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Journal d'un voyageur pendant la guerre. Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Journal d'un voyageur pendant la guerre - Жорж Санд


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distingue plus de l'embrasement général que par un ton cerise plus clair. Sommes-nous en Afrique ou au coeur de la France? Hélas! c'est l'enfer avec ses splendeurs effrayantes où l'âme navrée des souvenirs de la terre fait surgir les visions de guerre et d'incendie. Ailleurs on brûle tout de bon les villages, on tue les hommes, on emmène les troupeaux. Et ce n'est pas loin, ce qu'on ne voit pas encore! Ce magnifique coucher de soleil, c'est peut-être la France qui brûle à l'horizon!

Saint-Loup (Creuse), 21 septembre.

      Le Puy-de-Dôme et la fière dentelure des volcans d'Auvergne se sont découpés tantôt dans le ciel au delà du plateau que nous traversions, premier échelon du massif central de la France. Quelle placidité dans cette lointaine apparition des sommets déserts! Voilà le rempart naturel qu'au besoin la France opposerait à l'invasion; qu'il est majestueux sous son voile de brume rosée! Les plaines immenses qui s'échelonnent jusqu'à la base semblent le contempler dans un muet recueillement.

      Ici tout est calme, encore plus qu'aux bords de l'Indre. Les gens sont pourtant plus actifs et plus industrieux; ils ont plus de routes et de commerce, mais ils sont plus sobres et plus graves. Le paysan vit de châtaignes et de cidre, il sait se passer de pain et de vin; sa vache et son boeuf ne sont pas plus difficiles que son âne. Ils mangent ce qu'ils trouvent, et sont moins éprouvés par la sécheresse que nos bêtes habituées à la grasse prairie. Ce pays-ci n'attirera pas la convoitise de l'étranger. La nature lui sera revêche, si l'habitant ne lui est pas hostile.

      Nous voici chez d'adorables amis, dans une vieille maison très-commode et très-propre, aussi bien, aussi heureux qu'on peut l'être par ces temps maudits. L'air est sain et vif, le soleil a tout dévoré, et le danger de famine est bien plus effrayant encore que chez nous. Ils n'ont pas eu d'orage, pas une goutte d'eau depuis six mois! Deux beaux petits garçons jouent au soleil, sous de pauvres acacias dénudés, avec nos deux petites filles, charmées du changement de place, un petit âne d'un bon caractère, et un gros chien qui flaire les nouveau-venus d'un air nonchalant. Les enfants rient et gambadent, c'est un heureux petit monde à part qui ne s'inquiète et ne s'attriste de rien. Au commencement de la guerre, nous ne voulions pas qu'on en parlât devant nos filles; nous avions peur qu'elles n'eussent peur. Nous les retrouvons déjà acclimatées à cette atmosphère de désolation; elles ont voyagé, elles ont fait une vingtaine de lieues; elles parlent bataille, elles jouent aux Prussiens avec ces garçons, qui se font des fusils avec des tiges de roseau. C'est un jeu nouveau, une fiction, cela n'est pas arrivé, cela n'arrivera pas. Les enfants décidément ne connaissent pas la peur du réel.

22 septembre.

      Chez nous, j'étais physiquement très-malade. Étais-je sous l'influence de l'air empesté du pauvre Nohant? Aujourd'hui je me sens guérie, mais le coeur ne reprend pas possession de lui-même. On avait naguère, dans la tranquillité de la vie retirée et studieuse, cette petite joie intérieure qui est comme le sentiment de l'état de santé de la conscience personnelle. Aujourd'hui il n'y a plus du tout de personnalité possible; le devoir accompli, toujours aimé, mais impuissant au delà d'une étroite limite, ne console plus de rien. Voici les temps de calamité sociale où tout être bien organisé sent frémir en soi les profondes racines de la solidarité humaine. Plus de chacun pour soi, plus de chacun chez soi! La communauté des intérêts éclate. L'avare qui compte sa réserve est effrayé de cette stérile ressource qui s'écoulera sans se renouveler. Il est malheureux, irrité; il voudrait égorger l'inconnu, la crise, tout ce qui tombera sous sa main. Il cherche un lieu sûr pour cacher sa bourse, non pas tant pour la dérober à l'Allemand, avec lequel il se résigne à transiger, que pour se dispenser de nourrir son voisin affamé l'hiver prochain. Celui qui n'a pas la même préoccupation personnelle est malheureux autrement, sa souffrance est plus noble, mais elle est plus profonde et plus constante. Il ne se dit pas comme l'avare qu'il réussira peut-être, à force de soins, à ne pas trop manquer. Quand l'avare a saisi cette espérance, il s'endort rassuré. L'autre, celui qui fait bon marché de lui-même, ne réfléchit pas tant à son lendemain. Son sommeil est un rêve amer où l'âme se tord sous le poids du malheur commun. Pauvre soldat de l'humanité, il veut bien mourir pour les autres, mais il voudrait que les autres fussent assurés de vivre, et quand la voix de la vision crie à son oreille: Tout meurt! il s'agite en vain, il étend ses mains dans le vide. Il se sent mourir autant de fois qu'il y a de morts sur la terre.

22 septembre.

      Heureux ceux qui croient que la vie n'est qu'une épreuve passagère, et qu'en la méprisant ils gagneront une éternité de délices! Ce calcul égoïste révolte ma conscience, et pourtant je crois que nous vivons éternellement, que le soin que nous prenons d'élever notre âme vers le vrai et le bien nous fera acquérir des forces toujours plus pures et plus intenses pour le développement de nos existences futures; mais croire que le ciel est ouvert à deux battants à quiconque dédaigne la vie terrestre me semble une impiété. Une place nous est échue en ce monde; purifions-la, si elle est malsaine. La vie est un voyage; rendons-le utile, s'il est pénible. Des compagnons nous entourent au hasard; quels qu'ils soient, voyageons à frais communs; ne prions pas, plutôt que de prier seuls. Travaillons, marchons, déblayons ensemble. Ne disons pas devant ceux qui meurent en chemin qu'ils sont heureux d'être délivrés de leur tâche. Le seul bonheur qui nous soit assigné en ce monde, c'est précisément de bien faire cette tâche, et la mort qui l'interrompt n'est pas une dispense de recommencer ailleurs. Il serait commode, en vérité, d'aller s'asseoir au septième ciel pour avoir vécu une fois.

23 septembre.

      Un soleil ardent traversant un air froid: ceci ressemble au printemps du Midi; mais la sécheresse des plantes nous rappelle que nous sommes au pays de la soif. On a grand'peine ici à se procurer de l'eau, et elle n'est pas claire; une pauvre petite source hors du village alimente comme elle peut bêtes et gens. Les rivières ne coulent plus. On nous a menés aujourd'hui voir le gouffre de la Tarde. La Tarde est un torrent qui forme aux plateaux que nous traversons une ceinture infranchissable en hiver; il est enfoui dans d'étroites gorges granitiques qui se bifurquent ou se croisent en labyrinthe, et il y roule une masse d'eau d'une violence extrême. Le gouffre, où nous sommes descendus, offre encore un profond réservoir d'eau morte sous les roches qui surplombent. Le poisson s'y est réfugié. A deux pas plus loin, la Tarde disparaît et reparaît de place en place; elle semble revivre, marcher avec le vent qui la plisse, mais elle s'arrête et se perd toujours. En mille endroits, on passe la furieuse à pied sec, sur des entassements de roches brisées ou roulées qui attestent sa puissance évanouie. Rien n'est plus triste que cette eau dormante, enchaînée, trouble et morne, qui a conservé à ses rives escarpées un peu de fraîcheur printanière, mais qui semble leur dire: «Buvez encore aujourd'hui, demain je ne serai plus.»

      J'avais un peu oublié nos peines. Il y avait de ces recoins charmants où quelques fleurettes vous sourient encore et où l'on rêve de passer tout seul un jour de far niente, sans souvenir de la veille, sans appréhension du lendemain. En face, un formidable mur de granit couronné d'arbres et brodé de buissons; derrière soi, une pente herbeuse rapide, plantée de beaux noyers; à droite et à gauche, un chaos de blocs dans le lit du torrent; sous les pieds, on a cet abîme où, à la saison des pluies, deux courants refoulés se rencontrent et se battent à grand bruit, mais où maintenant plane un silence absolu. Un vol de libellules effleure l'eau captive et semble se rire de sa détresse. Une chèvre tond le buisson de la muraille à pic; par où est-elle venue, par où s'en ira-t-elle? Elle n'y songe pas; elle vous regarde, étonnée de votre étonnement. Je contemplais la chèvre, je suivais le vol des demoiselles, je cueillais des scabieuses lilas; quelqu'un dit près de moi:

      – Voilà une retraite assez bien fortifiée contre les Prussiens!

      Tout s'évanouit, la nature disparaît. Plus de contemplation. On se reproche de s'être amusé un instant. On n'a pas le droit d'oublier. Va-t'en, poésie, tu n'es bonne à rien!

      Mon âme est-elle plus en détresse que celle des autres? Il y a si longtemps que j'ai abandonné à ma famille les soins de la vie pratique, que je suis redevenue enfant. J'ai vécu au-dessus du possible immédiat, ne tenant bien compte que du possible éternel. Certes j'étais dans le vrai absolu, mais non dans le vrai relatif. Je le savais bien; je me disais que le relatif, auquel je suis impropre, ne me regardait pas, que je n'y pouvais


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