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La Bête humaine. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Bête humaine - Emile Zola


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n'ayant sans doute plus la réponse préparée d'avance. Il regarda sa femme, hésitant.

      – Oh! non, je ne crois pas… On fermait les portières, on sifflait, nous avons eu bien juste le temps de regagner notre voiture… Et puis, le coupé était réservé, personne ne pouvait monter, il me semble…

      Mais les yeux bleus de sa femme s'élargissaient, devenaient si grands, qu'il s'effraya d'être affirmatif.

      – Après tout, je ne sais pas… Oui, peut-être quelqu'un a pu monter… Il y avait une vraie bousculade…

      Et, à mesure qu'il parlait, sa voix se refaisait nette, toute cette histoire nouvelle naissait, s'affirmait.

      – Vous savez, à cause des fêtes du Havre, la foule était énorme… Nous avons été obligés de défendre notre compartiment contre des voyageurs de deuxième et même de troisième classe… Avec ça, la gare est très mal éclairée, on ne voyait rien, on se poussait, on criait, dans la cohue du départ… Ma foi! oui, il est très possible que, ne sachant comment se caser, ou même profitant de l'encombrement, quelqu'un se soit introduit de force dans le coupé, à la dernière seconde.

      Et, s'interrompant:

      – Hein? ma chère, c'est ce qui a dû arriver.

      Séverine, l'air brisé, son mouchoir sur ses yeux meurtris, répéta:

      – C'est ce qui est arrivé, certainement.

      Dès lors, la piste était donnée; et, sans se prononcer, le commissaire de surveillance et le chef de gare échangèrent un regard, d'un air entendu. Un long mouvement avait agité la foule, qui sentait que l'enquête était finie, et qu'un besoin de commentaires tourmentait: tout de suite des suppositions circulèrent, chacun avait une histoire. Depuis un instant, le service de la gare se trouvait comme suspendu, le personnel entier était là, obsédé par ce drame; et ce fut une surprise que de voir entrer sous la marquise le train de neuf heures trente-huit. On courut, les portières s'ouvrirent, le flot des voyageurs s'écoula. Presque tous les curieux, d'ailleurs, étaient restés autour du commissaire, qui, par un scrupule d'homme méthodique, visitait une dernière fois le coupé ensanglanté.

      Pecqueux, gesticulant entre madame Lebleu et Philomène, aperçut à ce moment son mécanicien, Jacques Lantier, qui venait de descendre du train et qui, immobile, regardait de loin le rassemblement. Il l'appela violemment de la main. Jacques ne bougeait pas. Enfin, il se décida, d'une marche lente.

      – Quoi donc? demanda-t-il à son chauffeur.

      Il savait bien, il n'écouta que d'une oreille distraite la nouvelle de l'assassinat et les suppositions que l'on faisait. Ce qui le surprenait, le remuait étrangement, c'était de tomber au milieu de cette enquête, de retrouver ce coupé, entrevu dans les ténèbres, lancé à toute vitesse. Il allongea le cou, regarda la mare de sang caillé sur le coussin; et il revoyait la scène du meurtre, il revoyait surtout le cadavre, étendu en travers de la voie, là-bas, avec sa gorge ouverte. Puis, comme il détournait les yeux, il remarqua les Roubaud, pendant que Pecqueux continuait à lui raconter l'histoire, de quelle façon ces derniers étaient mêlés à l'affaire, leur départ de Paris dans le même train que la victime, les dernières paroles qu'ils avaient échangées ensemble, à Rouen. L'homme, il le connaissait, pour lui serrer la main, parfois, depuis qu'il faisait le service de l'express; la femme, il l'avait entrevue de loin en loin, il s'était écarté d'elle comme des autres, dans sa peur maladive. Mais, à cette minute, ainsi pleurante et pâle, avec la douceur effarée de ses yeux bleus sous l'écrasement noir de sa chevelure, elle le frappa. Il ne la quittait plus du regard, et il eut une absence, il se demanda, étourdi, pourquoi les Roubaud et lui étaient là, comment les faits avaient pu les réunir devant cette voiture du crime, eux de retour de Paris, la veille, lui revenu de Barentin à l'instant même.

      – Oh! je sais, je sais, dit-il tout haut, interrompant le chauffeur. J'étais justement là-bas, à la sortie du tunnel, cette nuit, et j'ai bien cru voir quelque chose, au moment où le train a passé.

      Ce fut une grosse émotion, tous l'entourèrent. Et lui, le premier, avait frémi, étonné, bouleversé de ce qu'il venait de dire. Pourquoi avait-il parlé, après s'être promis si formellement de se taire? Tant de bonnes raisons lui conseillaient le silence! Et les mots étaient inconsciemment sortis de ses lèvres, tandis qu'il regardait cette femme. Elle avait brusquement écarté son mouchoir, pour fixer sur lui ses yeux en larmes, qui s'agrandissaient encore.

      Mais le commissaire s'était vivement approché.

      – Quoi? qu'avez-vous vu?

      Et Jacques, sous le regard immobile de Séverine, dit ce qu'il avait vu: le coupé éclairé, passant dans la nuit, à toute vapeur, et les profils fuyants des deux hommes, l'un renversé, l'autre le couteau au poing. Près de sa femme, Roubaud écoutait, en fixant sur lui ses gros yeux vifs.

      – Alors, demanda le commissaire, vous reconnaîtriez l'assassin?

      – Oh! ça, non, je ne crois pas.

      – Portait-il un paletot ou une blouse?

      – Je ne pourrais rien affirmer. Songez donc, un train qui devait marcher à une vitesse de quatre-vingts kilomètres!

      Séverine, en dehors de sa volonté, échangea un coup d'oeil avec

      Roubaud, qui eut la force de dire:

      – En effet, il faudrait avoir de bons yeux.

      – N'importe, conclut M. Cauche, voilà une déposition importante. Le juge d'instruction vous aidera à voir clair dans tout ça… monsieur Lantier et monsieur Roubaud, donnez-moi vos noms bien exacts, pour les citations.

      C'était fini, le groupe des curieux se dissipa peu à peu, le service de la gare reprit son activité. Roubaud surtout dut courir s'occuper de l'omnibus de neuf heures cinquante, dans lequel des voyageurs montaient déjà. Il avait donné à Jacques une poignée de main, plus vigoureuse que de coutume; et celui-ci, resté seul avec Séverine, derrière madame Lebleu, Pecqueux et Philomène, qui s'en allaient en chuchotant, s'était cru forcé d'accompagner la jeune femme sous la marquise, jusqu'à l'escalier des employés, ne trouvant rien à lui dire, retenu pourtant près d'elle, comme si un lien venait de se nouer entre eux. Maintenant, la gaieté du jour avait grandi, le soleil clair montait vainqueur des brumes matinales, dans la grande limpidité bleue du ciel; pendant que le vent de mer, prenant de la force avec la marée montante, apportait sa fraîcheur salée. Et, comme il la quittait enfin, il rencontra de nouveau ses larges yeux, dont la douceur terrifiée et suppliante l'avait si profondément remué.

      Mais il y eut un léger coup de sifflet. C'était Roubaud qui donnait le signal du départ. La machine répondit par un sifflement prolongé, et le train de neuf heures cinquante s'ébranla, roula plus vite, disparut au loin, dans la poussière d'or du soleil.

      IV

      Ce jour-là, dans la seconde semaine de mars, M. Denizet, le juge d'instruction, avait mandé de nouveau à son cabinet, au Palais de Justice de Rouen, certains témoins importants de l'affaire Grandmorin.

      Depuis trois semaines, cette affaire faisait un bruit énorme. Elle avait bouleversé Rouen, elle passionnait Paris, et les journaux de l'opposition, dans la violente campagne qu'ils menaient contre l'empire, venaient de la prendre comme machine de guerre. L'approche des élections générales, dont la préoccupation dominait toute la politique, enfiévrait la lutte. Il y avait eu, à la Chambre, des séances très orageuses: celle où l'on avait disputé âprement la validation des pouvoirs de deux députés attachés à la personne de l'empereur; celle encore où l'on s'était acharné contre la gestion financière du préfet de la Seine, en réclamant l'élection d'un conseil municipal. Et l'affaire Grandmorin arrivait à point pour continuer l'agitation, les histoires les plus extraordinaires circulaient, les journaux s'emplissaient chaque matin de nouvelles hypothèses, injurieuses pour le gouvernement. D'une part, on laissait entendre que la victime, un familier des Tuileries, ancien magistrat, commandeur de la Légion d'honneur, riche à millions, était adonné aux pires débauches; de l'autre, l'instruction n'ayant pas abouti jusque-là, on commençait à accuser la police et la magistrature


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