Эротические рассказы

La Curée. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Curée - Emile Zola


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un fameux industriel de Colmar, vingt fois millionnaire, et dont l'Empire faisait un homme politique. Renée, qui avait connu en pension les deux inséparables, comme on les nommait d'un air fin, les appelait Adeline et Suzanne, de leurs petits noms. Et, comme, après leur avoir souri, elle allait se pelotonner de nouveau, un rire de Maxime la fit se tourner.

      – Non, vraiment, je suis triste, ne ris pas, c'est sérieux, dit-elle en voyant le jeune homme qui la contemplait railleusement, en se moquant de son attitude penchée.

      Maxime prit une voix drôle.

      – Nous aurions de gros chagrins, nous serions jalouse!

      Elle parut toute surprise.

      – Moi! dit-elle. Pourquoi jalouse?

      Puis elle ajouta, avec sa moue de dédain, comme se souvenant:

      – Ah! oui, la grosse Laure! Je n'y pense guère, va.

      Si Aristide, comme vous voulez tous me le faire entendre, a payé les dettes de cette fille et lui a évité ainsi un voyage à l'étranger, c'est qu'il aime l'argent moins que je ne le croyais. Cela va le remettre en faveur auprès des dames… Le cher homme, je le laisse bien libre.

      Elle souriait, elle disait «le cher homme», d'un ton plein d'une indifférence amicale. Et subitement, redevenue très triste, promenant autour d'elle ce regard désespéré des femmes qui ne savent à quel amusement se donner, elle murmura:

      – Oh! je voudrais bien… Mais non, je ne suis pas jalouse, pas jalouse du tout.

      Elle s'arrêta, hésitante.

      – Vois-tu! je m'ennuie, dit-elle enfin d'une voix brusque.

      Alors elle se tut, les lèvres pincées. La file des voitures passait toujours le long du lac, d'un trot égal, avec un bruit particulier de cataracte lointaine. Maintenant, à gauche, entre l'eau et la chaussée, se dressaient des petits bois d'arbres verts, aux troncs minces et droit, qui formaient de curieux faisceaux de colonnettes. A droite, les taillis, les futaies basses avaient cessé; le Bois s'était ouvert en larges pelouses, en immenses tapis d'herbe, plantés çà et là d'un bouquet de grands arbres; les nappes vertes se suivaient, avec des ondulations légères, jusqu'à la Porte de la Muette, dont on apercevait très loin la grille basse, pareille à un bout de dentelle noire tendu au ras du sol; et, sur les pentes, aux endroits où les ondulations se creusaient, l'herbe était toute bleue. Renée regardait, les yeux fixes, comme si cet agrandissement de l'horizon, ces prairies molles, trempées par l'air du soir, lui eussent fait sentir plus vivement le vide de son être.

      Au bout d'un silence, elle répéta, avec l'accent d'une colère sourde:

      – Oh! je m'ennuie, je m'ennuie à mourir.

      – Sais-tu que tu n'es pas gaie, dit tranquillement Maxime. Tu as tes nerfs, c'est sûr.

      La jeune femme se rejeta au fond de la voiture.

      – Oui, j'ai mes nerfs, répondit-elle sèchement.

      Puis elle se fit maternelle.

      – Je deviens vieille, mon cher enfant; j'aurai trente ans bientôt. C'est terrible. Je ne prends de plaisir à rien… A vingt ans, tu ne peux savoir…

      – Est-ce que c'est pour te confesser que tu m'as emmené? interrompit le jeune homme. Ce serait diablement long.

      Elle accueillit cette impertinence avec un faible sourire, comme une boutade d'enfant gâté à qui tout est permis.

      – Je te conseille de te plaindre, continua Maxime; tu dépenses plus de cent mille francs par an pour ta toilette, tu habites un hôtel splendide, tu as des chevaux superbes, tes caprices font loi, et les journaux parlent de chacune de tes robes nouvelles comme d'un événement de la dernière gravité; les femmes te jalousent, les hommes donneraient dix ans de leur vie pour te baiser le bout des doigts… Est-ce vrai? Elle fit, de la tête, un signe affirmatif, sans répondre.

      Les yeux baissés, elle s'était remise à friser les poils de la peau d'ours.

      – Va, ne sois pas modeste, poursuivit Maxime; avoue carrément que tu es une des colonnes du Second Empire. Entre nous, on peut se dire de ces choses-là.

      Partout, aux Tuileries, chez les ministres, chez les simples millionnaires, en bas et en haut, tu règnes en souveraine. Il n'y a pas de plaisir où tu n'aies mis les deux pieds, et si j'osais, si le respect que je te dois ne me retenait pas, je dirais…

      Il s'arrêta quelques secondes, riant; puis il acheva cavalièrement sa phrase.

      – Je dirais que tu as mordu à toutes les pommes.

      Elle ne sourcilla pas.

      – Et tu t'ennuies! reprit le jeune homme avec une vivacité comique. Mais c'est un meurtre!.. Que veux-tu! Que rêves-tu donc!?

      Elle haussa les épaules, pour dire qu'elle ne savait pas. Bien qu'elle penchât la tête, Maxime la vit alors si sérieuse, si sombre, qu'il se tut. Il regarda la file des voitures qui, en arrivant au bout du lac, s'élargissait, emplissait le large carrefour. Les voitures, moins serrées, tournaient avec une grâce superbe; le trot plus rapide des attelages sonnait hautement sur la terre dure.

      La calèche, en faisant le grand tour pour prendre la file, eut une oscillation qui pénétra Maxime d'une volupté vague. Alors, cédant à l'envie d'accabler Renée:

      – Tiens, dit-il, tu mériterais d'aller en fiacre! Ce serait bien fait!.. Eh! regarde ce monde qui rentre à Paris, ce monde qui est à tes genoux. On te salue comme une reine, et peu s'en faut que ton bon ami, M. de Mussy, ne t'envoie des baisers.

      En effet, un cavalier saluait Renée. Maxime avait parlé d'un ton hypocritement moqueur. Mais Renée se tourna à peine, haussa les épaules. Cette fois, le jeune homme eut un geste désespéré.

      – Vrai, dit-il, nous en sommes là!?.. Mais, bon Dieu! tu as tout, que veux-tu encore?

      Renée leva la tête. Elle avait dans les yeux une clarté chaude, un ardent besoin de curiosité inassouvie.

      – Je veux autre chose, répondit-elle à demi-voix.

      – Mais puisque tu as tout, reprit Maxime en riant, autre chose, ce n'est rien… Quoi, autre chose?

      – Quoi? répéta-t-elle…

      Et elle ne continua pas. Elle s'était tout à fait tournée, elle contemplait l'étrange tableau qui s'effaçait derrière elle. La nuit était presque venue; un lent crépuscule tombait comme une cendre fine. Le lac, vu de face, dans le jour pâle qui traînait encore sur l'eau, s'arrondissait, pareil à une immense plaque d'étain; aux deux bords, les bois d'arbres verts dont les troncs minces et droits semblent sortir de la nappe dormante, prenaient, à cette heure, des apparences de colonnades violâtres, dessinant de leur architecture régulière les courbes étudiées des rives; puis, au fond, des massifs montaient, de grands feuillages confus, de larges taches noires fermaient l'horizon. Il y avait là, derrière ces taches, une lueur de braise, un coucher de soleil à demi éteint qui n'enflammait qu'un bout de l'immensité grise. Au-dessus de ce lac immobile, de ces futaies basses, de ce point de vue si singulièrement plat, le creux du ciel s'ouvrait, infini, plus profond et plus large. Ce grand morceau de ciel, sur ce petit coin de nature, avait un frisson, une tristesse vague; et il tombait de ces hauteurs pâlissantes une telle mélancolie d'automne, une nuit si douce et si navrée, que le Bois, peu à peu enveloppé dans un linceul d'ombre, perdait ses grâces mondaines, agrandi, tout plein du charme puissant des forêts. Le trot des équipages, dont les ténèbres éteignaient les couleurs vives, s'élevait, semblable à des voix lointaines de feuilles et d'eaux courantes. Tout allait en se mourant. Dans l'effacement universel, au milieu du lac, la voile latine de la grande barque de promenade se détachait, nette et vigoureuse, sur la lueur de braise du couchant. Et l'on ne voyait plus que cette voile, que ce triangle de toile jaune, élargi démesurément.

      Renée, dans ses satiétés, éprouva une singulière sensation de désirs inavouables, à voir ce paysage qu'elle ne reconnaissait plus, cette nature si artistement mondaine, et dont la grande nuit frissonnante faisait un bois sacré, une de ces clairières idéales au fond


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