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La Conquête de Plassans. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Conquête de Plassans - Emile Zola


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n'a qu'un chagrin, son fils Guillaume… Maintenant, vous voyez les deux personnes qui sont assises sur le banc, et qui nous tournent le dos. C'est monsieur Paloque, le juge, et sa femme. Le ménage le plus laid du pays. On ne sait lequel est le plus abominable de la femme ou du mari. Heureusement qu'ils n'ont pas d'enfants.

      Et Mouret se mit à rire plus haut. Il s'échauffait, se démenait, frappant de la main la barre d'appui.

      – Non, reprit-il, montrant d'un double mouvement de tête le jardin des Rastoil et le jardin de la sous-préfecture, je ne puis regarder ces deux sociétés, sans que cela me fasse faire du bon sang… Vous ne vous occupez pas de politique, monsieur l'abbé, autrement je vous ferais bien rire… Imaginez-vous qu'à tort ou à raison je passe pour un républicain. Je cours beaucoup les campagnes, à cause de mes affaires; je suis l'ami des paysans; on a même parlé de moi pour le conseil général; enfin, mon nom est connu… Eh bien! j'ai là, à droite, chez les Rastoil, la fine fleur de la légitimité, et là, à gauche, chez le sous-préfet, les gros bonnets de l'empire. Hein! est-ce assez drôle? mon pauvre vieux jardin si tranquille, mon petit coin de bonheur, entre ces deux camps ennemis. J'ai toujours peur qu'ils ne se jettent des pierres par-dessus mes murs… Vous comprenez, leurs pierres pourraient tomber dans mon jardin. Cette plaisanterie acheva d'enchanter Mouret. Il se rapprocha de l'abbé, de l'air d'une commère qui va en dire long.

      – Plassans est fort curieux, au point de vue politique. Le coup d'État a réussi ici, parce que la ville est conservatrice. Mais, avant tout, elle est légitimiste et orléaniste, si bien que, dès le lendemain de l'empire, elle a voulu dicter ses conditions. Comme on ne l'a pas écoutée, elle s'est fâchée, elle est passée à l'opposition. Oui, monsieur l'abbé, à l'opposition. L'année dernière, nous avons nommé député le marquis de Lagrifoul, un vieux gentilhomme d'une intelligence médiocre, mais dont l'élection a joliment embêté la sous-préfecture… Et regardez, le voilà, monsieur Péqueur des Saulaies; il est avec le maire, monsieur Delangre.

      L'abbé regarda vivement. Le sous-préfet, très-brun, souriait, sous ses moustaches cirées; il était d'une correction irréprochable; son allure tenait du bel officier et du diplomate aimable. A côté de lui, le maire s'expliquait, avec toute une fièvre de gestes et de paroles. Il paraissait petit, les épaules carrées, le masque fouillé, tournant au polichinelle. Il devait parler trop.

      – Monsieur Péqueur des Saulaies, continua Mouret, a failli en tomber malade. Il croyait l'élection du candidat officiel assurée… Je me suis bien amusé. Le soir de l'élection, le jardin de la sous-préfecture est resté noir et sinistre comme un cimetière; tandis que chez les Rastoil, il y avait des bougies sous les arbres, et des rires, et tout un vacarme de triomphe. Sur la rue, on ne laisse rien voir; dans les jardins, au contraire, on ne se gêne pas, on se déboutonne… Allez, j'assiste à de singulières choses, sans rien dire.

      Il se tint un instant, comme ne voulant pas en conter davantage; mais la démangeaison de parler fut trop forte.

      – Maintenant, reprit-il, je me demande ce qu'ils vont faire, à la sous-préfecture. Jamais plus leur candidat ne passera. Ils ne connaissent pas le pays, ils ne sont pas de force. On m'a assuré que monsieur Péqueur des Saulaies devait avoir une préfecture, si l'élection avait bien marché. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean! Le voilà sous-préfet pour Longtemps… Hein! que vont-ils inventer pour jeter par terre le marquis? car ils inventeront quelque chose, ils tâcheront, d'une façon ou d'une autre, de faire la conquête de Plassans.

      Il avait levé les yeux sur l'abbé, qu'il ne regardait plus depuis un instant. La vue du visage du prêtre, attentif, les yeux luisants, les oreilles comme élargies, l'arrêta net. Toute sa prudence de bourgeois paisible se réveilla; il sentit qu'il venait d'en dire beaucoup trop. Aussi murmura-t-il d'une voix fâchée:

      – Après tout, je ne sais rien. On répète tant de choses ridicules…

      Je demande seulement qu'on me laisse vivre tranquille chez moi.

      Il aurait bien voulu quitter la fenêtre, mais il n'osait pas s'en aller brusquement, après avoir bavardé d'une façon si intime. Il commençait à soupçonner que, si l'un des deux s'était moqué de l'autre, il n'avait certainement pas joué le beau rôle. L'abbé, avec son grand calme, continuait à jeter des regards à droite et à gauche, dans les deux jardins. Il ne fit pas la moindre tentative pour encourager Mouret à continuer. Celui-ci, qui souhaitait avec impatience que sa femme ou un de ses enfants eût la bonne idée de l'appeler, fut soulagé, lorsqu'il vit Rose paraître sur le perron. Elle leva la tête.

      – Eh bien! monsieur, cria-t-elle, ce n'est donc pas pour aujourd'hui?.. Il y a un quart d'heure que la soupe est sur la table.

      – Bien! Rose, je descends, répondit-il.

      Il quitta la fenêtre, s'excusant. La froideur de la chambre, qu'il avait oubliée derrière son dos, acheva de le troubler. Elle lui parut être un grand confessionnal, avec son terrible christ noir, qui devait avoir tout entendu. Comme l'abbé Faujas prenait congé de lui, en lui faisant un court salut silencieux, il ne put supporter cette chute brusque de la conversation, il revint, levant les yeux vers le plafond.

      – Alors, dit-il, c'est bien dans cette encoignure-là?

      – Quoi donc? demanda l'abbé très-surpris.

      – La tache dont vous m'avez parlé.

      Le prêtre ne put cacher un sourire. De nouveau, il s'efforça de faire voir la tache à Mouret.

      – Oh! je l'aperçois très-bien, maintenant, dit celui-ci. C'est convenu; dès demain, je ferai venir les ouvriers.

      Il sortit enfin. Il était encore sur le palier, que la porte s'était refermée derrière lui, sans bruit. Le silence de l'escalier l'irrita profondément. Il descendit en murmurant:

      – Ce diable d'homme! il ne demande rien et on lui dit tout!

      V

      Le lendemain, la vieille madame Rougon, la mère de Marthe, vint rendre visite aux Mouret. C'était là tout un gros événement, car il y ait un peu de brouille entre le gendre et les parents de sa femme, surtout depuis l'élection du marquis de Lagrifoul, que ceux-ci l'accusaient d'avoir fait réussir par son influence dans les campagnes. Marthe allait seule chez ses parents. Sa mère, «cette noiraude de Félicité», comme on la nommait, était restée, à soixante-six ans, d'une maigreur et d'une vivacité de jeune fille. Elle ne portait plus que des robes de soie, très-chargées de volants, et affectionnait particulièrement le jaune et le marron.

      Ce jour-là, quand elle se présenta, il n'y avait que Marthe et Mouret dans la salle à manger.

      – Tiens! dit ce dernier très-surpris, c'est ta mère … Qu'est-ce qu'elle nous veut donc? Il n'y a pas un mois qu'elle est venue… Encore quelque manigance, c'est sûr.

      Les Rougon, dont il avait été le commis, avant son mariage, lorsque leur étroite boutique du vieux quartier sentait la faillite, étaient le sujet de ses éternelles défiances. Ils lui rendaient d'ailleurs une solide et profonde rancune, détestant surtout en lui le commerçant qui avait fait promptement de bonnes affaires. Quand leur gendre disait: «Moi, je ne dois ma fortune qu'à mon travail», ils pinçaient les lèvres, ils comprenaient parfaitement qu'il les accusait d'avoir gagné la leur dans des trafics inavouables. Félicité, malgré sa belle maison de la place de la Sous-Préfecture, enviait sourdement le petit logis tranquille des Mouret, avec la jalousie féroce d'une ancienne marchande qui ne doit pas son aisance à ses économies de comptoir.

      Félicité baisa Marthe au front, comme si celle-ci avait toujours eu seize ans. Elle tendit ensuite la main à Mouret. Tous deux causaient d'ordinaire sur un ton aigre-doux de moquerie.

      – Eh bien! lui demanda-t-elle en souriant, les gendarmes ne sont donc pas encore venus vous chercher, révolutionnaire?

      – Mais non, pas encore, répondit-il en riant également. Ils attendent pour ça que votre mari leur donne des ordres.

      – Ah! c'est très-joli, ce que vous dites là, répliqua Félicité, dont les yeux flambèrent.

      Marthe adressa un regard suppliant


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