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Napoléon Le Petit. Виктор Мари ГюгоЧитать онлайн книгу.

Napoléon Le Petit - Виктор Мари Гюго


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partisans – il en a – le mettent volontiers en parallèle avec son oncle, le premier Bonaparte. Ils disent: «L'un a fait le 18 brumaire, l'autre a fait le 2 décembre; ce sont deux ambitieux.» Le premier Bonaparte voulait réédifier l'empire d'occident, faire l'Europe vassale, dominer le continent de sa puissance et l'éblouir de sa grandeur, prendre un fauteuil et donner aux rois des tabourets, faire dire à l'histoire: Nemrod, Cyrus, Alexandre, Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, être un maître du monde. Il l'a été. C'est pour cela qu'il a fait le 18 brumaire. Celui-ci veut avoir des chevaux et des filles, être appelé monseigneur, et bien vivre. C'est pour cela qu'il a fait le 2 décembre. Ce sont deux ambitieux; la comparaison est juste.

      Ajoutons que, comme le premier, celui-ci veut aussi être empereur. Mais ce qui calme un peu les comparaisons, c'est qu'il y a peut-être quelque différence entre conquérir l'empire et le filouter.

      Quoi qu'il en soit, ce qui est certain, et ce que rien ne peut voiler, pas même cet éblouissant rideau de gloire et de malheur sur lequel on lit: Arcole, Lodi, les Pyramides, Eylau, Friedland, Sainte-Hélène, ce qui est certain, disons-nous, c'est que le 18 brumaire est un crime dont le 2 décembre a élargi la tache sur la mémoire de Napoléon.

      M. Louis Bonaparte se laisse volontiers entrevoir socialiste. Il sent qu'il y a là pour lui une sorte de champ vague, exploitable à l'ambition. Nous l'avons dit, il a passé son temps dans sa prison à se faire une quasi-réputation de démocrate. Un fait le peint. Quand il publia, étant à Ham, son livre sur l'Extinction du paupérisme, livre en apparence ayant pour but unique et exclusif de sonder la plaie des misères du peuple et d'indiquer les moyens de la guérir, il envoya l'ouvrage à un de ses amis avec ce billet, qui a passé sous nos yeux: «Lisez ce travail sur le paupérisme, et dites-moi si vous pensez qu'il soit de nature à me faire du bien

      Le grand talent de M. Louis Bonaparte, c'est le silence.

      Avant le 2 décembre, il avait un conseil des ministres qui s'imaginait être quelque chose, étant responsable. Le président présidait. Jamais, ou presque jamais, il ne prenait part aux discussions. Pendant que MM. Odilon Barrot, Passy, Tocqueville, Dufaure ou Faucher parlaient, il construisait avec une attention profonde, nous disait un de ses ministres, des cocottes en papier, ou dessinait des bonshommes sur les dossiers.

      Faire le mort, c'est là son art. Il reste muet et immobile, en regardant d'un autre côté que son dessein, jusqu'à l'heure venue. Alors il tourne la tête et fond sur sa proie. Sa politique vous apparaît brusquement à un tournant inattendu, le pistolet au poing, ut fur. Jusque-là, le moins de mouvement possible. Un moment, dans les trois années qui viennent de s'écouler, on le vit de front avec Changarnier, qui, lui aussi, méditait de son côté une entreprise. Ibant obscuri, comme dit Virgile. La France considérait avec une certaine anxiété ces deux hommes. Qu'y a-t-il entre eux? L'un ne rêve-t-il pas Cromwell? l'autre ne rêve-t-il pas Monk? On s'interrogeait et on les regardait. Chez l'un et chez l'autre même attitude de mystère, même tactique d'immobilité. Bonaparte ne disait pas un mot, Changarnier ne faisait pas un geste; l'un ne bougeait point, l'autre ne soufflait pas; tous deux semblaient jouer à qui serait le plus statue.

      Ce silence, cependant, Louis Bonaparte le rompt quelquefois. Alors il ne parle pas, il ment. Cet homme ment comme les autres hommes respirent. Il annonce une intention honnête, prenez garde; il affirme, méfiez-vous; il fait un serment, tremblez.

      Machiavel a fait des petits. Louis Bonaparte en est un.

      Annoncer une énormité dont le monde se récrie, la désavouer avec indignation, jurer ses grands dieux, se déclarer honnête homme, puis, au moment où l'on se rassure et où l'on rit de l'énormité en question, l'exécuter. Ainsi il a fait pour le coup d'état, ainsi pour les décrets de proscription, ainsi pour la spoliation des princes d'Orléans; ainsi il fera pour l'invasion de la Belgique et de la Suisse, et pour le reste. C'est là son procédé; pensez-en ce que vous voudrez; il s'en sert, il le trouve bon, cela le regarde. Il aura à démêler la chose avec l'histoire.

      On est de son cercle intime; il laisse entrevoir un projet qui semble, non immoral, on n'y regarde pas de si près, mais insensé et dangereux, et dangereux pour lui-même; on élève des objections; il écoute, ne répond pas, cède quelquefois pour deux ou trois jours, puis reprend son dessein, et fait sa volonté.

      Il y a à sa table, dans son cabinet de l'Élysée, un tiroir souvent entr'ouvert. Il tire de là un papier, le lit à un ministre, c'est un décret. Le ministre adhère ou résiste. S'il résiste, Louis Bonaparte rejette le papier dans le tiroir où il y a beaucoup d'autres paperasses, rêves d'homme tout-puissant, ferme ce tiroir, en prend la clef, et s'en va sans dire un mot. Le ministre salue et se retire charmé de la déférence. Le lendemain matin, le décret est au Moniteur.

      Quelquefois avec la signature du ministre.

      Grâce à cette façon de faire, il a toujours à son service l'inattendu, grande force; et, ne rencontrant en lui-même aucun obstacle intérieur dans ce que les autres hommes appellent conscience, il pousse son dessein, n'importe à travers quoi, nous l'avons dit, n'importe sur quoi, et touche son but.

      Il recule quelquefois, non devant l'effet moral de ses actes, mais devant l'effet matériel. Les décrets d'expulsion de quatrevingt-quatre représentants, publiés le 6 janvier par le Moniteur, révoltèrent le sentiment public. Si bien liée que fût la France, on sentit le tressaillement. On était encore très près du 2 décembre; toute émotion pouvait avoir son danger. Louis Bonaparte le comprit. Le lendemain 10, un second décret d'expulsion devait paraître, contenant huit cents noms. Louis Bonaparte se fit apporter l'épreuve du Moniteur, la liste remplissait quatorze colonnes du journal officiel. Il froissa l'épreuve, la jeta au feu, et le décret ne parut pas. Les proscriptions continuèrent, sans décret.

      Dans ses entreprises il a besoin d'aides et de collaborateurs; il lui faut ce qu'il appelle lui-même «des hommes». Diogène les cherchait tenant une lanterne, lui il les cherche un billet de banque à la main. Il les trouve. De certains côtés de la nature humaine produisent toute une espèce de personnages dont il est le centre naturel et qui se groupent nécessairement autour de lui selon cette mystérieuse loi de gravitation qui ne régit pas moins l'être moral que l'atome cosmique. Pour entreprendre «l'acte du 2 décembre», pour l'exécuter et pour le compléter, il lui fallait de ces hommes; il en eut. Aujourd'hui il en est environné; ces hommes lui font cour et cortège; ils mêlent leur rayonnement au sien. À de certaines époques de l'histoire, il y a des pléiades de grands hommes; à d'autres époques, il y a des pléiades de chenapans.

      Pourtant, ne pas confondre l'époque, la minute de Louis Bonaparte, avec le dix-neuvième siècle; le champignon vénéneux pousse au pied du chêne, mais n'est pas le chêne.

      M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l'argent, l'agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d'un bord à l'autre quand il n'y a à enjamber que de la honte. Il a fait de M. Changarnier une dupe, de M. Thiers une bouchée, de M. de Montalembert un complice, du pouvoir une caverne, du budget sa métairie. On grave à la Monnaie une médaille, dite médaille du 2 décembre, en l'honneur de la manière dont il tient ses serments. La frégate la Constitution a été débaptisée, et s'appelle la frégate l'Élysée. Il peut, quand il voudra, se faire sacrer par M. Sibour et échanger la couchette de l'Élysée contre le lit des Tuileries. En attendant, depuis sept mois, il s'étale; il a harangué, triomphé, présidé des banquets, donné des bals, dansé, régné, paradé et fait la roue; il s'est épanoui dans sa laideur à une loge d'Opéra, il s'est fait appeler prince-président, il a distribué des drapeaux à l'armée et des croix d'honneur aux commissaires de police. Quand il s'est agi de se choisir un symbole, il s'est effacé et a pris l'aigle; modestie d'épervier.

      VII

POUR FAIRE SUITE AUX PANÉGYRIQUES

      Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. Une chose me frappe pourtant, c'est que dans toutes les qualités qu'on lui reconnaît depuis le 2 décembre, dans tous les éloges qu'on lui adresse, il n'y a pas un mot qui sorte


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