Le mystère de la chambre jaune. Гастон ЛеруЧитать онлайн книгу.
ne nous avait pas vus, occupé quil était à lautre fenêtre… Alors, le fiancé de Mlle Stangerson ouvrit son portefeuille en tremblant, y serra le papier, et soupira: «Mon Dieu!» Pendant ce temps, Rouletabille était monté dans la cheminée; cest-à-dire que, debout sur les briques dun fourneau, il considérait attentivement cette cheminée qui allait se rétrécissant, et qui, à cinquante centimètres au-dessus de sa tête, se fermait entièrement par des plaques de fer scellées dans la brique, laissant passer trois tuyaux dune quinzaine de centimètres de diamètre chacun.
«Impossible de passer par là, énonça le jeune homme en sautant dans le laboratoire. Du reste, s«il» lavait même tenté, toute cette ferraille serait par terre. Non! Non! ce nest pas de ce côté quil faut chercher…
Rouletabille examina ensuite les meubles et ouvrit des portes darmoires. Puis, ce fut le tour des fenêtres quil déclara infranchissables et «infranchies». À la seconde fenêtre, il trouva le père Jacques en contemplation.
«Eh bien, père Jacques, quest-ce que vous regardez par là?
– Je rgarde lhomme de la police qui ne cesse point de faire le tour de létang… Encore un malin qui nen verra pas plus long qules autres!
– Vous ne connaissez pas Frédéric Larsan, père Jacques! dit Rouletabille, en secouant la tête avec mélancolie, sans cela vous ne parleriez pas comme ça… Sil y en a un ici qui trouve lassassin, ce sera lui, faut croire!»
Et Rouletabille poussa un soupir.
«Avant quon le retrouve, faudrait savoir comment on la perdu! … répliqua le père Jacques, têtu.
Enfin, nous arrivâmes à la porte de la «Chambre Jaune».
«Voilà la porte derrière laquelle il se passait quelque chose!» fit Rouletabille avec une solennité qui, en toute autre circonstance, eût été comique.
VII
Où Rouletabille part en expédition sous le lit
Rouletabille ayant poussé la porte de la «Chambre Jaune» sarrêta sur le seuil, disant avec une émotion que je ne devais comprendre que plus tard: «Oh! Le parfum de la dame en noir!» La chambre était obscure; le père Jacques voulut ouvrir les volets, mais Rouletabille larrêta:
«Est-ce que, dit-il, le drame sest passé en pleine obscurité?
– Non, jeune homme, je ne pense point. Mamzelle tenait beaucoup à avoir une veilleuse sur sa table, et cest moi qui la lui allumais tous les soirs avant quelle aille se coucher… Jétais quasi sa femme de chambre, quoi! quand vnait le soir! La vraie femme de chambre ne vnait guère que le matin. Mamzelle travaille si tard… la nuit!
– Où était cette table qui supportait la veilleuse? Loin du lit?
– Loin du lit.
– Pouvez-vous, maintenant, allumer la veilleuse?
– La veilleuse est brisée, et lhuile sen est répandue quand la table est tombée. Du reste, tout est resté dans le même état. Je nai quà ouvrir les volets et vous allez voir…
– Attendez!»
Rouletabille rentrant dans le laboratoire, alla fermer les volets des deux fenêtres et la porte du vestibule. Quand nous fûmes dans la nuit noire, il alluma une allumette-bougie, la donna au père Jacques, dit à celui-ci de se diriger avec son allumette vers le milieu de la «Chambre Jaune», à lendroit où brûlait, cette nuit- là, la veilleuse. Le père Jacques, qui était en chaussons (il laissait à lordinaire ses sabots dans le vestibule), entra dans la «Chambre Jaune» avec son bout dallumette, et nous distinguâmes vaguement, mal éclairés par la petite flamme mourante, des objets renversés sur le carreau, un lit dans le coin, et, en face de nous, à gauche, le reflet dune glace, pendue au mur, près du lit. Ce fut rapide.
Rouletabille dit: «Cest assez! Vous pouvez ouvrir les volets.
– Surtout navancez pas, pria le père Jacques; vous pourriez faire des marques avec vos souliers… et il ne faut rien déranger… Cest une idée du juge, une idée comme ça, bien que son affaire soit déjà faite…»
Et il poussa les volets. Le jour livide du dehors entra, éclairant un désordre sinistre, entre des murs de safran. Le plancher – car si le vestibule et le laboratoire étaient carrelés, la «Chambre Jaune» était planchéiée – était recouvert dune natte jaune, dun seul morceau, qui tenait presque toute la pièce, allant sous le lit et sous la table-toilette, seuls meubles qui, avec le lit, fussent encore sur leurs pieds. La table ronde du milieu, la table de nuit et deux chaises étaient renversées. Elles nempêchaient point de voir, sur la natte, une large tache de sang qui provenait, nous dit le père Jacques, de la blessure au front de Mlle Stangerson. En outre, des gouttelettes de sang étaient répandues un peu partout et suivaient, en quelque sorte, la trace très visible des pas, des larges pas noirs, de lassassin. Tout faisait présumer que ces gouttes de sang venaient de la blessure de lhomme qui avait, un moment, imprimé sa main rouge sur le mur. Il y avait dautres traces de cette main sur le mur, mais beaucoup moins distinctes. Cest bien là la trace dune rude main dhomme ensanglantée.
Je ne pus mempêcher de mécrier:
«Voyez! … voyez ce sang sur le mur… Lhomme qui a appliqué si fermement sa main ici était alors dans lobscurité et croyait certainement tenir une porte. Il croyait la pousser! Cest pourquoi il a fortement appuyé, laissant sur le papier jaune un dessin terriblement accusateur, car je ne sache point quil y ait beaucoup de mains au monde de cette sorte-là. Elle est grande et forte, et les doigts sont presque aussi longs les uns que les autres! Quant au pouce, il manque! Nous navons que la marque de la paume. Et si nous suivons la «trace» de cette main, continuai- je, nous la voyons, qui, après sêtre appuyée au mur, le tâte, cherche la porte, la trouve, cherche la serrure…
– Sans doute, interrompit Rouletabille en ricanant, mais il ny a pas de sang à la serrure, ni au verrou! …
– Quest-ce que cela prouve? Répliquai-je avec un bon sens dont jétais fier, «il» aura ouvert serrure et verrou de la main gauche, ce qui est tout naturel puisque la main droite est blessée…
– Il na rien ouvert du tout! sexclama encore le père Jacques. Nous ne sommes pas fous, peut-être! Et nous étions quatre quand nous avons fait sauter la porte!»
Je repris:
«Quelle drôle de main! Regardez-moi cette drôle de main!
– Cest une main fort naturelle, répliqua Rouletabille, dont le dessin a été déformé par le glissement sur le mur. Lhomme a _essuyé sa main blessée sur le mur! _Cet homme doit mesurer un mètre quatre-vingt.
– À quoi voyez-vous cela?
– À la hauteur de la main sur le mur…»
Mon ami soccupa ensuite de la trace de la balle dans le mur.
Cette trace était un trou rond.
«La balle, dit Rouletabille, est arrivée de face: ni den haut, par conséquent, ni den bas.
Et il nous fit observer encore quelle était de quelques centimètres plus bas sur le mur que le stigmate laissé par la main.
Rouletabille, retournant à la porte, avait le nez, maintenant, sur la serrure et le verrou. Il constata «quon avait bien fait sauter la porte, du dehors, serrure et verrou étant encore, sur cette porte défoncée, lune fermée, lautre poussé, et, sur le mur, les deux gâches étant quasi arrachées, pendantes, retenues encore par une vis.
Le jeune rédacteur de LÈpoque les considéra avec attention, reprit la porte, la regarda des deux côtés, sassura quil ny avait aucune possibilité de fermeture ou douverture du verrou «de lextérieur», et sassura quon avait retrouvé la clef dans la serrure, «à lintérieur». Il sassura encore quune fois la clef dans la serrure à lintérieur, on ne pouvait ouvrir cette serrure de lintérieur avec une autre clef. Enfin, ayant constaté quil ny avait, à cette porte, «aucune fermeture automatique, bref, quelle était la plus naturelle de toutes les portes, munie dune serrure et dun verrou très solides qui étaient