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Le crime de Lord Arthur Savile. Wilde OscarЧитать онлайн книгу.

Le crime de Lord Arthur Savile - Wilde Oscar


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des hommes et bien des femmes sont contraints de jouer des rôles auxquels rien ne les destinait. Nos Guildensterns nous jouent Hamlet et notre Hamlet doit plaisanter comme un Prince Hal.

      Le monde est un théâtre, mais la pièce est déplorablement distribuée.

      Soudain M. Podgers entra dans le salon.

      A la vue de lord Arthur, il s'arrêta et sa grasse figure sans distinction devint d'une couleur jaune verdâtre. Les yeux des deux hommes se rencontrèrent et il y eut un moment de silence.

      – La duchesse a laissé ici un de ses gants, lord Arthur, et elle m'a demandé de le lui rapporter, dit enfin M. Podgers. Ah! je le vois sur le canapé!.. Bonsoir!

      – Monsieur Podgers, il faut que j'insiste pour que vous me donniez une réponse immédiate à une question que je vais vous poser.

      – A un autre moment, lord Arthur. La duchesse m'attend. Il faut que je la rejoigne.

      – Vous n'irez pas. La duchesse n'est pas si pressée.

      – Les dames n'ont pas l'habitude d'attendre, dit M. Podgers avec un sourire maladif. Le beau sexe est toujours impatient.

      Les lèvres fines, et comme ciselées de lord Arthur se plissèrent d'un dédain hautain.

      La pauvre duchesse lui semblait de si maigre importance en ce moment.

      Il traversa le salon et vint à l'endroit où M. Podgers était arrêté.

      Il lui tendit sa main.

      – Dites-moi ce que vous voyez là. Dites-moi la vérité. Je veux la connaître. Je ne suis pas un enfant.

      Les yeux de M. Podgers clignotèrent sous ses lunettes d'or. Il se porta d'un air gêné d'un pied sur l'autre, tandis que ses doigts jouaient nerveusement avec une chaîne de montre étincelante.

      – Qu'est-ce qui vous fait penser que j'ai vu dans votre main, lord Arthur, quelque chose de plus que ce que je vous ai dit?

      – Je sais que vous avez vu quelque chose de plus et j'insiste pour que vous me disiez ce que c'est. Je vous donnerai un chèque de cent livres.

      Les yeux verts étincelèrent une minute, puis redevinrent sombres.

      – Cent guinées! fit enfin M. Podgers à voix basse.

      – Oui, cent guinées. Je vous enverrai un chèque demain. Quel est votre club?

      – Je n'ai pas de club. C'est-à-dire je n'en ai pas en ce moment, mais mon adresse est… Permettez-moi de vous donner ma carte.

      Et tirant de la poche de son veston un morceau de carton doré sur tranche, M. Podgers le tendit avec un salut profond à lord Arthur qui lut:

      MR SEPTIMUS R PODGERS.

      CHIROMANCIEN

      103a West Moon street

      – Je reçois de 10 à 4, murmura M. Podgers d'un ton mécanique, et je fais une réduction pour les familles.

      – Dépêchez-vous! cria lord Arthur devenant très pâle et lui tendant la main.

      M. Podgers regarda autour de lui d'un coup d'oeil nerveux et fit retomber la lourde portière9 sur la porte.

      – Ceci prendra un peu de temps, lord Arthur. Vous feriez mieux de vous asseoir.

      – Dépêchez, monsieur, cria de nouveau lord Arthur frappant du pied avec colère sur le parquet ciré.

      M. Podgers sourit, sortit de sa poche une petite loupe à verre grossissant et l'essuya soigneusement avec son mouchoir.

      – Je suis tout à fait prêt, dit-il.

II

      Dix minutes plus tard, le visage blanc de terreur, les yeux affolés de chagrin, lord Arthur Savile se précipitait hors de Bentinck House.

      Il se fit un chemin à travers la cohue des valets de pied, couverts de fourrures, qui stationnaient autour du grand pavillon à colonnades.

      Il semblait ne voir ni n'entendre quoi que ce fût.

      La nuit était très froide et les becs de gaz, autour du square, scintillaient et vacillaient sous les coups de fouet du vent, mais ses mains avaient une chaleur de fièvre et ses tempes brûlaient comme du feu.

      Il allait et venait, presque avec la démarche d'un homme ivre.

      Un agent de police le regarda avec curiosité, comme il passait, et un mendiant, qui se détacha d'un pas de porte pour lui demander l'aumône, recula d'effroi en voyant un malheur plus grand que le sien.

      Une fois, lord Arthur Savile s'arrêta sous un réverbère et regarda ses mains. Il crut voir la tache de sang qui les souillait et un faible cri jaillit de ses lèvres tremblantes.

      Assassin! voilà ce que le chiromancien y avait vu. Assassin! La nuit même semblait le savoir et le vent désolé le cornait à ses oreilles. Les coins sombres des rues étaient pleins de cette accusation. Elle grimaçait à ses yeux aux toits des maisons.

      Tout d'abord, il alla au Park, dont le bois sombre semblait le fasciner. Il s'appuya aux grilles d'un air las, refroidissant ses tempes à l'humidité du fer et écoutant le silence chuchoteur des arbres.

      – Assassin! Assassin! répéta-t-il comme si la réitération de l'accusation pouvait obscurcir le sens du mot.

      Le son de sa propre voix le fit frissonner et, pourtant, il souhaitait presque que l'écho l'entendit et réveillât de ses rêves la cité endormie. Il sentait un désir d'arrêter le passant de hasard et de tout lui dire.

      Puis, il erra autour d'Oxford-street dans des ruelles étroites et honteuses.

      Deux femmes aux faces peintes le raillèrent, comme il passait.

      D'une cour sombre arriva à lui un bruit de jurons et de gifles, suivi de cris perçants et, pressés pêle-mêle sous une porte humide et glaciale, il vit les dos voûtés et les corps usés de la pauvreté et de la vieillesse.

      Une étrange pitié s'empara de lui.

      Ces enfants du péché et de la misère étaient-ils prédestinés à leur sort, comme lui au sien? N'étaient-ils comme lui que les marionnettes d'un guignol monstrueux?

      Et, pourtant, ce ne fut pas le mystère, mais la comédie de la souffrance qui le frappa, son inutilité absolue, son grotesque manque de sens. Que tout lui parut incohérent, dépourvu d'harmonie! Il était stupéfait de la discordance qu'il y avait entre l'optimisme superficiel de notre temps et les faits réels de l'existence.

      Il était encore très jeune.

      Quelque temps après, il se trouva en face de Marylebone Church.

      La chaussée silencieuse semblait un long ruban d'argent pâli, moucheté ici et là par les arabesques sombres d'ombres mouvantes.

      Tout là-bas s'arrondissait en cercle la ligne des becs de gaz vacillants et devant une petite maison entourée de murs stationnait un fiacre solitaire dont le cocher dormait sur le siège.

      Lord Arthur marcha à pas rapide dans la direction de Portland Place, regardant à chaque instant autour de lui comme s'il craignait d'être suivi.

      Au coin de Rich-Street, deux hommes étaient arrêtés et lisaient une petite affiche sur une palissade.

      Un étrange sentiment de curiosité agit sur lui et il traversa la rue dans cette direction.

      Comme il approchait, le mot assassin en lettres noires lui heurta l'oeil.

      Il s'arrêta et un flux de rougeur lui monta aux joues.

      C'était un avis officiel offrant une récompense à qui fournirait des renseignements propres à faciliter l'arrestation d'un homme, de taille moyenne, entre trente et quarante ans, portant un chapeau mou à rebords relevés, une veste noire et des pantalons de toile de coton rayée. Cet homme avait une cicatrice sur la joue droite.

      Lord Arthur lut l'affiche, puis il la relut encore.

      Il


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En français dans le texte.

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