Correspondance, 1812-1876 — Tome 5. Жорж СандЧитать онлайн книгу.
Febvre est en grand progrès et grand succès. Je vous bige mille fois tout deux. Distrayez-vous, ne pensez à rien.
«Quand vous écrirez à Maurice, me dit Dumas fils, faites-lui mes amitiés; il n'a pas besoin que je lui écrive pour savoir la part que je prends à son chagrin.»
DLXX
A M. JULES BOUCOIRAN, A NÎMES
Palaiseau, 6 août 1864.
Cher ami, Mes enfants m'ont écrit que vous aviez été pour eux un vrai papa, que vous les aviez soutenus, plaints, consolés, distraits, et qu'enfin ils vous aimaient tendrement et n'oublieraient jamais l'affection que vous leur avez témoignée. Je savais bien qu'il en serait ainsi et je suis contente qu'ils aient passé près de vous ces premiers cruels jours. J'ai vu Calamatta, qui m'a dit la même chose, et que lui et les enfants avaient été très saisis et impressionnés par les taureaux et les Arènes. Je ne vous remercie pas, cher ami, d'avoir mis tout votre coeur à soulager celui de mes pauvres enfants, mais vous savez si j'apprécie votre immense bonté et votre immense attachement.
Je vous embrasse de coeur.
G. SAND.
DLXXI
A M. CHARLES PONCY, A TOULON
Palaiseau, 26 août 1864.
Cher ami, Pendant que vous étiez dans la fatigue et dans l'angoisse, nous étions dans le désespoir. Nous avons perdu notre cher petit Marc, si joli, si gai, si vivant, et qui venait d'atteindre son premier anniversaire! — Maurice et sa femme avaient été voir mon mari, près de Nérac. L'enfant y a été pris de la dysenterie, et il y est mort après douze jours de souffrances atroces. Je le croyais sauvé; j'avais tous les jours un télégramme et je ne m'inquiétais plus, quand la nouvelle du plus mal est arrivée. Je suis partie pour Nérac. Nous sommes arrivés pour ensevelir notre pauvre enfant, emmener les parents désolés et leur rendre un peu de courage. Ils ont été, en effet, depuis, passer quelques jours près de Chambéry, chez M. Buloz. Maintenant, ils sont à Paris, occupés d'acheter, non loin de moi, une maisonnette, pour être à portée des occupations de Paris, sans habiter Paris même.
Moi, j'habite décidément Palaiseau, où je me trouve très bien et parfaitement tranquille. C'est un Tamaris à climat doux, aussi retiré, mais à deux pas de la civilisation. Je n'ai à me plaindre de rien. Mais quel fonds de tristesse à savourer!.. Cet enfant était tout mon rêve et mon bien. — Encore, passe que je souffre de sa perte; mais mon pauvre Maurice et sa femme! Leur douleur est amère et profonde. Ils l'avaient si bien soigné!
Enfin, ne parlons plus de cela. Vous voilà triomphant d'avoir sauvé votre chère fille. Embrassez-la bien pour moi et pour nous tous.
Nous allons courir ce mois prochain, avec Maurice et Lina, un peu partout, avant de prendre nos quartiers d'hiver. Mais, comme nous n'allons pas loin, si vous venez à Paris, j'espère bien que nous le saurons à temps pour nous rencontrer. Il faudra vous informer de nous, rue des Feuillantines, 97, où nous avons un petit pied-à-terre.
Merci de votre bon souvenir pour Marie. Elle est à Nohant en attendant que Maurice et sa femme s'installent par ici. C'est à eux qu'en ce moment elle est nécessaire.
Bonsoir, chers enfants. Que le malheur s'arrête donc et que la santé, le courage et l'affection soient avec vous.
À vous de coeur.
DLXXII
A M. BERTON PÈRE, A PARIS
Palaiseau, septembre 1861.
Mon cher enfant, J'étais tellement commandée par l'heure du chemin de fer, ce matin, que je n'ai pas fait retourner mon fiacre pour courir après vous. J'aurais pourtant voulu vous serrer la main et vous dire mille choses que je n'ai pu vous écrire. D'abord M. de la Rounat avait complètement disparu dans ses villégiatures de l'été, et je n'ai pu avoir de lui un mot d'explication. Ensuite un cruel malheur m'a frappée. Mon fils a perdu son enfant. J'ai été dans le Midi, et puis en Berry. J'ai pensé à Villemer et revu La Rounat presque à la veille de la reprise, que je ne croyais pas si prochaine. J'ai eu enfin le récit de ses péripéties à propos de vous, et je l'ai eu trop tard pour rien changer à ses résolutions, puisque vous étiez en pleine Sonora19 et qu'il faisait répéter M. Brindeau. Le résultat final, c'est que M. Brindeau a très bien joué; mais ce n'était pas une préoccupation égoïste qui me faisait réclamer la connaissance des faits antérieurs à son engagement. Je tenais bien plutôt à ne pas avoir été, à mon insu, prise pour complice d'une infidélité envers vous, à qui nous avons dû un si beau succès. Après beaucoup de détails trop longs à retrouver, La Rounat m'a donné sa parole d'honneur qu'au moment où il avait engagé Brindeau, M. Harmant lui avait absolument refusé de vous rendre votre liberté, en lui démontrant par a plus b que cela était impossible.
J'ai cette affirmation depuis si peu de temps, que je n'ai pu vous l'écrire. Elle était, d'ailleurs, assez inutile. Ce à quoi je tenais, c'est à vous dire qu'on avait tout fait sans me consulter et sans me mettre à même de vous dire mes regrets et mes remerciements. Mais vous n'avez pas douté de moi, j'espère, dans tout cela, et je compte bien que nous livrerons encore ensemble quelque sérieuse bataille. Merci de tout coeur pour la dernière, et, quand vous aurez une matinée à perdre, venez (en me prévenant toutefois un jour d'avance) me voir à Palaiseau. Vous me ferez un vrai plaisir.
A vous,
G. SAND.
DLXXIII
M. LUDRE-GABILLAUD, A LA CHÂTRE
Palaiseau, octobre 1864.
Cher ami, Je vous réponds tout de suite pour le conseil que Maurice vous demande. Du moment qu'ils ont franchi courageusement cette grande tristesse de revenir seuls à Nohant, ce qu'ils feront de mieux, ces chers enfants, c'est d'y vivre, tout en se réservant un pied-à-terre à Paris, où ils pourront aller de temps en temps se distraire. S'ils organisent bien leur petit système d'économie domestique, ils pourront aussi faire de petites excursions en Savoie, en Auvergne et même en Italie. Tout cela peut et doit faire une vie agréable; car j'irai les voir à Nohant, et il faut espérer qu'il y aura bientôt une chère compagnie: celle d'un nouvel enfant. Il n'en est pas question; mais, quand leurs esprits seront bien rassis, j'espère qu'on nous fera cette bonne surprise. Alors il y aura nécessairement deux ans à rester sédentaire pour la jeune femme; où sera-t-elle mieux qu'à Nohant pour élever son petit monde?
Je vois bien maintenant, d'après leur incertitude, leurs besoins de bien-être, leurs projets toujours inconciliables avec les nécessités et les dépenses de la vie actuelle, qu'ils ne sauront s'installer, comme il faut, nulle part. Ils peuvent être si bien chez nous, en réduisant la vie de Nohant à des proportions modérées et avec le surcroît de revenu que je leur laisse! Si mes arrangements avec les domestiques ne leur conviennent pas, ils seront libres, l'année prochaine, de m'en proposer d'autres et je voudrai ce qu'ils voudront. Qu'ils tâtent le terrain, et, à la prochaine Saint-Jean, ils sauront à quoi s'en tenir sur leur situation intérieure. Après moi, ils auront, non pas les ressources journalières que peut me créer mon travail quand je me porte bien, mais le produit de tous mes travaux; ce qui augmentera beaucoup leur aisance, et, comme ils n'ont pas à se préoccuper de l'avenir, ils peuvent dépenser leurs revenus sans inquiétude.
Je sais qu'il y a pour Maurice un grand chagrin de coeur et un grand mécompte d'habitudes à ne m'avoir pas toujours sous sa main pour songer à tout, à sa place. Mais il est temps pour lui de se charger de sa propre existence, et le devoir de sa femme est d'avoir, de la tête et de me remplacer. N'est-ce pas avec elle qu'il doit vieillir, et comptait-il, le pauvre enfant, que je durerais autant que lui?
Attirez leur attention et provoquez leur conviction
19
Berton venait de jouer