Эротические рассказы

Nana. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

Nana - Emile Zola


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finit par le suivre. On venait d'éteindre la rampe de gaz, au fronton du théâtre. Il faisait noir et très frais sur le balcon, qui leur sembla vide. Seul, un jeune homme, enveloppé d'ombre, accoudé à la balustrade de pierre, dans la baie de droite, fumait une cigarette, dont la braise luisait. Fauchery reconnut Daguenet. Ils se serrèrent la main.

      – Que faites-vous donc là, mon cher? demanda le journaliste. Vous vous cachez dans les petits coins, vous qui ne quittez pas l'orchestre, les jours de première.

      – Mais je fume, vous voyez, répondit Daguenet.

      Alors, Fauchery, pour l'embarrasser:

      – Eh bien! que pensez-vous de la débutante?.. On la traite assez mal dans les couloirs.

      – Oh! murmura Daguenet, des hommes dont elle n'aura pas voulu!

      Ce fut tout son jugement sur le talent de Nana. La Faloise se penchait, regardant le boulevard. En face, les fenêtres d'un hôtel et d'un cercle étaient vivement éclairées; tandis que, sur le trottoir, une masse noire de consommateurs occupaient les tables du café de Madrid. Malgré l'heure avancée, la foule s'écrasait; on marchait à petits pas, du monde sortait continuellement du passage Jouffroy, des gens attendaient cinq minutes avant de pouvoir traverser, tant la queue des voitures s'allongeait.

      – Quel mouvement! quel bruit! répétait la Faloise, que Paris étonnait encore.

      Une sonnerie tinta longuement, le foyer se vida. On se hâtait dans les couloirs. Le rideau était levé qu'on rentrait par bandes, au milieu de la mauvaise humeur des spectateurs déjà assis. Chacun reprenait sa place, le visage animé et de nouveau attentif. Le premier regard de la Faloise fut pour Gaga; mais il demeura étonné, en voyant près d'elle le grand blond, qui, tout à l'heure, était dans l'avant-scène de Lucy.

      – Quel est donc le nom de ce monsieur? demanda-t-il.

      Fauchery ne le voyait pas.

      – Ah! oui, Labordette, finit-il par dire, avec le même geste d'insouciance.

      Le décor du second acte fut une surprise. On était dans un bastringue de barrière, à la Boule-Noire, en plein mardi gras; des chienlits chantaient une ronde, qu'ils accompagnaient au refrain en tapant des talons. Cette échappée canaille, à laquelle on ne s'attendait point, égaya tellement, qu'on bissa la ronde. Et c'était là que la bande des dieux, égarée par Iris, qui se vantait faussement de connaître la Terre, venait procéder à son enquête. Ils s'étaient déguisés pour garder l'incognito. Jupiter entra en roi Dagobert, avec sa culotte à l'envers et une vaste couronne de fer-blanc. Phébus parut en Postillon de Longjumeau et Minerve en Nourrice normande. De grands éclats de gaieté accueillirent Mars, qui portait un costume extravagant d'Amiral suisse. Mais les rires devinrent scandaleux, lorsqu'on vit Neptune vêtu d'une blouse, coiffé d'une haute casquette ballonnée, des accroche-coeurs collés aux tempes, traînant ses pantoufles et disant d'une voix grasse: «De quoi! quand on est bel homme, faut bien se laisser aimer!» Il y eut quelques oh! oh! tandis que les dames haussaient un peu leurs éventails. Lucy, dans son avant-scène, riait si bruyamment que Caroline Héquet la fit taire d'un léger coup d'éventail.

      Dès lors, la pièce était sauvée, un grand succès se dessina. Ce carnaval des dieux, l'Olympe traîné dans la boue, toute une religion, toute une poésie bafouées, semblèrent un régal exquis. La fièvre de l'irrévérence gagnait le monde lettré des premières représentations; on piétinait sur la légende, on cassait les antiques images. Jupiter avait une bonne tête, Mars était tapé. La royauté devenait une farce, et l'armée, une rigolade. Quand Jupiter, tout d'un coup amoureux d'une petite blanchisseuse, se mit à pincer un cancan échevelé, Simonne, qui jouait la blanchisseuse, lança le pied au nez du maître des dieux, en l'appelant si drôlement: «Mon gros père!» qu'un rire fou secoua la salle. Pendant qu'on dansait, Phébus payait des saladiers de vin chaud à Minerve, et Neptune trônait au milieu de sept ou huit femmes, qui le régalaient de gâteaux. On saisissait les allusions, on ajoutait des obscénités, les mots inoffensifs étaient détournés de leur sens par les exclamations de l'orchestre. Depuis longtemps, au théâtre, le public ne s'était vautré dans de la bêtise plus irrespectueuse. Cela le reposait.

      Pourtant, l'action marchait, au milieu de ces folies. Vulcain, en garçon chic, tout de jaune habillé, ganté de jaune, un monocle fiché dans l'oeil, courait toujours après Vénus, qui arrivait enfin en Poissarde, un mouchoir sur la tête, la gorge débordante, couverte de gros bijoux d'or. Nana était si blanche et si grasse, si nature dans ce personnage fort des hanches et de la gueule, que tout de suite elle gagna la salle entière. On en oublia Rose Mignon, un délicieux Bébé, avec un bourrelet d'osier et une courte robe de mousseline, qui venait de soupirer les plaintes de Diane d'une voix charmante. L'autre, cette grosse fille qui se tapait sur les cuisses, qui gloussait comme une poule, dégageait autour d'elle une odeur de vie, une toute-puissance de femme, dont le public se grisait. Dès ce second acte, tout lui fut permis, se tenir mal en scène, ne pas chanter une note juste, manquer de mémoire; elle n'avait qu'à se tourner et à rire, pour enlever les bravos. Quand elle donnait son fameux coup de hanche, l'orchestre s'allumait, une chaleur montait de galerie en galerie jusqu'au cintre. Aussi fut-ce un triomphe, lorsqu'elle mena le bastringue. Elle était là chez elle, le poing à la taille, asseyant Vénus dans le ruisseau, au bord du trottoir. Et la musique semblait faite pour sa voix faubourienne, une musique de mirliton, un retour de foire de Saint-Cloud, avec des éternuements de clarinette et des gambades de petite flûte.

      Deux morceaux furent encore bissés. La valse de l'ouverture, cette valse au rythme polisson, était revenue et emportait les dieux. Junon, en Fermière, pinçait Jupiter avec sa blanchisseuse et le calottait. Diane, surprenant Vénus en train de donner un rendez-vous à Mars, se hâtait d'indiquer le lieu et l'heure à Vulcain, qui s'écriait: «J'ai mon plan.» Le reste ne paraissait pas bien clair. L'enquête aboutissait à un galop final, après lequel Jupiter, essoufflé, en nage, sans couronne, déclarait que les petites femmes de la terre étaient délicieuses et que les hommes avaient tous les torts.

      Le rideau tombait, lorsque, dominant les bravos, des voix crièrent violemment:

      – Tous! tous!

      Alors, le rideau se releva, les artistes reparurent, se tenant par la main. Au milieu, Nana et Rose Mignon, côte à côte, faisaient des révérences. On applaudissait, la claque poussait des acclamations. Puis, la salle, lentement, se vida à moitié.

      – Il faut que j'aille saluer la comtesse Muffat, dit la Faloise.

      – C'est ça, tu vas me présenter, répondit Fauchery. Nous descendrons ensuite.

      Mais il n'était pas facile d'arriver aux loges de balcon. Dans le couloir, en haut, on s'écrasait. Pour avancer, au milieu des groupes, il fallait s'effacer, se glisser en jouant des coudes. Adossé sous une lampe de cuivre, où brûlait un jet de gaz, le gros critique jugeait la pièce devant un cercle attentif. Des gens, au passage, se le nommaient à demi-voix. Il avait ri pendant tout l'acte, c'était la rumeur des couloirs; pourtant, il se montrait très sévère, parlait du goût et de la morale. Plus loin, le critique aux lèvres minces était plein d'une bienveillance qui avait un arrière-goût gâté, comme du lait tourné à l'aigre.

      Fauchery fouillait les loges d'un coup d'oeil, par les baies rondes taillées dans les portes. Mais le comte de Vandeuvres l'arrêta, en le questionnant; et quand il sut que les deux cousins allaient saluer les Muffat, il leur indiqua la loge 7, d'où justement il sortait. Puis, se penchant à l'oreille du journaliste:

      – Dites donc, mon cher, cette Nana, c'est pour sûr elle que nous avons vue un soir, au coin de la rue de Provence…

      – Tiens! vous avez raison, s'écria Fauchery. Je disais bien que je la connaissais!

      La Faloise présenta son cousin au comte Muffat de Beuville, qui se montra très froid. Mais, au nom de Fauchery, la comtesse avait levé la tête, et elle complimenta le chroniqueur sur ses articles du Figaro, d'une phrase discrète. Accoudée sur le velours de la rampe, elle se tournait à demi, dans un joli mouvement d'épaules. On causa un instant, la conversation tomba sur l'Exposition universelle.

      – Ce sera très beau, dit le comte, dont la face


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