on attendait l'ouverture solennelle pour faire un sacrifice de volailles rôties; la cuisine m'avait semblé un lieu fort convenable, si ce n'est magnifique, et j'avais regardé la forge comme le seul chemin brillant qui devait me conduire à la virilité et à l'indépendance. En moins d'une année, tout cela avait changé. Tout me paraissait maintenant commun et vulgaire, et pour un empire je n'aurais pas voulu que miss Havisham et Estelle vissent rien qui en dépendît.

      Était-ce la faute du malheureux état de mon esprit? Était-ce la faute de miss Havisham? Était-ce la faute de ma sœur? À quoi bon chercher à m'en rendre compte? Le changement s'était opéré en moi, c'en était fait; bon ou mauvais, avec ou sans excuse, c'était un fait!

      Dans le temps, il m'avait semblé qu'une fois dans la forge, en qualité d'apprenti de Joe, avec mes manches de chemise re-troussées, je serais distingué et heureux. J'avais alors enfin atteint ce but tant désiré, et tout ce que je sentais, c'est que j'étais noirci par la poussière de charbon, et que j'avais la mémoire chargée d'un poids tellement pesant qu'auprès de lui, l'enclume n'était qu'une plume. Il m'est arrivé plus tard dans ma vie (comme dans la plupart des existences) des moments où j'ai cru sentir un épais rideau tomber sur tout ce qui faisait l'intérêt et le charme de la mienne, pour ne me laisser que la vue de mes ennuis et de mes tracas: mais jamais ce rideau n'est tombé si lourd ni si épais que lorsque j'entrevis mon existence toute tracée devant moi dans la nouvelle voie où j'entrais comme apprenti de Joe.

      Je me souviens qu'à une époque plus reculée j'avais coutume d'aller le dimanche soir m'asseoir dans le cimetière quand la nuit était close. Là, je comparais ma propre perspective à celle des marais que j'avais sous les yeux et je trouvais de l'analogie entre elles en pensant combien elles étaient plates et basses toutes les deux et combien était sombre le brouillard qui s'étendait sur le chemin qui menait à la mer. J'étais du reste aussi découragé le premier jour de mon apprentissage que je le fus par la suite; mais je suis heureux de penser que jamais je n'ai murmuré une plainte à l'oreille de Joe pendant tout le temps que dura mon engagement. C'est même à peu près la seule chose dont je puisse m'enorgueillir et dont je sois aise de me souvenir.

      Car, quoiqu'on puisse m'attribuer le mérite d'avoir persévéré, ce n'est pas à moi qu'il appartient, mais bien à Joe. Ce n'est pas parce que j'étais fidèle à ma parole, mais bien parce que Joe l'était, que je ne me suis pas sauvé de chez lui pour me faire soldat ou matelot. Ce n'est pas parce que j'avais un grand amour de la vertu et du travail, mais parce que Joe avait ces deux amours que je travaillais avec


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