Les mystères du peuple, Tome V. Эжен СюЧитать онлайн книгу.
RONAN LE VAGRE ET KARADEUK LE BAGAUDE
LA CROSSE ABBATIALE
OU
BONAIK L'ORFÉVRE ET SEPTIMINE LA COLIBERTE
CHAPITRE PREMIER
Les Arabes en Gaule. – Ils ravagent la Bourgogne, le Limousin; prennent Bordeaux et s'avancent jusqu'à Blois, Tours et Poitiers. —Abd-el-Melek. —Abd-el-Kader et ses cinq fils à Narbonne. —Rosen-aër. – Arrivée de Karl-Martel (ou Marteau). – Le monastère de Saint-Saturnin. —Septimine la Coliberte. – Le dernier rejeton de Clovis. – Comment Amael avait changé son nom pour celui de Berthoald, capitaine aventurier. – Karl-Martel.
Moi, Amael, pour accomplir le vœu de notre ancêtre Joël, le brenn de la tribu de Karnak, j'ai écrit les récits suivants: Né en l'année 712, j'avais pour père Guen-aël, pour grand-père Wanoch, pour bisaïeul Alan, fils de Grégor, petit-fils de Ronan le Vagre, mort en 616, dans la vallée de Charolles, paisible colonie où, à l'abri des guerres civiles qui désolaient la Gaule, la descendance de Ronan vécut libre et heureuse jusqu'en 732. À cette époque, les Arabes, depuis longtemps établis dans le midi de la Gaule, envahirent la Bourgogne, pillèrent et incendièrent Châlons-sur-Saône, ravagèrent la vallée de Charolles, et emmenèrent esclaves le peu d'habitants qui avaient survécu à une défense désespérée. Pendant les cent vingt ans qui s'écoulèrent entre la mort de Ronan et l'année 737, où commence ce récit, dix rois de la race de Clovis régnèrent sur la Gaule: Clotaire II, justicier de Brunehaut, mourut en 628; Dagobert en 638, Clovis II en 660, Childérik II en 673, Thierry III en 690, Clovis III en 695, Childebert III en 711, Dagobert II en 715, Chilpérik II en 720, Thierry IV en 736.
Après la mort de Dagobert Ier, commença le véritable règne des maires du palais, fonctions devenues presque toujours héréditaires, entre autres dans la famille de Pépin d'Héristal, famille de race franke, issue de l'évêque Arnulf, dont les immenses domaines, dus à la sanglante iniquité de la conquête, embrassaient une grande partie de l'est de la Gaule. La plupart des rois descendant de Clovis, dépossédés de l'exercice de la royauté par l'ambition toujours croissante des maires du palais, se montrèrent dignes de leur royale lignée par leurs vices, leurs crimes, leurs précoces et honteuses débauches. N'ayant de rois que le nom, ils furent appelés rois fainéants. Sauf la Bretagne, toujours rebelle au joug des Franks, et la Bourgogne, qui trouvait sa sécurité dans son éloignement des contrées que les Franks d'Ostrasie et les Franks de Neustrie se disputaient dans de sanglantes batailles, la Gaule continua d'être livrée à toutes les misères de l'esclavage, à tous les désastres des guerres civiles, désastres portés à leur comble en 719 par la première invasion des Arabes venus d'Afrique à travers l'Espagne, leur première conquête. Ces fils de Mahomet, après s'être établis en Languedoc, en Provence et en Roussillon, ravagèrent la Bourgogne, s'avancèrent jusqu'à la Loire, prirent la cité de Bordeaux, pillèrent Tours, Blois, Poitiers, ville près de laquelle ils furent battus, en 732, par Karl-Martel, maire du palais de Thierry IV et bâtard de Pépin d'Héristal. Malgré cette défaite, les Arabes conservèrent le Languedoc, où ils vivaient en maîtres depuis plus de vingt ans.
Les premiers événements de cette nouvelle légende de notre famille se passent en Languedoc, pays cher à nos souvenirs; l'époux de Siomara, cette vaillante Gauloise, aïeule de Margarid, femme de Joël, n'était-il pas chef d'une des tribus originaires de cette contrée, qui allèrent en Asie fonder l'empire oriental des Gaules? Plus tard, grand nombre des mêmes peuplades accompagnèrent Brennus lors de cette campagne d'Italie, où il fit payer rançon à Rome, rançon que la Rome des empereurs et que la Rome des papes n'a fait que trop chèrement payer à la Gaule, conquise à son tour! Les funestes divisions suscitées par les descendants des rois détrônés et rasés par Ritta-Gaür vinrent ensuite ébranler et désunir la glorieuse république des Gaules, à qui le pays, sous la sage et patriotique inspiration des druides, avait dû tant de siècles de grandeur et de prospérité; alors le Languedoc, presque livré à ses propres forces pour résister à l'invasion romaine, combattit intrépidement, ayant à sa tête Budok, ce guerrier géant, qui, dédaigneux de la mort, allait demi-nu, à la bataille, armé d'une massue de fer; Bituit, un des plus vaillants hommes de l'Auvergne, ce chef qui donnait pour repas à sa meute de guerre une légion romaine, se joignit à Budok; mais, malgré leur résistance héroïque, ils furent écrasés par les forces supérieures des Romains, et ceux-ci établirent en Gaule leur première colonie, dont Narbonne fut la capitale. Triste souvenir!.. ce fut non loin de Narbonne que notre aïeul Sylvest, livré aux animaux féroces dans le cirque d'Orange, échappa à une mort presque certaine, pour entendre les cris déchirants de sa sœur Siomara, la courtisane, expirant dans les tortures sous les yeux de Faustine, la patricienne. Lors de la grande insurrection nationale de Vindex, le Languedoc, à la voix de ses druides, se souleva de nouveau. À cette formidable insurrection, ce pays gagna d'être régi par ses propres lois, d'élire ses chefs, et de faire respecter le culte druidique, dont les innombrables monuments sont encore debout, à cette heure… pierres sacrées qui défieront les âges! Cette fertile province, sous le nom de Gaule narbonnaise, grandit de nouveau en prospérité, en richesse; et au temps où vivait Victoria la Grande, nulle contrée ne fut plus opulente, plus civilisée; partout les arts, les lettres florissaient; partout s'élevaient des écoles dont le renom s'étendait jusqu'aux confins du monde connu; les vaisseaux de commerce sillonnaient la Méditerranée ou naviguaient sur la Garonne et sur le Rhône; mais bientôt les prêtres catholique envahirent ces provinces, prêchant d'abord, ainsi qu'ils le firent partout ailleurs, la divine parole de Jésus; puis, lui substituant peu à peu, en abusant de la confiante crédulité populaire, la religion des papes de Rome, ils commencèrent, là comme ailleurs, à dégrader, à hébéter les peuples.
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