Un Rite D’Epées . Морган РайсЧитать онлайн книгу.
de Gareth le poussait vers la Cour du Roi – ou ce qu’il en restait. Il savait que la ville avait été mise à sac par les hommes de Andronicus, laissée à l’état de ruines probablement, mais il tenait à s’y rendre malgré tout. Il voulait s’éloigner le plus possible de Silesia et quel meilleur endroit que celui qu’il connaissait si bien ? Celui que tous avaient abandonné. Celui qui avait eu pour maître suprême Gareth lui-même.
Après des jours de marche, en quittant la forêt, faible et en proie au délire, Gareth finit par apercevoir au loin la Cour du Roi. Elle s’élevait là, ses murs encore intacts, quoique effondrés par endroits. Les hommes de Andronicus jonchaient le sol et il était évident que Thor et son dragon étaient passés par là. En dehors des cadavres, l’endroit était désert, habité seulement par le sifflement du vent.
Cela convenait parfaitement à Gareth. Il n’avait pas l’intention d’entrer dans la ville, de toutes façons. Le but de son voyage, c’était un petit bâtiment qui s’élevait hors des murs. Un monument circulaire, en marbre, haut de quelques mètres et dont le toit s’ornait des statues élaborées. Il semblait très vieux et il est certain qu’il l’était…
La crypte des MacGils. L’endroit où son père avait été enterré – et le père de son père avant lui.
Gareth avait été certain de la trouver intacte. Qui prenait la peine d’attaquer une tombe ? Personne ne viendrait le chercher ici, il le savait. Il pourrait s’y cacher et y demeurer seul, en compagnie de ses ancêtres. Gareth avait haï son père mais il se surprenait à le comprendre de mieux en mieux, au fil du temps.
Il trottina à travers la campagne, en serrant contre lui son manteau en haillons quand une brise froide le fouetta. Le cri d’un oiseau d’hiver retentit brièvement et, en levant les yeux, Gareth aperçut la créature sinistre aux plumes noires qui volait en cercles au-dessus de sa tête, dans l’espoir de faire de lui son prochain repas. Gareth ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi était épuisé et affamé. Il ressemblait sûrement à un met de choix aux yeux du rapace.
Gareth atteignit enfin le bâtiment et se saisit de la lourde poignée de fer, pour tirer de toutes ses forces, comme le monde tournoyait autour de lui. Enfin, le battant craqua, puis céda.
Gareth se faufila dans l’obscurité en refermant en claquant la porte. L’écho se répercuta longtemps autour de lui.
Il attrapa une torche éteinte accrochée au mur et l’alluma avec sa pierre à feu, en s’autorisant tout juste assez de lumière pour éclairer les marches, à mesure qu’il descendait l’escalier vers les ténèbres. L’atmosphère se fit lentement plus froide et plus venteuse, les courants d’air trouvant des chemins secrets entre les fissures. Gareth ne put s’empêcher de penser que ses ancêtres étaient en train de hurler contre lui.
– LAISSEZ-MOI ! cria-t-il en guise de réponse.
Sa voix se répercuta contre les murs de la crypte.
– VOUS AUREZ BIENTÔT CE QUE VOUS VOULEZ !
Pourtant, le vent persista.
Enragé, Gareth poursuivit sa descente, jusqu’à atteindre enfin la grande chambre de marbre, creusée sous un plafond qui s’élevait à trois mètres de hauteur, où dormaient ses ancêtres dans des sarcophages de marbre. Gareth marcha d’un pas solennel, ses pas résonnant dans la pièce, jusqu’à l’endroit où gisait son père.
Autrefois, il n’aurait pas eu de remords à fracasser le sarcophage. Aujourd’hui, pour quelque raison inconnue, Gareth se sentait de plus en plus proche de l’homme qui y reposait. Il ne comprenait pas lui-même l’émotion qui l’étreignait. Peut-être était-ce l’influence nocive de l’opium qui le quittait lentement… Peut-être était parce qu’il savait sa mort proche.
Gareth se pencha vers le tombeau et posa le front sur le marbre froid. Il se surprit à pleurer.
– Vous me manquez, père, gémit-il comme sa voix tremblait contre les murs.
Il pleura, pleura, pleura, jusqu’à ce que ses genoux lâchent et l’emportent contre le marbre. Il se laissa glisser et posa sa torche qui s’éteignit doucement dans les ténèbres. Bientôt, tout serait noir et Gareth rejoindrait ses êtres chers.
CHAPITRE CINQ
L’humeur sombre, Steffen arpentait le sentier forestier solitaire et s’éloignait lentement de la Tour du Refuge. Quitter Gwendolyn lui brisait le cœur. La femme qu’il avait juré de protéger. Sans elle, il n’était plus rien. En la rencontrant, il avait eu l’impression de trouver le but de son existence : veiller sur elle, dévouer sa vie à cette femme qui avait permis à un simple serviteur de s’élever ainsi de sa condition. Elle avait été la seule à ne pas le mépriser ou le juger sur son apparence.
Steffen était fier de l’avoir conduite saine et sauve jusqu’à la Tour, mais la quitter laissait un terrible vide dans son cœur. Où irait-il à présent ? Que ferait-il ?
Sans elle, sa vie n’avait plus aucun sens. Il ne pouvait pas retourner à Silesia ou à la Cour du Roi : Andronicus avait envahi les deux villes. Steffen avait été témoin de son entreprise destructrice. Tous avaient été faits prisonniers ou réduits en esclavage. Il ne servait à rien d’y retourner. De plus, Steffen ne souhaitait pas s’éloigner de Gwendolyn.
Il déambula sans but pendant des heures, en parcourant les sentiers, à la recherche d’une idée, d’un but. Enfin, en suivant la route menant vers le nord, il aperçut au loin une petite ville perchée sur une colline. Il y dirigea ses pas. En se retournant un instant, il comprit que c’était l’endroit qu’il cherchait : du village, il aurait une vue imprenable sur la Tour. Si Gwendolyn décidait de s’en aller, il pourrait la rejoindre facilement pour se remettre à son service. Après tout, il lui avait prêté allégeance. Pas à une armée, mais à elle. Elle était toute sa vie.
Steffen se décida pour de bon : il resterait ici et garderait un œil sur la Tour. En passant les portes, il constata que c’était un village très pauvre, ordinaire, comme il y en avait tant en périphérie de l’Anneau. L’endroit était si bien caché que les hommes de Andronicus n’étaient sans doute pas venus jusque là.
Aussitôt, les visages stupéfaits des habitants se tournèrent vers lui et Steffen reconnut immédiatement dans leurs regards le mépris qu’il connaissait depuis l’enfance. Tous le dévisagèrent d’un air moqueur.
Steffen ressentit l’envie de tourner les talons et de s’en aller, mais il s’obligea à rester. Il fallait qu’il vive près de la Tour, pour le bien de Gwendolyn.
Un homme baraqué, âgé d’une quarantaine d’années et vêtu de haillons, se dirigea vers lui.
– Qu’avons-nous là ? Une moitié d’homme ?
Les autres s’esclaffèrent et se rapprochèrent.
Steffen resta calme. Ce genre de remarque ne le surprenait pas : il en avait essuyé de telles toute sa vie. Moins les gens étaient éduqués, plus ils aimaient le ridiculiser.
Steffen tendit la main pour s’assurer que son arc était à portée de main, au cas où les villageois décidaient de se montrer violents, en plus d’être cruels. Il savait qu’il serait capable d’en tuer un certain nombre, en cas de besoin. Cependant, ce n’était pas le but de sa visite. Il voulait surtout trouver un abri.
– Ce n’est pas un simple bossu, non ? remarqua un autre, comme un groupe de villageois menaçants se pressaient de plus en plus près.
– Vu ses nippes, on n’dirait pas, renchérit son compagnon. C’est pas une armure royale ?
– Et cet arc… Du cuir de qualité.
– Et les flèches ! Des pointes dorées, rien que ça.
Ils s’arrêtèrent à quelques pas en lui jetant des regards noirs. Ils rappelaient à Steffen les brutes de son enfance.
– Qui es-tu, bossu ? demanda l’un d’eux.
Steffen