Эротические рассказы

Simon. Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Simon - Жорж Санд


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M. Parquet était à la fois le plus poétique et le plus positif de tous les hommes. Quand il avait les pieds bien chauds, un fauteuil bien mollet, une table bien servie, de bon vin dans un large verre, il était capable de s'attendrir jusqu'aux larmes, et de déclamer un sonnet de Pétrarque en regardant du coin de l'œil la vieille Jeanne Féline, occupée gravement à tourner son rouet sur le seuil de sa porte. Quoiqu'il fût encore actif, alerte, bien qu'un peu gros, et préservé de toute infirmité, il prenait parfois le ton plaintif et philosophique pour célébrer en petits vers, dans le goût de La Fare et de Chaulieu, la solennité de la tombe, qui s'entr'ouvrait pour le recevoir, et sur le bord de laquelle il voulait encore effeuiller les roses du plaisir.

      Mais le mérite de M. Parquet ne se bornait pas à l'aimable humeur d'un vieillard anacréontique. C'était un homme généreux, un ami sincère, un voisin cordial, et, qui plus est, un homme d'affaires voué, depuis le commencement de sa carrière, au culte de la plus stricte probité. Il avait trop d'esprit et de sens pour n'avoir pas su arranger sa vie de manière à contenter les autres et soi-même. Sa grande pratique, sa profonde et impitoyable connaissance des roueries de la procédure, et son activité infatigable, en avaient fait, dans la province, l'homme de sa classe le plus important et le plus recherché. A ces talents il joignait, tant bien que mal, celui de la parole; car M. Parquet cumulait les fonctions d'avoué et celles d'avocat. Il s'exprimait en bons termes, pérorait avec abondance, et dans les affaires civiles, grâce à une dialectique serrée et à une obstination puissante, il était presque toujours sûr du succès. Il est vrai qu'au criminel il produisait des effets de moins bon aloi. Comme tout avocat de province, il aimait de passion les discours de cour d'assises; c'est l'occasion d'arrondir des périodes sonores, et de lancer des métaphores chatoyantes. Les juges et le gros public en étaient émerveillés; les dames de la ville pleuraient à chaudes larmes, et pendant trois jours, maître Parquet, rouge et bouffi, conservait dans son ménage l'accent emphatique et le geste théâtral. Il faut avouer que, dans cet état d'irritation et de triomphe, il était beaucoup moins aimable que de coutume. Il s'enivrait de ses propres paroles et tombait dans des divagations un peu trop prolongées; ou bien il se maintenait dans un état de colère factice qui faisait trembler ses chiens et ses servantes. A l'entendre alors demander son café d'une voix tonnante, ou s'emporter, à la lecture du journal, contre les abus de la tyrannie, on l'eût pris pour un Cromwell ou pour un Spartacus. Mais mademoiselle Bonne, qui connaissait son caractère, s'en effrayait fort peu, et ne craignait pas de l'interrompre pour lui dire:

      «Mon père, si tu parles si fort, tu seras enroué demain matin, et tu ne pourras pas plaider.

      – C'est vrai, répondait l'excellent homme avec douceur. Ah! Bonne, le ciel t'a placée près de moi comme un ange gardien, pour me préserver de moi-même. Fais-moi taire et emporte les liqueurs. Que sommes-nous sans les femmes? des animaux cruels, livrés à de funestes emportements. Mais elles! comme des divinités bienfaisantes, elles veillent sur nous et adoucissent la rudesse de nos âmes! Allons, Bonne, laisse-moi m'attendrir, et verse-moi encore un peu d'anisette.

      – Non, mon père, c'est assez, disait la jeune fille; vous avez déjà mal à la gorge.

      – O mon enfant! reprenait l'avocat d'une voix plaintive et d'un regard suppliant, refuseras-tu les consolations du dieu de l'Inde et de la Thrace à un vieillard infortuné dont les forces s'éteignent? Vois, ma tête s'affaiblit et se penche vers la tombe, ma voix tremblante se glace dans mon gosier par l'effet de l'âge et du malheur…»

      Si, au milieu de ces lamentations élégiaques, un client importun venait interrompre maître Parquet, il bondissait comme un lion sur son fauteuil, et s'écriait d'une voix de stentor:

      «Laissez-moi tranquille, laissez-moi jouir de la vie; je vous donne tous au diable! Je ne veux pas entendre parler d'affaires quand je dîne.»

      Cependant, si quelque lucrative occasion se présentait, ou s'il s'agissait de rendre service à un ami, maître Parquet revenait à la raison comme par enchantement. Toujours sage dans sa conduite et entendant bien ses intérêts, toujours bon et prêt à se dévouer pour les siens, il passait des fumées du souper aux subtilités de la chicane avec une aisance merveilleuse. Quelques-uns de ceux qui ne le connaissaient qu'à demi le croyaient égoïste, parce qu'ils le voyaient sensuel. Ils ne saisissaient qu'un côté de cet homme richement organisé pour jouir de la vie, jaloux d'associer les autres à son bonheur, et prêt à quitter les douceurs du coin du feu afin d'avoir la volupté d'y revenir, le cœur rempli du témoignage d'une bonne action. C'est ainsi qu'il était épicurien, disait-il gaiement. Il pratiquait en grand la doctrine.

      Du reste, quand il avait affaire aux fripons ou aux ladres, c'était le plus fin matois et le plus impitoyable écorcheur qu'eût jamais enfanté son ordre. Autant il se montrait modeste et généreux envers les pauvres, autant il rançonnait les riches. A l'égard des avares, il était sardonique jusqu'à la cruauté. Il avait coutume de dire que l'argent du pauvre n'avait pour lui qu'une mauvaise odeur de cuivre; mais le cuivre même du mauvais riche avait une couleur d'or qui l'affriandait.

      Ce n'était donc pas par déférence pour son rang ni par pur esprit d'hospitalité qu'il se faisait l'homme d'affaire et l'aubergiste du comte de Fougères. Sans flatter ses travers, il avait le bon goût de ne point les choquer, et disait tout bas à sa fille que cet homme devait avoir les poches pleines de sequins de Venise, dont il ne lui serait pas désagréable de connaître l'effigie. Bonne, dont le rôle était plus désintéressé, regardait comme un point d'honneur de recevoir convenablement ses hôtes, et surtout de montrer à mademoiselle de Fougères qu'elle possédait à fond la science de l'économie domestique. La candide enfant s'imaginait que, dans toutes les positions de la vie, les soins du ménage sont la gloire la plus brillante de la femme. Mais, hélas! la jeune étrangère ne s'apercevait pas seulement de la manière dont le linge était blanchi et parfumé. Elle n'accordait pas la plus légère marque d'admiration à la cuisson des confitures. Elle se contentait de dire, en prenant la main de Bonne, chaque fois qu'elle lui présentait quelque chose: «C'est bon, c'est bien. On est bien chez vous; vous êtes bonne comme un ange;» et la fille de l'avoué, étonnée de ce ton brusque et affectueux, ne pouvait s'empêcher d'aimer l'Italienne, bien qu'elle renversât toutes ses notions sur l'idéal de la sympathie.

      M. Parquet, ayant appris, de la bouche de M. de Fougères, sa rencontre et sa connaissance avec Simon Féline, voulut, moins pour faire honneur à son hôte que pour se désennuyer d'une société qui le gênait un peu, aller chercher son voisin et le faire souper chez lui; mais il ne put y déterminer Simon. Le jeune républicain eût trop craint de paraître rechercher la faveur du puissant.

      «Je sais que le seigneur est affable, répondit-il aux instances de Parquet, mais je sens que j'aurais de la peine à l'être autant que lui; et n'étant pas disposé à lui accorder une dose de bienveillance égale à celle qu'il me jette à la tête, je crois qu'il est bon que nos relations en restent là.»

      Parquet fut obligé d'aller dire à M. de Fougères que son jeune ami, fatigué d'avoir chassé tout le jour, était déjà couché et endormi. On se mit à table; mais, malgré les soins que l'on avait pris pour cacher l'arrivée du comte, il n'était pas possible qu'un aussi grand événement fût ignoré tout un soir, et une députation de villageois, ayant en tête le garde champêtre, orateur fort remarquable, se présenta à la porte et frappa de manière à l'enfoncer jusqu'à ce qu'on eût pris le parti de capituler et d'écouter le compliment. Après ceux-là arriva une seconde bande avec les violons, la cornemuse et les coups de pistolet; puis un chœur de dindonnières qui chanta faux une ballade en quatre-vingt-dix couplets dans le dialecte barbare du pays, et présenta des bouquets à mademoiselle de Fougères. Enfin, l'arrière-garde des polissons et des goujats, qui s'attendaient bien à prendre la truelle pour recrépir le vieux château, ferma la marche avec des brandons, des pétards et des cris de joie à faire dresser les cheveux sur la tête. Par émulation, le sacristain courut sonner les cloches, tous les chiens du village se mirent à pousser des hurlements affreux auxquels répondirent du fond des bois tous les loups de la montagne. Jamais, de mémoire d'homme, on n'avait entendu un pareil vacarme dans le vallon de Fougères. En vain le comte supplia qu'on lui épargnât ces honneurs; en vain le procureur furieux menaça de faire jouer la pompe-arrosoir de son jardin sur les récalcitrants; en vain


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