David Copperfield – Tome I. Чарльз ДиккенсЧитать онлайн книгу.
si c'était le Taureau-Bleu ou le Sanglier-Bleu, mais ce que je sais, c'est que c'était un animal bleu, et que cet animal était aussi représenté sur le derrière de la diligence.
Le conducteur fixa les yeux sur moi en descendant, et dit à la porte du bureau:
«Y a-t-il ici quelqu'un qui demande un jeune garçon inscrit au registre sous le nom de Murdstone, venant de Blunderstone, Suffolk, et qui était attendu? Qu'on le vienne réclamer.»
Personne ne répondit.
«Essayez de Copperfield, monsieur, je vous prie, dis-je en baissant piteusement les yeux.
– Y a-t-il ici quelqu'un qui demande un jeune garçon inscrit au registre sous le nom de Murdstone, venant de Blunderstone, Suffolk, mais qui répond au nom de Copperfield, et qui doit attendre qu'on le vienne réclamer? dit le conducteur. Parlez! y a- t-il quelqu'un?»
Non, il n'y avait personne. Je regardai avec inquiétude tout autour de moi, mais cette question répétée n'avait pas fait la moindre impression sur ceux qui étaient présents, sauf sur un homme à longues guêtres, qui n'avait qu'un oeil, et qui suggéra qu'on ferait bien de me mettre un collier de cuivre et de m'attacher à un poteau dans l'étable, comme aux chiens perdus. On plaça une échelle, et je descendis après la dame qui ressemblait à une meule de foin: je ne me permis de bouger que lorsqu'elle eut enlevé son panier. Tous les voyageurs eurent promptement quitté leurs places; on descendit tous les bagages, et les garçons d'écurie firent rentrer la diligence sous la remise. Et cependant personne ne paraissait pour réclamer l'enfant tout poudreux qui venait de Blunderstone, Suffolk.
Plus solitaire que Robinson Crusoé, qui du moins n'avait près de lui personne pour venir l'observer et remarquer qu'il était solitaire, j'entrai dans le bureau de la diligence, et sur l'invitation du commis, je passai derrière le comptoir, et je m'assis sur la balance où on pesait les bagages. Là, tandis que j'étais assis au milieu des paquets, des livres et des ballots, respirant le parfum des écuries (qui s'associera éternellement dans ma mémoire avec cette matinée), je fus assailli par une foule de réflexions toutes plus lugubres les unes que les autres. À supposer qu'on ne vint jamais me chercher, combien de temps consentirait-on à me garder là où j'étais? Me garderait-on assez longtemps pour qu'il ne me restât plus rien de mes sept shillings? Est-ce que je passerais la nuit dans un de ces compartimente en bois avec le reste des bagages? Faudrait-il me laver tous les matins à la pompe de la cour? Ou bien me renverrait-on tous les soirs et serais-je obligé de revenir tous les matins jusqu'à ce qu'on vînt me chercher? Et si ce n'était pas une erreur; si M. Murdstone avait inventé ce plan pour se débarrasser de moi, que deviendrais-je? Si on me permettait de rester là jusqu'à ce que j'eusse dépensé mes sept shillings, je ne pouvais toujours pas espérer d'y rester lorsque je commencerais à mourir de faim. Cela serait évidemment gênant et désagréable pour les pratiques, et de plus cela exposerait le je ne sais quoi bleu à avoir à payer les frais de mon enterrement. Si je me mettais immédiatement en route et que je tentasse de retourner chez ma mère, comment pourrais-je marcher jusque-là? Et d'ailleurs étais-je sûr d'être bien accueilli par d'autres que par Peggotty, lors même que je réussirais à arriver? Si j'allais m'offrir aux autorités voisines comme soldat ou comme marin, j'étais un si petit bonhomme qu'il était bien probable qu'on ne voudrait pas de moi. Ces pensées, jointes à un millier d'autres, me faisaient monter le rouge au visage, et je me sentais tout étourdi de crainte et d'émotion. J'étais dans cet état violent lorsqu'entra un homme qui murmura quelques mots à l'oreille du commis; celui-ci me tira vivement de la balance et me poussa vers le nouveau venu comme un colis pesé, acheté, payé, enlevé.
En sortant du bureau, la main dans celle de ma nouvelle connaissance, je me hasardai à jeter les yeux sur mon conducteur. C'était un jeune homme au teint jaune, à l'air dégingandé, aux joues creuses, avec un menton presque aussi noir que celui de M. Murdstone; mais là cessait la ressemblance, car ses favoris étaient rasés, et ses cheveux, au lieu d'être luisants, étaient rudes et secs. Il portait un habit et un pantalon noirs, un peu secs et râpés aussi; l'habit ne descendait pas jusqu'au poignet ni le pantalon jusqu'à la cheville de leur propriétaire; sa cravate blanche n'était pas d'une propreté exagérée. Je n'ai jamais cru, et je ne veux pas croire encore, que cette cravate fût tout le linge qu'il avait sur lui, mais c'était au moins tout ce qu'il en laissait entrevoir.
«Vous êtes le nouvel élève? me dit-il.
– Oui, monsieur,» lui dis-je. Je le supposais. Je n'en savais rien.
«Je suis l'un des maîtres d'études de la pension Salem,» me dit- il.
Je le saluai, j'étais terrifié. Je n'osais faire la moindre allusion à une chose aussi vulgaire que ma malle en présence du savant maître de Salem-House; ce ne fut que lorsque nous fûmes sortis de la cour que j'eus la hardiesse d'en faire mention. Nous revînmes sur nos pas, d'après mon observation très-humble qu'elle pourrait plus tard m'être utile, et il dit au commis que le voiturier devait venir la prendre à midi.
«Monsieur, lui dis-je, lorsque nous eûmes fait à peu près le même trajet, auriez-vous la bonté de me dire si c'est bien loin?
– C'est du côté de Blackheath, me dit-il.
– Est-ce loin, monsieur? demandai-je timidement.
– Il y a un bon bout de chemin, dit-il; nous irons par la diligence; on compte environ six milles.»
Je me sentais si las et si épuisé, que l'idée de faire encore six milles sans me restaurer était au-dessus de mes forces. Je m'enhardis jusqu'à lui dire que je n'avais pris absolument rien pendant toute la nuit, et que je lui serais très-reconnaissant s'il voulait bien me permettre d'acheter quelque chose pour manger. Il parut surpris (je le vois encore s'arrêter et me regarder); après avoir réfléchi un instant, il me dit qu'il avait besoin de s'arrêter chez une vieille femme qui habitait près de là, et que ce que j'aurais de mieux à faire, ce serait d'acheter un peu de pain, ou toute autre nourriture à mon choix, pourvu qu'elle fût saine, et de déjeuner chez cette personne qui me procurerait du lait.
Nous nous rendîmes chez un boulanger, où, après avoir jeté mon dévolu sur une foule de petits gâteaux succulents qu'il refusa de me laisser prendre les uns après les autres, nous finîmes par nous décider pour un bon petit pain de seigle qui me coûta trois pence. Plus loin, nous achetâmes un oeuf et une tranche de lard fumé; tout cela me laissa encore possesseur de pas mal de petite monnaie sur mon second shilling que j'avais changé, ce qui me fit penser que Londres était un endroit où l'on vivait à très-bon marché. Lorsque nous eûmes fait nos provisions, nous traversâmes, au milieu d'un tapage et d'un mouvement qui troublaient singulièrement ma pauvre tête, un pont, London-Bridge sans doute (je crois même qu'il me le dit, mais j'étais à moitié endormi), et enfin nous arrivâmes chez la vieille femme qui logeait dans un hospice, comme je pus le voir à l'apparence du bâtiment et aussi à l'inscription placée au-dessus de la grille, qui disait que cette maison avait été fondée pour vingt-cinq femmes pauvres.
Le maître d'études de Salem-House leva le loquet d'une de ces portes noires qui se ressemblaient toutes: d'un côté il y avait une fenêtre à petits carreaux, et au-dessus de la porte une autre fenêtre à petits carreaux; nous entrâmes dans la maison d'une de ces pauvres vieilles femmes, qui soufflait son feu sur lequel était placée une petite casserole. En voyant entrer mon conducteur, la vieille femme cessa de souffler, et dit quelque chose comme: «Mon Charles!» Mais en me voyant entrer après lui, elle se leva, et fit en se frottant les mains une espèce de révérence embarrassée.
«Pouvez-vous faire cuire le déjeuner de ce jeune monsieur, je vous prie, dit le maître d'études de Salem-House.
– Si je le peux? dit la vieille femme; mais oui, certainement.
– Comment va mistress Fibbitson aujourd'hui?» dit le maître d'études en regardant une autre vieille femme assise sur une grande chaise près du feu; elle avait si bien l'air d'un paquet de vieux chiffons, qu'à l'heure qu'il est je me félicite encore de ce que je n'ai pas commis l'erreur de m'asseoir dessus.
«Ah! elle ne va pas trop bien, dit la première vieille femme; elle est dans un de ses mauvais jours. Je crois vraiment que, si par