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L'Argent. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

L'Argent - Emile Zola


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murmura-t-il pour se rassurer, tout ça n'arrivera pas l'année prochaine.

      – Certes! reprit le jeune homme, redevenu grave et las. Nous sommes dans la période transitoire, la période d'agitation. Peut-être y aura-t-il des violences révolutionnaires, elles sont souvent inévitables. Mais les exagérations, les emportements sont passagers… Oh! je ne me dissimule pas les grandes difficultés immédiates. Tout cet avenir rêvé semble impossible, on n'arrive pas à donner aux gens une idée raisonnable de cette société future, cette société de juste travail, dont les mœurs seront si différentes des nôtres. C'est comme un autre monde dans une autre planète… Et puis, il faut bien le confesser, la réorganisation n'est pas prête, nous cherchons encore. Moi, qui ne dors plus guère, j'y épuise mes nuits. Par exemple, il est certain qu'on peut nous dire: "Si les choses sont ce qu'elles sont, c'est que la logique des faits humains les a faites ainsi." Dès lors, quel labeur pour ramener le fleuve à sa source et le diriger dans une autre vallée!.. Certainement, l'état social actuel a dû sa prospérité séculaire au principe individualiste, que l'émulation, l'intérêt personnel rend d'une fécondité de production sans cesse renouvelée. Le collectivisme arrivera-t-il jamais à cette fécondité, et par quel moyen activer la fonction productive du travailleur, quand l'idée de gain sera détruite? Là est, pour moi, le doute, l'angoisse, le terrain faible où il faut que nous nous battions, si nous voulons que la victoire du socialisme s'y décide un jour… Mais nous vaincrons, parce que nous sommes la justice. Tenez! vous voyez ce monument devant vous… Vous le voyez?

      – La Bourse? dit Saccard. Parbleu! oui, je la vois!

      – Eh bien, ce serait bête de la faire sauter, qu'on la rebâtirait ailleurs… Seulement, je vous prédis qu'elle sautera d'elle-même, quand l'État l'aura expropriée, devenu logiquement l'unique et universelle banque de la nation; et, qui sait? elle servira alors d'entrepôt public à nos richesses trop grandes, un des greniers d'abondance où nos petits-fils trouveront le luxe de leurs jours de fête!»

      D'un geste large, Sigismond ouvrait cet avenir de bonheur général et moyen. Et il s'était tellement exalté, qu'un nouvel accès de toux le secoua, revenu à sa table, les coudes parmi ses papiers, la tête entre les mains, pour étouffer le râle déchiré de sa gorge. Mais, cette fois, il ne se calmait pas. Brusquement, la porte s'ouvrit, Busch accourut, ayant congédié la Méchain, l'air bouleversé, souffrant lui-même de cette toux abominable. Tout de suite, il s'était penché, avait pris son frère dans ses grands bras, comme un enfant dont on berce la douleur.

      «Voyons, mon petit, qu'est-ce que tu as encore, à t'étrangler? Tu sais, je veux que tu fasses venir un médecin. Ce n'est pas raisonnable… Tu auras trop causé, c'est sûr.»

      Et il regardait d'un œil oblique Saccard, resté au milieu de la pièce, décidément bousculé par ce qu'il venait d'entendre, dans la bouche de ce grand diable, si passionné et si malade, qui, de sa fenêtre, là-haut, devait jeter un sort sur la Bourse, avec ses histoires de tout balayer pour tout reconstruire.

      «Merci, je vous laisse, dit le visiteur, ayant hâte d'être dehors. Envoyez-moi ma lettre, avec les dix lignes de traduction… J'en attends d'autres, nous réglerons le tout ensemble.»

      Mais, la crise étant finie, Busch le retint un instant encore.

      «A propos, la dame qui était là tout à l'heure vous a connu autrefois, oh, il y a longtemps.

      – Ah! Où donc?

      – Rue de la harpe, en 52.»

      Si maître qu'il fût de lui, Saccard devint pâle. Un tic nerveux tira sa bouche. Ce n'était point qu'il se rappelât à cette minute, la gamine culbutée dans l'escalier: il ne l'avait même pas sue enceinte, il ignorait l'existence de l'enfant. Mais le rappel des misérables années de ses débuts lui était toujours désagréable.

      «Rue de la Harpe, oh! je n'y ai habité que huit jours lors de mon arrivée à Paris, le temps de rechercher un logement… Au revoir!!

      – Au revoir!» accentua Busch, qui se trompa, voyant un aveu dans cet embarras, et qui déjà cherchait de quelle façon large il exploiterait l'aventure.

      De nouveau dans la rue, Saccard retourna machinalement vers la place de la Bourse. Il était tout frissonnant, il ne regarda même pas la petite Mme Conin, dont la jolie figure blonde souriait, à la porte de la papeterie. Sur la place, l'agitation avait grandi, la clameur du jeu venait battre les trottoirs grouillant de monde, avec la violence débridée d'une marée haute. C'était le coup de gueule de trois heures moins un quart, la bataille des derniers cours, l'enragement à savoir qui s'en irait les mains pleines. Et, debout à l'angle de la rue de la Bourse en face du péristyle, il croyait reconnaître, dans la bousculade confuse, sous les colonnes, le baissier Moser et le haussier Pillerault, tous les deux aux prises; tandis qu'il s'imaginait entendre, sortie du fond de la grande salle, la voix aiguë de l'agent de change Mazaud, que couvraient par moments les éclats de Nathansohn, assis sous l'horloge, à la coulisse. Mais une voiture, qui rasait le ruisseau, faillit l'éclabousser. Massias sauta, avant même que le cocher eût arrêté, monta les marches d'un bond, apportant, hors d'haleine, le dernier ordre d'un client.

      Et lui, toujours immobile et debout, les yeux sur la mêlée, là-haut, remâchait sa vie, hanté par le souvenir de ses débuts, que la question de Busch venait de réveiller.

      Il se rappelait la rue de la Harpe, puis la rue Saint-Jacques, où il avait traîné ses bottes éculées d'aventurier conquérant, débarqué à Paris pour le soumettre; et une fureur le reprenait, à l'idée qu'il ne l'avait pas soumis encore, qu'il était de nouveau sur le pavé, guettant la fortune, inassouvi, torturé d'une faim de jouissance telle, que jamais il n'en avait souffert davantage. Ce fou de Sigismond le disait avec raison: le travail ne peut faire vivre, les misérables et les imbéciles travaillent seuls, pour engraisser les autres. Il n'y avait que le jeu, le jeu qui, du soir au lendemain, donne d'un coup le bien-être, le luxe, la vie large, la vie tout entière. Si ce vieux monde social devait crouler un jour, est-ce qu'un homme comme lui n'allait pas encore trouver le temps et la place de combler ses désirs, avant l'effondrement?

      Mais un passant le coudoya, qui ne se retourna même pas pour s'excuser. Il reconnut Gundermann faisant sa petite promenade de santé, il le regarda entrer chez un confiseur, d'où ce roi de l'or rapportait parfois une boîte de bonbons d'un franc à ses petites-filles. Et ce coup de coude, à cette minute, dans la fièvre dont l'accès montait en lui, depuis qu'il tournait ainsi autour de la Bourse, coude, à cette minute, dans la fièvre dont l'accès montait fut comme le cinglement, la poussée dernière qui le décida. Il avait achevé d'enserrer la place, il donnerait l'assaut. C'était le serment d'une lutte sans merci: il ne quitterait pas la France, il braverait son frère, il jouerait la partie suprême, une bataille de terrible audace, qui lui mettrait Paris sous les talons, ou qui le jetterait au ruisseau, les reins cassés.

      Jusqu'à la fermeture, Saccard s'entêta, debout à son poste d'observation et de menace. Il regarda le péristyle se vider, les marches se couvrir de la lente débandade de tout ce monde échauffé et las. Autour de lui, l'encombrement du pavé et des trottoirs continuait, un flot ininterrompu de gens, l'éternelle foule à exploiter, les actionnaires de demain, qui ne pouvaient passer devant cette grande loterie de la spéculation, sans tourner la tête, dans le désir et la crainte de ce qui se faisait là, ce mystère des opérations financières, d'autant plus attirant pour les cervelles françaises, que très peu d'entre elles le pénètrent.

      II

      Après sa dernière et désastreuse affaire de terrains, lorsque Saccard dut quitter son palais du parc Monceau, qu'il abandonnait à ses créanciers, pour éviter une catastrophe plus grande, son idée fut d'abord de se réfugier chez son fils Maxime. Celui-ci, depuis la mort de sa femme, qui dormait dans un petit cimetière de la Lombardie, occupait seul un hôtel de l'avenue de l'Impératrice, où il avait organisé sa vie avec un sage et féroce égoïsme; il y mangeait la fortune de la morte sans une faute, en garçon de faible santé que le vice avait précocement mûri; et, d'une voix nette, il refusa à son père de le prendre chez lui, pour continuer à vivre tous deux en bon accord, expliquait-il de son air souriant et avisé.

      Dès


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