David Copperfield – Tome I. Чарльз ДиккенсЧитать онлайн книгу.
à penser.
Je pensai aux choses les plus bizarres: À la forme de la chambre, aux fentes du plafond, au papier qui recouvrait les murs, aux défauts des carreaux qui faisaient des bosses ou des creux dans le paysage, à ma table de toilette dont les trois pieds boiteux avaient quelque chose de rechigné qui me rappela mistress Gummidge lorsqu'elle songeait à l'Ancien. Et alors je pleurais, mais, sauf que je me sentais tout gelé et misérable, je crois que je ne savais pas bien pourquoi je pleurais. Enfin, dans mon désespoir, il me vint à l'esprit que j'aimais passionnément la petite Émilie, qu'on m'avait enlevé à elle pour m'amener dans un lieu où personne ne m'aimait autant qu'elle. À force de me désoler de cette pensée, je finis par me rouler dans un coin de mon couvre-pied et par m'endormir en pleurant.
Je me réveillai en entendant quelqu'un dire: «Le voilà!» Une main découvrait doucement ma tête brûlante. Ma mère et Peggotty étaient venues me chercher, et c'était la voix de l'une d'elles que j'avais entendue.
«Davy, dit ma mère, qu'est-ce que vous avez donc?»
Comment pouvait-elle se demander cela? Je répondis: «Je n'ai rien.» Mais je détournai la tête pour cacher le tremblement de ma lèvre qui lui en aurait pu dire davantage.
«Davy! dit ma mère, Davy, mon enfant!»
Rien de ce qu'elle aurait pu dire ne m'aurait autant troublé que ces simples mots: «Mon enfant!» Je cachai mes larmes dans mon oreiller, et je repoussai la main de ma mère qui voulait m'attirer vers elle.
«C'est votre faute, Peggotty, méchante que vous êtes! dit ma mère. Je le sais bien. Comment pouvez-vous, je vous le demande, avoir le courage d'indisposer mon cher enfant contre moi ou contre ceux que j'aime. Qu'est-ce que cela veut dire, Peggotty?»
La pauvre Peggotty leva les yeux au ciel et répondit, en commentant la prière d'actions de grâces que je répétais habituellement après le dîner:
«Que le Seigneur vous pardonne, mistress Copperfield, et puissiez- vous ne jamais avoir à vous repentir de ce que vous venez de dire là!
– Il y a de quoi me faire perdre la tête, s'écria ma mère, et cela pendant une lune de miel, quand on devrait croire que mon plus cruel ennemi ne voudrait pas m'enlever un peu de paix et de bonheur. Davy, méchant enfant! Peggotty, atroce femme que vous êtes! Oh! mon Dieu, s'écria ma mère en se tournant de l'un à l'autre avec une irritation capricieuse, quel triste séjour que ce monde, et dans un moment où on devrait s'attendre à n'avoir que des choses agréables!»
Je sentis tout d'un coup se poser sur moi une main qui n'était ni celle de ma mère ni celle de Peggotty; je me glissai au pied de mon lit. C'était la main de M. Murdstone qui tenait mon bras.
«Qu'est-ce que cela signifie, Clara, mon amour? Avez-vous oublié?
Un peu de fermeté, ma chère!
– Je suis bien fâchée, Édouard, dit ma mère, je voulais être raisonnable, mais je me sens si triste!
– Vraiment, dit-il, je suis fâché de vous entendre dire cela; c'est commencer bien tôt, Clara.
– Je dis qu'il est bien dur qu'on me rende malheureuse en ce moment, dit ma mère en faisant une petite moue; et c'est… c'est bien dur… n'est-ce pas?»
Il l'attira à lui, lui murmura quelques mots à l'oreille, et l'embrassa. La tête de ma mère reposait sur son épaule, elle avait passé son bras autour du cou de son mari; je compris dès lors qu'il pourrait toujours, comme il le faisait alors, faire plier à son gré une nature si flexible.
– Descendez, mon amour, dit M. Murdstone, David et moi nous allons revenir tout à l'heure. Ma brave femme, dit-il en se tournant vers Peggotty, lorsqu'il eut vu sortir ma mère de la chambre, en l'accompagnant d'un gracieux sourire, ma brave femme, et il la regardait d'un air menaçant, vous savez le nom de votre maîtresse?
– Il y a longtemps qu'elle est ma maîtresse, monsieur, répondit Peggotty, je dois le savoir.
– C'est vrai, répondit-il, mais tout à l'heure, en montant, j'ai cru vous entendre l'appeler par un nom qui n'est pas le sien. Elle a pris le mien, vous le savez. Ne l'oubliez pas, je vous prie.»
Peggotty sortit sans répondre autrement que par une révérence, tout en me lançant des regards inquiets; elle avait probablement compris qu'on voulait qu'elle s'en allât, et elle n'avait point d'excuse à donner pour rester.
Lorsque nous fûmes tous deux seuls, il ferma la porte, et s'asseyant sur une chaise devant laquelle il se tenait debout, il fixa sur moi un regard perçant; mes yeux à moi s'attachaient aux siens. Il me semble encore entendre battre mon petit coeur.
«David, dit-il, et ses lèvres minces se serraient l'une contre l'autre, quand j'ai à réduire un cheval ou un chien entêté, qu'est-ce que je fais, selon vous?
– Je n'en sais rien.
– Je le bats.»
Je lui avais répondu d'une voix presque éteinte, mais je sentais maintenant que la respiration me manquait tout à fait.
«Je le fais céder et demander grâce. Je me dis, voilà un drôle que je veux dompter, et quand même cela devrait lui coûter tout le sang qu'il a dans les veines, j'en viendrai à bout. Qu'est-ce que je vois-là sur votre joue?
– C'est de la boue, répondis-je.»
Il savait aussi bien que moi que c'était la trace de mes larmes; mais quand même il m'aurait adressé vingt fois la même question, en m'assommant de coups chaque fois, je crois que mon petit coeur se serait brisé avant que je lui répondisse autrement.
«Pour un enfant, vous avez beaucoup d'intelligence, dit-il avec le sourire grave qui lui était familier, et vous m'avez compris, je le vois. Lavez-vous la figure, monsieur, et descendez avec moi.»
Il me montra la toilette, celle que je comparais dans mon esprit à mistress Gummidge, et me fit signe de la tête de lui obéir immédiatement. Je ne doutais pas alors, et je doute encore moins maintenant, qu'il ne fût tout prêt à me rouer de coups, sans le moindre scrupule, si j'avais hésité.
«Clara, ma chère, dit-il, lorsque je lui eus obéi et que nous fûmes descendus au salon, sa main toujours appuyée sur mon bras, on ne vous tourmentera plus, j'espère. Nous corrigerons notre petit caractère.»
Dieu m'est témoin qu'en ce moment un mot de tendresse aurait pu me rendre meilleur pour toute ma vie, peut-être faire de moi une autre créature. En m'encourageant et en m'expliquant ce qui s'était passé, en m'assurant que j'étais le bienvenu et que ce serait toujours là mon chez moi, M. Murdstone aurait pu attirer à lui mon coeur, au lieu de s'assurer une obéissance hypocrite; au lieu de le haïr, j'aurais pu le respecter. Il me sembla que ma mère était fâchée de me voir là debout au milieu de la chambre, l'air malheureux et effaré, et que, lorsqu'elle me vit aller timidement m'asseoir, ses yeux me suivirent plus tristement encore, comme si elle eût souhaité me voir plutôt courir gaiement; mais alors elle ne me dit pas un mot, et plus tard, il n'était plus temps.
Nous dînâmes seuls, tous les trois. Il avait l'air d'aimer beaucoup ma mère, ce qui ne me réconciliait pas avec lui, j'en ai bien peur, et elle, elle l'aimait beaucoup. Je compris à leur conversation qu'ils attendaient ce même soir une soeur aînée de M. Murdstone qui venait demeurer avec eux. Je ne me rappelle pas bien si c'est alors ou plus tard que j'appris, que, sans être positivement dans le commerce, il avait une part annuelle dans les bénéfices d'un négociant en vins de Londres, et que sa soeur avait le même intérêt que lui dans cette maison qui était liée avec sa famille depuis le temps de son arrière grand-père; en tout cas, j'en parle ici par occasion.
Après le dîner, nous étions assis au coin du feu, et je méditais d'aller retrouver Peggotty, mais la crainte que j'avais de mon nouveau maître m'ôtait la hardiesse de m'échapper, lorsqu'on entendit une voiture s'arrêter à la grille du jardin; M. Murdstone sortit pour aller voir qui c'était; ma mère se leva aussi. Je la suivais timidement, quand à la porte du salon elle s'arrêta, et profitant de l'obscurité, elle me prit dans ses bras comme elle faisait jadis, en me disant tout bas qu'il fallait aimer mon nouveau père et lui