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Contes humoristiques - Tome I. Alphonse AllaisЧитать онлайн книгу.

Contes humoristiques - Tome I - Alphonse Allais


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      Je signe modestement Francisque Sarcey, en ajoutant dans la colonne Observations cette phrase ingénieuse:

      La phrase que j'ai inscrite s'est évadée de ma mémoire, comme tant d'autres histoires.

      Je feuillette le registre, et je n'en reviens pas de la stupidité de mes contemporains.

      Comme les gens sont bêtes, mon Dieu! comme ils sont bêtes!

      La colonne Observations du registre de Fatouville constitue certainement le plus beau monument de bêtise humaine qu'on puisse contempler en ce bas monde.

      Tout un firmament de lunes n'en donnerait qu'une faible idée.

      J'en excepte un quatrain vieux de quelques mois, de Georges Lorin, et une réflexion de Pierre Delcourt.

      Le quatrain de Lorin est à sextuple détente; quant à la phrase de Delcourt, elle fait se retirer toutes seules les échelles.

      Voici le quatrain:

      Comme il est des femmes gentilles,

      Il est des calembours amers:

      Le phare illumine les mers,

      Le fard enlumine les filles!

      À Delcourt, maintenant:

       Le phare de Fatouville n'est, à tout prendre, qu'une vaste chandelle. Il en a, toutes proportions gardées, la forme et le pouvoir éclairant.

      Puis nous nous retirâmes.

      Nous allions monter en voiture, quand une espèce de petit bonhomme tout drôle, pas très vieux, mais pas extraordinairement jeune non plus, fort sec, nous demanda poliment si nous rentrions à Honfleur. Sur l'assurance qu'en effet c'est notre but, le drôle de bonhomme nous demande une toute petite place dans notre véhicule, ce à quoi nous consentîmes de la meilleure grâce du monde.

      En route, il nous confia qu'il était inventeur, et qu'il allait révolutionner toute l'administration des phares:

      —Vous occupez-vous de phares, messieurs? fit-il.

      —Oh! vous savez, nous nous en occupons sans nous en occuper.

      —Vous avez tort, car c'est là une question bien intéressante.

      J'avais bien envie de prier l'inventeur de nous procurer la paix. Nous descendions la côte, à travers un paysage magnifique dans lequel un clément octobre jetait son or discret. Je me sentais plus disposé à jouir de cette vue qu'à entendre divaguer mon vieux type. Mais mon vieux type reprit, plein d'ardeur:

      —Les phares, c'est bon quand le temps est clair; mais le temps est-il jamais clair?

      —Pourtant, j'ai vu des fois....

      —Le temps n'est jamais clair! Alors....

      —Nous avons la sirène qui beugle dans la brume.

      —La sirène, c'est de la blague. Je défie à un navigateur qui voyage dans la brume de me dire, à 30 degrés près, la direction d'une sirène, s'il en est éloigné de quelques milles. Alors, j'ai inventé autre chose. Puisqu'on ne voit pas le feu du phare, puisqu'on se trompe sur la direction du son de la sirène, j'ai imaginé le phare odoriférant. Écoutez-moi bien.

      —Allez-y!

      —Chaque phare a son odeur, soigneusement indiquée sur les cartes marines. J'ai des phares à la rose, des phares au citron, des phares au musc. Au sommet des phares, un puissant vaporisateur projette ces odeurs vers la mer. Rien de plus simple, alors, pour se diriger. En temps de brume, le capitaine ouvre les narines et constate, par exemple, qu'une odeur de girofle lui arrive par N.-N.-O. et une odeur de réséda par S.-E. En consultant sa carte, il détermine ainsi sa situation exacte. Hein?...

      —Épatant! Et puis il y a une chose à laquelle vous n'avez pas pensé. Je vous donne l'idée pour rien: quand il s'agira d'un phare situé sur des rochers, en mer, construisez-le en fromage de Livarot, on le sentira de loin; et si quelque tempête, comme il arrive souvent, empêche d'aller le ravitailler, eh bien, les gardiens ne mourront pas de faim: ils mangeront leur phare!

      Le drôle de bonhomme me regarda d'un air méprisant, et causa d'autre chose.

      Faits-divers et d'été

      Une lettre reçue la semaine dernière de Chalon-sur-Saône n'a pas laissé que de me piquer au vif.

      Mon grincheux correspondant me demande quousque tandem je le raserai avec mes histoires à dormir debout. Il me dénie toute ingéniosité dans les aperçus. La Fantaisie, considère-t-il, m'est à jamais rebelle.

      Il ajoute froidement que mon style est saumâtre et galipoteux.

      Tous ces reproches ne seraient rien encore sans un post-scriptum venimeux—postale flèche du Parthe—dans lequel il ne me l'envoie pas dire:

      «Berner le lecteur est d'un art facile. Gageons, cher monsieur, que vous ne seriez pas foutu (sic) de tourner un simple fait-divers.»

      À ce dernier reproche, dois-je l'avouer, mon sang n'a fait qu'un tour (et encore). J'ai trempé dans l'encre mon excellente plume de Tolède et j'ai rédigé, en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, un petit lot de faits-divers qui ne sont pas, je m'en flatte, dans une potiche.

      Depuis que Laffitte est devenu ministre pour avoir ramassé une épingle dans la cour d'une banque, je ramasse tout, même les défis.

      Voici mon petit essai:

      TEMPS PROBABLE POUR DEMAIN

      Sec avec peut-être de la pluie. Température relativement élevée, à moins d'un abaissement thermométrique.

      L'ACCIDENT DE LA RUE QUINCAMPOIX

      Un jeune ouvrier menuisier, le nommé Edmond Q...., âgé de 48 ans, était occupé à remettre des ardoises à la toiture de la maison sise au 328 de la rue Mazagran, lorsqu'à la suite d'un étourdissement, il fut précipité dans le vide.

      L'accident avait amassé une foule considérable et ce ne fut qu'un cri d'horreur dans toute l'assistance.

      On s'attendait à voir l'infortuné s'abattre sur le pavé quand, en passant devant la fenêtre du premier étage, quelle ne fut pas la surprise de la foule en constatant que l'ouvrier, sollicité par les œillades d'une femme de mauvaise vie qui s'y trouvait, et comme il en pullule dans ce quartier, s'arrêta dans sa chute et pénétra par la fenêtre dans la chambre de la prostituée.

      Les médecins refusent de se prononcer sur son état avant une huitaine de jours.

      LES NOUVEAUX WAGONS DE LA COMPAGNIE DE L'Ouest

      Un bon point à la Compagnie de l'Ouest. On vient de mettre en circulation les nouveaux wagons pour priseurs. Une plaque de cuivre, sur laquelle se trouve inscrit le mot Priseurs, indique la destination de ces voitures.

      Il sera donc interdit désormais de priser dans d'autres compartiments que ceux réservés ad hoc.

      À partir du 1er juillet, tous les wagons de première classe seront munis de glaçouillottes qui ne sont autres que les bouillottes dans lesquelles l'eau chaude est remplacée par de la glace.

      Il est à souhaiter que pareille mesure s'applique aux deuxièmes classes et mêmes aux troisièmes.

      Terminons par une bonne nouvelle.

      La Compagnie de l'Ouest vient enfin de donner satisfaction aux incessantes réclamations des mécaniciens.

      L'hiver prochain, sur toutes les grandes lignes, les locomotives seront chauffées.

      ENCORE DES BICYCLETTES

      M. le préfet de police, au lieu de pourchasser les bookmakers et


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