Aristophane; Traduction nouvelle, tome second. АристофанЧитать онлайн книгу.
Toi, va au plus vite remplir d'ailes tous les paniers d'osier et toutes les corbeilles; que Manès m'apporte ici les ailes, et moi je recevrai les arrivants.
Avant peu on pourra saluer cette ville du nom de populeuse.
Pourvu que la Fortune soit favorable.
Les coeurs sont épris de ma cité.
Apporte donc vite.
Que manque-t-il à cette ville pour en rendre le séjour agréable à l'homme? La Sagesse, l'Amour, les divines Kharites, le doux visage de l'aimable Paix.
Quelle lenteur à servir! Tu ne peux donc pas te presser davantage?
Qu'on apporte vite un panier d'ailes! Et toi, presse-le de nouveau, en le frappant, comme je fais: il est tout à fait lent comme un âne.
Oui, Manès est un paresseux.
Toi d'abord, mets ces ailes en ordre: les musicales ensemble, puis les prophétiques, et enfin les marines. Ensuite, d'une façon intelligente, tu verras à donner à chaque homme les plumes qui lui conviennent.
Par les crécerelles! je ne supporterai plus de te voir ainsi paresseux et lent!
Que ne suis-je l'aigle qui plane dans les airs, pour voler au-dessus des flots d'azur de la plaine stérile!
Le messager n'était point, à ce qu'il semble, un faux messager. Voici un homme qui s'avance en chantant des aigles.
Ah! il n'est rien de plus doux que de voler. Moi, j'aime les lois des oiseaux: j'ai l'ornithomanie, et je vole, et je veux habiter parmi vous, et je suis passionné pour vos lois.
Quelles lois? Car les oiseaux ont beaucoup de lois.
Toutes; mais surtout celle qui trouve beau chez les oiseaux d'étrangler et de mordre son père.
En effet, de par Zeus! nous regardons comme tout à fait brave de battre son père, quand on n'est encore que poussin.
Voilà pourquoi je viens habiter ici, parce que je désire étrangler mon père et avoir tout son bien.
Mais il y a aussi chez nous autres oiseaux une loi antique, inscrite sur les colonnes des cigognes: «Quand le père cigogne a nourri ses petits, et qu'il les a mis en état de voler, les petits, à leur tour, doivent nourrir leur père.»
De par Zeus! j'ai fait une jolie affaire en venant ici, s'il me faut encore nourrir mon père!
Pas du tout; puisque tu es venu ici, mon cher, avec tant d'empressement, je vais t'emplumer comme un oiseau orphelin. Et d'ailleurs, jeune homme, je ne te donnerai pas un mauvais conseil, mais un bon, que j'ai reçu jadis, étant enfant: «Ne frappe pas ton père.» Puis, d'une main prends cette aile, de l'autre ces ergots: figure-toi que tu as une crête de coq, monte la garde, fais la guerre, vis de ta solde, et laisse vivre ton père… Seulement, puisque tu as l'humeur belliqueuse, prends ton vol vers la Thrakè, et combats.
Par Dionysos! je trouve que tu parles bien, et je t'obéirai.
Tu agiras sensément, j'en prends Zeus à témoin.
Je prends l'essor vers l'Olympos sur mes ailes légères: dans mon vol je parcours, l'une après l'autre, les routes de la mélodie.
Voilà une occupation qui réclame une cargaison d'ailes.
D'un esprit et d'un corps intrépides, j'en cherche une nouvelle.
Nous saluons Kinésias, l'homme-tilleul. Pourquoi venir ici, clopin-clopant, sur ton pied bot?
Je veux devenir oiseau, mélodieux rossignol.
Assez de mélodies; dis-moi ce que tu demandes.
Par toi muni d'ailes, je veux m'élever au-dessus des airs, et tirer des nuées des préludes vaporeux et neigeux.
Le moyen de tirer des préludes des nuées?
C'est d'elles que dépend notre art. Les dithyrambes sont aériens, ténébreux, sombrement azurés, emportés sur des ailes. Écoute, tu le sauras tout de suite.
Non, pas moi.
Si, toi, par Hèraklès! Je parcours pour toi tous les espaces aériens, sous la forme des oiseaux ailés qui fendent l'éther avec leur long col.
Hôop!
Puissé-je planer au-dessus des mers, emporté par le souffle des vents!
Par Zeus! je vais mettre un terme à ce souffle.
Et tantôt suivant les sentiers de Notos, tantôt approchant mon corps de Boréas, fendre le sillon sans rivages de l'éther!–Tu as inventé, vieillard, des procédés gracieux et habiles.
Quoi! Tu n'es pas content de fendre l'air?
C'est ainsi que tu traites un poète cyclique que s'arrachent constamment les tribus?
Veux-tu, en restant chez nous, organiser pour la tribu Kékropide un choeur d'oiseaux légers comme Léotrophidès?
Tu te moques de moi, c'est évident. Toutefois, je ne cesserai point, sache-le, que je n'aie des ailes pour voler à travers les airs.
Quels sont ces oiseaux indigents, au plumage bigarré? Dis-le-moi, hirondelle aux ailes étendues et tachetées.
Le fléau qui surgit n'est pas mince: voici quelqu'un qui vient ici en fredonnant.
Hirondelle aux ailes étendues et tachetées, je t'appelle une seconde fois.
C'est à son manteau qu'il m'a l'air de chanter un skolie; il semble avoir besoin du retour des hirondelles.
Où est celui qui donne des ailes aux arrivants?
Le voici; mais il faut dire pour quel usage.
Des ailes, il me faut des ailes: ne m'en demande pas davantage.
Est-ce que tu as l'idée de voler droit à Pellènè?
Non, de par Zeus! Je suis huissier près les îles, sykophante…
Heureux métier!
Et dénicheur de procès. J'ai donc besoin de prendre des ailes pour rôder autour des villes et faire des assignations.
Avec des ailes, assigneras-tu plus adroitement?
Non, de par Zeus! mais c'est afin que les voleurs ne me molestent pas: avec les grues je reviendrai de là-bas, lesté d'un grand nombre de procès.
Quoi! c'est donc là ton métier? Dis-moi, jeune comme tu es, tu dénonces les étrangers?
Que ferais-je? Je n'ai pas appris à bêcher.
Mais