Эротические рассказы

Une page d'amour. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

Une page d'amour - Emile Zola


Скачать книгу
était un cadeau de l'abbé Jouve. Il l'avait prise à la gare d'Orléans, le jour où elle débarquait, de façon qu'elle ne connaissait pas un pavé de Paris. C'était un ancien condisciple de séminaire, le curé d'un village beauceron, qui la lui avait envoyée. Elle était courte, grasse, la figure ronde sous son étroit bonnet, les cheveux noirs et durs, avec un nez écrasé et une bouche rouge. Et elle triomphait dans les petits plats, car elle avait grandi au presbytère, avec sa marraine, la servante du curé.

      – Ah! voilà monsieur Rambaud! dit-elle en allant ouvrir, avant qu'on eût sonné.

      M. Rambaud, grand, carré, montra sa large figure de notaire de province. Ses quarante-cinq ans étaient déjà tout gris. Mais ses gros yeux bleus gardaient l'air étonné, naïf et doux d'un enfant.

      – Et voilà monsieur l'abbé, tout notre monde y est! reprit Rosalie, en ouvrant de nouveau la porte.

      Pendant que M. Rambaud, après avoir serré la main d'Hélène, s'asseyait sans parler, souriant en homme qui est chez lui, Jeanne s'était jetée au cou de l'abbé.

      – Bonjour, bon ami! dit-elle. J'ai été bien malade.

      – Bien malade, ma chérie!

      Les deux hommes s'inquiétèrent, l'abbé surtout, un petit homme sec, avec une grosse tête, sans grâce, habillé à la diable, et dont les yeux à demi fermés s'agrandirent et s'emplirent d'une belle lumière de tendresse. Jeanne, lui laissant une de ses mains, avait donné l'autre à M. Rambaud. Tous deux la tenaient et la couvaient de leurs regards anxieux. Il fallut qu'Hélène racontât la crise. L'abbé faillit se fâcher, parce qu'elle ne l'avait pas prévenu. Et ils là questionnaient: au moins c'était bien fini, l'enfant n'avait plus rien eu? La mère souriait.

      – Vous l'aimez plus que moi, vous finiriez par m'effrayer, dit-elle. Non, elle n'a plus rien ressenti, quelques douleurs dans les membres seulement, avec des pesanteurs de tête… Mais nous allons combattre tout ça énergiquement.

      – Madame est servie, vint annoncer la bonne.

      La salle à manger était meublée en acajou, une table, un buffet et huit chaises. Rosalie alla tirer les rideaux de reps rouge. Une suspension très simple, une lampe de porcelaine blanche dans un cercle de cuivre, éclairait le couvert, les assiettes symétriques et le potage qui fumait. Chaque mardi, le dîner ramenait les mêmes conversations. Mais, ce jour-là, on causa naturellement du docteur Deberle. L'abbé Jouve en fit un grand éloge, bien que le docteur ne fût guère dévot. Il le citait comme un homme d'un caractère droit, d'un coeur charitable, très-bon père et très-bon mari, donnant enfin les meilleurs exemples. Quant à madame Deberle, elle était excellente, malgré les allures un peu vives, qu'elle devait à sa singulière éducation parisienne. En un mot, un ménage charmant. Hélène parut heureuse; elle avait jugé le ménage ainsi, et ce que lui disait l'abbé l'engageait à continuer des relations, qui l'effrayaient un peu d'abord.

      – Vous vous enfermez trop, déclara le prêtre.

      – Sans doute, appuya M. Rambaud.

      Hélène les regardait avec son calme sourire, comme pour leur dire qu'ils lui suffisaient et qu'elle redoutait toute amitié nouvelle. Mais dix heures sonnèrent, l'abbé et son frère prirent leurs chapeaux. Jeanne venait de s'endormir sur un fauteuil, dans la chambre. Ils se penchèrent un instant, hochèrent la tête d'un air satisfait en voyant la paix de son sommeil. Puis, ils partirent sur la pointe des pieds; et, dans l'antichambre, baissant la voix:

      – A mardi.

      – J'oubliais, murmura l'abbé qui remonta deux marches. La mère Fétu est malade. Vous devriez aller la voir.

      – J'irai demain, répondit Hélène.

      L'abbé l'envoyait volontiers chez ses pauvres. Ils avaient ensemble toutes sortes de conversations à voix basse, des affaires à eux, sur lesquelles ils s'entendaient à demi-mot, et dont ils ne parlaient jamais devant le monde. Le lendemain, Hélène sortit seule; elle évitait d'emmener Jeanne, depuis que l'enfant était restée deux jours frissonnante, au retour d'une visite de charité chez un vieillard paralytique. Dehors, elle suivit la rue Vineuse, prit la rue Raynouard et s'engagea dans le passage des Eaux, un étrange escalier étranglé entre les murs des jardins voisins, une ruelle escarpée qui descend sur le quai, des hauteurs de Passy. Au bas de cette pente, dans une maison délabrée, la mère Fétu habitait une mansarde, éclairée par une lucarne ronde, et qu'un misérable lit, une table boiteuse et une chaise dépaillée emplissaient.

      – Ah! ma bonne dame, ma bonne dame… se mit-elle à geindre, lorsqu'elle vit entrer Hélène.

      La mère Fétu était couchée. Toute ronde malgré sa misère, comme enflée et la face bouffie, elle ramenait de ses mains gourdes le lambeau de drap qui la couvrait. Elle avait de petits yeux fins, une voix pleurarde, une humilité bruyante qu'elle traduisait par un flot de paroles.

      – Ah! ma bonne dame, je vous remercie!.. Oh! la, la, que je souffre! C'est comme si des chiens me mangeaient le côté… Oh! bien sûr, j'ai une bête dans le ventre. Tenez, c'est là, vous voyez. La peau n'est pas entamée, le mal est dedans… Oh! la, la, ça ne cesse pas depuis deux jours. S'il est possible, bon Dieu! de tant souffrir… Ah! ma bonne dame, merci! Vous n'oubliez pas le pauvre monde. Ça vous sera compté, oui, ça vous sera compté…

      Hélène s'était assise. Puis, apercevant un pot de tisane fumant sur la table, elle emplit une tasse qui était à côté, et la tendit à la malade. Près du pot, il y avait un paquet de sucre, deux oranges, d'autres douceurs.

      – On est venu vous voir? demanda-t-elle.

      – Oui, oui, une petite dame. Mais ça ne sait pas… Ce n'est pas de tout ça qu'il me faudrait. Ah! si j'avais un peu de viande! La voisine mettrait le pot au feu… La, la, ça me pince plus fort. Vrai, on dirait un chien… Ah! si j'avais un peu de bouillon…

      Et, malgré les souffrances qui la tordaient, elle suivait de ses yeux fins Hélène, occupée à fouiller dans sa poche. Quand elle lui vit poser sur la table une pièce de dix francs, elle se lamenta davantage, avec des efforts pour s'asseoir. Tout en se débattant, elle allongea le bras, la pièce disparut, pendant qu'elle répétait:

      – Mon Dieu! c'est encore une crise. Non, je ne puis plus durer comme ça… Dieu vous le rendra, ma bonne dame. Je lui dirai qu'il vous le rende… Tenez, ce sont des élancements qui me traversent tout le corps… Monsieur l'abbé m'avait bien promis que vous viendriez. Il n'y a que vous pour savoir faire. Je vais acheter un peu de viande… Voilà que ça me descend dans les cuisses. Aidez-moi, je ne peux plus, je ne peux plus…

      Elle voulait se retourner. Hélène retira ses gants, la saisit le plus doucement possible et la recoucha. Comme elle était encore penchée, la porte s'ouvrit, et elle fut si surprise de voir entrer la docteur Deberle, qu'une rougeur monta à ses joues. Lui aussi avait donc des visites dont il ne parlait pas?

      – C'est monsieur le médecin, bégayait la vieille. Vous êtes tous bien bons, que le ciel vous bénisse tous!

      Le docteur avait salué discrètement Hélène. La mère Fétu, depuis qu'il était entré, ne geignait plus si fort. Elle gardait seulement une petite plainte sifflante et continue d'enfant qui souffre. Elle avait bien vu que la bonne dame et le docteur se connaissaient, et elle ne les quittait plus du regard, allant de l'un à l'autre, avec un sourd travail dans les mille rides de son visage. Le docteur lui posa quelques questions, percuta le côté droit. Puis, se tournant vers Hélène qui venait de se rasseoir, il murmura:

      – Ce sont des coliques hépatiques. Elle sera sur pied dans quelques jours.

      Et, déchirant une page de son carnet sur laquelle il avait écrit quelques lignes, il dit à la mère Fétu:

      – Tenez, vous ferez porter cela chez le pharmacien de la rue de Passy, et vous prendrez toutes les deux heures une cuillerée de la potion qu'on vous donnera.

      Alors, de nouveau, elle éclata en bénédictions. Hélène restait assise. Le docteur parut s'attarder, la regardant, lorsque leurs yeux se rencontraient. Puis, il salua et se retira


Скачать книгу
Яндекс.Метрика