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Histoire de ma Vie, Livre 1 (Vol. 1 – 4). Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Histoire de ma Vie, Livre 1 (Vol. 1 – 4) - Жорж Санд


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      Pardonne-moi, Jean-Jacques, de te blâmer en fermant ton admirable livre des Confessions! Je te blâme, et c'est te rendre hommage encore puisque ce blâme ne détruit pas mon respect et mon enthousiasme pour l'ensemble de ton œuvre.

      Je ne fais point ici un ouvrage d'art, je m'en défends même, car ces choses ne valent que par la spontanéité et l'abandon, et je ne voudrais pas raconter ma vie comme un roman. La forme emporterait le fond.

      Je pourrai donc parler sans ordre et sans suite, tomber même dans beaucoup de contradictions. La nature humaine n'est qu'un tissu d'inconséquences, et je ne crois point du tout mais du tout à ceux qui prétendent s'être toujours trouvés d'accord avec le moi de la veille.

      Mon ouvrage se ressentira donc par la forme de ce laisser-aller de mon esprit, et pour commencer, je laisserai là l'exposé de ma conviction sur l'utilité de ces Mémoires, et je le compléterai par l'exemple du fait, au fur et à mesure du récit que je vais commencer.

      Qu'aucun de ceux qui m'ont fait du mal ne s'effraie, je ne me souviens pas d'eux; qu'aucun amateur de scandale ne se réjouisse, je n'écris pas pour lui.

      Je suis née l'année du couronnement de Napoléon, l'an XII de la République française (1804). Mon nom n'est pas Marie-Aurore de Saxe, marquise de Dudevant, comme plusieurs de mes biographes l'ont découvert, mais Amantine-Lucile-Aurore Dupin, et mon mari, M. François Dudevant, ne s'attribue aucun titre. Il n'a jamais été que sous-lieutenant d'infanterie, et il n'avait que vingt-sept ans quand je l'ai épousé. En faisant de lui un vieux colonel de l'empire, on l'a confondu avec M. Delmare, personnage d'un de mes romans. Il est vraiment trop facile de faire la biographie d'un romancier en transportant les fictions de ses contes dans la réalité de son existence. Les frais d'imagination ne sont pas grands.

      On nous a peut-être confondus aussi, lui et moi, avec nos parens. Marie-Aurore de Saxe était ma grand'mère, le père de mon mari était colonel de cavalerie sous l'empire. Mais il n'était ni rude, ni grognon: c'était le meilleur et le plus doux des hommes.

      A ce propos, et j'en demande bien pardon à mes biographes; mais, au risque de me brouiller avec eux et de payer leur bienveillance d'ingratitude, je le ferai! je ne trouve ni délicat, ni convenable, ni honnête, que pour m'excuser de n'avoir pas persévéré à vivre sous le toit conjugal, et d'avoir plaidé en séparation, on accuse mon mari de torts dont j'ai absolument cessé de me plaindre depuis que j'ai reconquis mon indépendance. Que le public, à ses momens perdus, s'entretienne des souvenirs d'un procès de ce genre, et qu'il en ait gardé une impression plus ou moins favorable à l'un ou à l'autre, cela ne se peut empêcher; et il n'y a pas à s'en soucier de part ni d'autre, quand on a cru devoir affronter et subir la publicité de pareils débats. — Mais les écrivains qui s'attachent à raconter la vie d'un autre écrivain, ceux surtout qui sont prévenus en sa faveur et qui veulent le grandir ou le réhabiliter dans l'opinion publique, ceux-là ne devraient pas agir contre son sentiment et sa pensée, en frappant d'estoc et de taille autour de lui. La tâche d'un écrivain en pareil cas est celle d'un ami, et les amis ne doivent pas manquer aux égards qui sont, après tout, de morale publique. Mon mari est vivant et ne lit ni mes écrits ni ceux qu'on fait sur mon compte. C'est une raison de plus pour moi de désavouer les attaques dont il est l'objet à propos de moi. Je n'ai pu vivre avec lui, nos caractères et nos idées différaient essentiellement. Il avait des motifs pour ne point consentir à une séparation légale, dont il éprouvait pourtant le besoin, puisqu'elle existait de fait. De conseils imprudens l'ont engagé à provoquer des débats publics qui nous ont contraints à nous accuser l'un l'autre. Triste résultat d'une législation imparfaite et que l'avenir amendera. Depuis que la séparation a été prononcée et maintenue, je me suis hâtée d'oublier mes griefs, en ce sens que toute récrimination publique contre lui me semble de mauvais goût, et ferait croire à une persistance de ressentimens dont je ne suis pas complice.

      Ceci posé, on devine que je ne transcrirai pas dans mes mémoires les pièces de mon procès. Ce serait me faire ma tâche trop penible que d'y donner place aux rancunes puériles et aux souvenirs amers. J'ai beaucoup souffert de tout cela; mais je n'écris pas pour me plaindre et pour me faire consoler. Les douleurs que j'aurais à raconter à propos d'un fait purement personnel n'auraient aucune utilité générale. Je ne raconterai que celles qui peuvent atteindre tous les hommes. Encore une fois donc, amateurs de scandale, fermez mon livre dès la première page, il n'est pas fait pour vous.

      Ceci est probablement tout ce que j'aurai à conclure de mon mariage, et je l'ai dit tout de suite pour obéir à un arrêt de ma conscience. Il n'est pas prudent, je le sais, de désavouer des biographes bien disposés en votre faveur, et qui peuvent vous menacer d'une édition revue et corrigée; mais je n'ai jamais été prudente en quoi que ce soit, et je n'ai point vu que ceux qui se donnaient la peine de l'être fussent plus épargnés que moi. A chances égales, il faut agir selon l'impulsion de son vrai caractère.

      Je laisse là le chapitre du mariage jusqu'à nouvel ordre, et je reviens à celui de ma naissance.

      Cette naissance, qui m'a été reprochée si souvent et si singulièrement des deux côtés de ma famille, est un fait assez curieux, en effet, et qui m'a parfois donné à réfléchir sur la question des races.

      Je soupçonne mes biographes étrangers particulièrement d'être fort aristocrates, car ils m'ont tous gratifiée d'une illustre origine, sans vouloir tenir compte, eux qui devaient être si bien informés, d'une tache assez visible dans mon blason.

      On n'est pas seulement l'enfant de son père, on est aussi un peu, je crois, celui de sa mère. Il me semble même qu'on l'est davantage, et que nous tenons aux entrailles qui nous ont portés de la façon la plus immédiate, la plus puissante, la plus sacrée. Or, si mon père était l'arrière-petit-fils d'Auguste II, roi de Pologne et si, de ce côté, je me trouve d'une manière illégitime, mais fort réelle, proche parente de Charles X et de Louis XVIII, il n'en est pas moins vrai que je tiens au peuple par le sang, d'une manière tout aussi intime et directe; de plus, il n'y a point de bâtardise de ce côté-là.

      Ma mère était une pauvre enfant du vieux pavé de Paris; son père, Antoine Delaborde, était maître paulmier et maître oiselier, c'est à dire qu'il vendit des serins et des chardonnerets sur le quai aux Oiseaux, après avoir tenu un petit estaminet avec billard, dans je ne sais quel coin de Paris, où, du reste, il ne fit point ses affaires. Le parrain de ma mère avait, il est vrai, un nom illustre dans la partie des oiseaux: il s'appelait Barra; et ce nom se lit encore au boulevard du Temple, au-dessus d'un édifice de cages de toutes dimensions, où sifflent toujours joyeusement une foule de volatiles que je regarde comme autant de parrains et de marraines, mystérieux patrons avec lesquels j'ai toujours eu des affinités particulières.

      Expliquera qui voudra ces affinités entre l'homme et certains êtres secondaires dans la création. Elles sont tout aussi réelles que les antipathies et les terreurs insurmontables que nous inspirent certains animaux inoffensifs. Quant à moi, la sympathie des animaux m'est si bien acquise, que mes amis en ont été souvent frappés comme d'un fait prodigieux. J'ai fait à cet égard des éducations merveilleuses; mais les oiseaux sont les seuls êtres de la création sur lesquels j'aie jamais exercé une puissance fascinatrice, et s'il y a de la fatuité à s'en vanter, c'est à eux que j'en demande pardon.

      Je tiens ce don de ma mère, qui l'avait encore plus que moi, et qui marchait toujours dans notre jardin accompagnée de pierrots effrontés, de fauvettes agiles et de pinsons babillards, vivant sur les arbres en pleine liberté, mais venant becqueter avec confiance les mains qui les avaient nourris. Je gagerais bien qu'elle tenait cette influence de son père, et que celui-ci ne s'était point fait oiselier par un simple hasard de situation, mais par une tendance naturelle à se rapprocher des êtres avec lesquels l'instinct l'avait mis en relation. Personne n'a refusé à Martin, à Carter et à Van Amburgh une puissance particulière sur l'instinct des animaux féroces. J'espère qu'on ne me contestera pas trop mon savoir-faire et mon savoir-vivre avec les bipèdes emplumés qui jouaient peut-être un rôle fatal dans mes existences antérieures.

      Plaisanterie


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