Quentin Durward. Вальтер СкоттЧитать онлайн книгу.
offre tant de situations admirablement fortifiées, le jeune Durward connaissait assez bien tous les différens moyens par lesquels les hommes, dans ce siècle encore un peu barbare, cherchaient à protéger leurs habitations; mais il avoua franchement à son compagnon qu'il n'aurait pas cru qu'il fût au pouvoir de l'art de faire tant dans un lieu où la nature avait fait si peu; car le château, comme nous l'avons donné à entendre, n'était situé que sur une éminence peu élevée, à laquelle on montait par une rampe fort douce, depuis l'endroit où Quentin s'était arrêté.
Pour ajouter à sa surprise, son compagnon lui apprit qu'à l'exception du sentier tournant par lequel ils étaient arrivés, tous les environs du château étaient, de même que la partie de bois qu'ils venaient de traverser, parsemés de pièges, de trappes, de fosses et d'embûches de toutes sortes, qui menaçaient de mort quiconque oserait s'y hasarder sans guide; il y avait sur les murs des espèces de guérites en fer, appelées nids d'hirondelles, d'où les sentinelles, lui dit-il, régulièrement postées, pouvaient tirer presqu'à coup sûr contre quiconque oserait se présenter sans avoir le signal ou le mot d'ordre, qui était changé chaque jour; les archers de la garde royale remplissaient nuit et jour ce devoir, pour lequel ils recevaient du roi Louis profit et honneur, une forte paie et de riches habits.
– Et maintenant, jeune homme, ajouta-t-il, dites-moi si vous avez jamais vu un château aussi fort, et si vous pensez qu'il existe des gens assez hardis pour le prendre d'assaut?
Durward était resté long-temps les yeux fixés sur cette forteresse, dont la vue l'intéressait à un tel point qu'il en oubliait que ses vêtemens étaient mouillés. À la question qui venait de lui être faite, ses yeux étincelèrent, et son visage s'anima de nouvelles couleurs, semblable à un homme entreprenant qui médite un trait de hardiesse.
– C'est une place très-forte et bien gardée, répondit-il; mais il n'y a rien d'impossible pour les braves.
– Et en connaissez-vous dans votre pays qui y réussiraient? demanda le vieillard d'un ton un peu dédaigneux.
– Je n'oserais l'affirmer; mais il s'y trouve des milliers d'hommes qui, pour une bonne cause, ne reculeraient pas devant cette entreprise.
– Oui-dà[26]! et vous vous comptez peut-être dans ce nombre?
– Je ferais mal de me vanter quand il n'y a aucun danger; mais mon père a fait un trait assez hardi, et je me flatte que je ne suis point bâtard.
– Eh bien! vous pourriez trouver à qui parler, et même des compatriotes; car les archers écossais de la garde du roi Louis sont en sentinelle sur ces murs, – trois cents gentilshommes des meilleures maisons de votre pays.
– En ce cas, si j'étais le roi Louis, je me confierais en ces trois cents gentilshommes écossais, j'abattrais ces murs pour combler les fossés, j'appellerais près de moi mes pairs et mes paladins, et je vivrais en roi, faisant rompre des lances dans des tournois, donnant des festins le jour à mes nobles, dansant la nuit avec les dames, et ne craignant pas plus un ennemi qu'une mouche.
Son compagnon sourit encore; et tournant le dos au château, dont il lui dit qu'ils s'étaient un peu trop approchés, il le fit rentrer dans le bois, en prenant un chemin plus large et plus battu que le sentier par lequel ils étaient venus.
– Cette route, lui dit-il, conduit au village du Plessis; et comme étranger, vous trouverez à vous y loger honorablement et à un prix raisonnable. À environ deux milles plus loin est la belle ville de Tours, qui donne son nom à cette riche et superbe province. Mais le village du Plessis, où Plessis-du-Parc, comme on l'appelle à cause de sa proximité du château du roi et du parc royal qui l'entoure, vous fournira un asile plus voisin et non moins hospitalier.
– Je vous remercie de vos renseignemens, mon bon maître, mais mon séjour ici ne sera pas long, et si je trouve au village du Plessis, Plessis-le-Parc ou Plessis-l'étang, un morceau de viande à manger et quelque chose de meilleur que de l'eau à boire, mes affaires y seront bientôt terminées.
– Je m'imaginais que vous aviez quelque ami à voir dans ces environs.
– C'est la vérité, le propre frère de ma mère; et avant qu'il quittât les montagnes d'Angus, c'était le plus bel homme dont les drogues[27]en eussent foulé les bruyères.
– Et comment le nommez-vous? Je vous le ferai chercher; car il ne serait pas prudent à vous de monter au château. On pourrait vous prendre pour un espion.
– Par la main de mon père! me prendre pour un espion! Celui qui oserait me donner un nom pareil sentirait le froid du fer que je porte. Quant au nom de mon oncle, je n'ai nulle raison pour le cacher. Il se nomme Lesly. C'est un nom noble et honorable.
– Je n'en doute nullement; mais il se trouve dans la garde écossaise trois personnes qui le portent.
– Mon oncle se nomme Ludovic Lesly.
– Mais parmi les trois Lesly, deux portent le nom de Ludovic.
– On surnommait mon parent Ludovic à la cicatrice; car nos noms de famille sont si communs en écosse, que, lorsqu'on n'a pas de terre dont on puisse prendre le nom pour se distinguer, on porte toujours un sobriquet.
– Un nom de guerre, vous voulez dire? Mais je vois que le Lesly dont vous parlez est celui que nous surnommons le Balafré, à cause de la cicatrice qu'il porte sur la figure. C'est un brave homme et un bon soldat. Je désire pouvoir vous faciliter une entrevue avec lui, car il appartient à un corps dont les devoirs sont stricts, et ceux qui le composent sortent rarement du château, à moins que ce ne soit pour escorter la personne du roi. Et maintenant, jeune homme, répondez à une question. Je parie que vous désirez entrer, comme votre oncle, dans la garde écossaise. Si tel est votre projet, il est un peu hardi, d'autant plus que vous êtes fort jeune, et que l'expérience de quelques années est nécessaire pour remplir les hautes fonctions auxquelles vous aspirez.
– Il est possible que j'aie eu quelque idée semblable, mais, si cela est, la fantaisie en est passée.
– Que voulez-vous dire, jeune homme? Parlez-vous avec ce ton de légèreté d'une garde dans laquelle les plus nobles de vos compatriotes sont jaloux d'être admis?
– Je leur en fais mon compliment. Pour parler franchement, j'aurais assez aimé à entrer au service du roi Louis; mais malgré les beaux habits et la bonne paie, je préfère le grand air à ces cages de fer qu'on voit là-haut; à ces nids d'hirondelles, comme vous appelez ces espèces de boîtes à poivre. D'ailleurs, je vous avouerai que je n'aime pas un château dans les environs dusquel on voit croître des chênes qui portent des glands semblables à celui que j'aperçois.
– Je devine ce que vous voulez dire, mais expliquez-vous plus clairement.
– Soit. Regardez ce gros chêne qui est à quelques portées de flèche du château: ne voyez-vous pas pendu à une branche de cet arbre un homme en jaquette grise pareille à la mienne?
– C'est ma foi vrai! Pâques-Dieu! voyez ce que c'est que d'avoir des yeux jeunes! J'apercevais bien quelque chose, mais je croyais que c'était un corbeau perché dans les branches. Au surplus, ce spectacle n'a rien de nouveau jeune homme: quand l'été fera place à l'automne, qu'il y aura de longs clairs de lune, et que les routes deviendront peu sûres, vous verrez accrochés à ce même chêne des groupes de dix et même de vingt glands semblables. Mais qu'importe? chacun d'eux sert d'épouvantail pour effrayer les coquins; et pour chaque drôle qui est suspendu de cette manière, l'honnête homme peut compter qu'il y a en France un brigand, un traître, un voleur de grand chemin, un pillard ou un oppresseur de moins. Vous devez y reconnaître, jeune homme, des preuves de la justice de notre souverain.
– Cela peut être; mais si j'étais le roi Louis, je les ferais pendre un peu plus loin de mon palais. Dans mon pays nous suspendons des corbeaux morts dans les endroits fréquentés par les corbeaux vivans, mais non pas dans nos jardins ou, dans nos pigeonniers. L'odeur de ce cadavre… Fi! je crois la sentir à la distance où nous en sommes.
– Si
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Sic. (
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Sandales à brodequins. – (