Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн ОÑтинЧитать онлайн книгу.
venait leur souhaiter la bienvenue, et leur offrir tout ce qui pourrait leur être utile dans les premiers momens ; tout ce qu’il y avait dans sa maison et dans ses jardins était à leur service. Il connaissait déjà madame Dashwood, lui ayant précédemment fait une visite à Stanhill, mais il y avait trop long-temps pour que ses jeunes cousines pussent se rappeler de lui. C’était un homme d’environ quarante ans, d’une belle et bonne figure ; la joie et la santé respiraient sur sa physionomie ; sa manière franche et amicale ressemblait au style de ses lettres. L’arrivée de ses parentes paraissait lui causer la plus grande satisfaction, et leur félicité lui donner une réelle sollicitude. Il exprima avec une extrême cordialité son désir de vivre ensemble en bons voisins, amis et parens, et les pressa si instamment de venir diner tous les jours chez lui jusqu’à ce que leur établissement fût formé, que quoiqu’il insistât un peu au-delà de la politesse, elles ne purent en être offensées ni s’y refuser.
Sa bonté n’était pas seulement en paroles, car une heure après les avoir laissées, elles reçurent un panier plein de beaux fruits et de bons légumes, lequel fut suivi avant la fin du jour d’un présent de gibier. Il insista aussi pour faire chercher ou envoyer leurs lettres à la poste avec les siennes, et leur faire passer chaque jour les papiers nouvelles.
Lady Middleton avait envoyé par son mari un message fort poli : son intention, disait-elle, était de les voir dès qu’elle serait sûre de ne pas les embarrasser ; et comme la réponse tout aussi polie témoignait l’impatience de faire sa connaissance, Milady fit son introduction à Barton-Chaumière, le jour suivant.
Madame Dashwood et ses filles avaient en effet assez de curiosité de voir une personne qui aurait autant d’influence sur leur agrément journalier, et la première apparence leur fut on ne peut plus favorable. Lady Middleton n’avait que vingt-six ou vingt-sept ans ; elle était belle, ses traits réguliers, sa figure gracieuse, sa taille élégante et élancée ; et son maintien plein de grâce prévenait d’abord extrêmement ; elle avait toute la mesure et l’élégance dont sir Georges était dépourvu, mais on regrettait bientôt qu’elle n’eût pas un peu de sa franchise. Sa visite fut assez longue pour diminuer peu à peu l’admiration que son premier abord avait excitée. Elle était sans doute parfaitement bien élevée, mais froide, réservée, sans aucun mouvement, et sa conversation, en très bons termes et très soignée, était aussi très insipide, et n’allait pas au-delà des lieux communs.
L’entretien cependant se soutint assez bien, grâce au babil non interrompu de sir Georges, et au soin que lady Middleton avait eu d’amener son fils aîné, un beau petit garçon de six ans, qui dans un pareil cas est un sujet inépuisable, lorsqu’on n’en a pas d’autre à traiter. On s’informe de son âge, de son nom, on admire sa beauté, on le trouve grand ou petit pour son âge, on lui fait des questions auxquelles sa mère répond pour lui, pendant que l’enfant penché sur elle, chiffonne sa robe, baisse sa tête et ne dit mot, à la grande surprise de sa maman, qui s’étonne de sa timidité en compagnie, et raconte comme il est bruyant à la maison et toutes ses gentillesses. Dans les visites de cérémonie, un enfant devrait être de la partie, comme une provision de discours. Dans celle-ci dix minutes au moins furent employées à déterminer si le petit ressemblait à son père ou à sa mère, en quoi il leur ressemblait : chacun était d’un avis différent, ce qui anima encore l’entretien.
Elles eurent bientôt l’occasion de discuter sur les autres enfans, milady en avait quatre, et sir Georges ne voulut pas partir sans avoir leur promesse positive de dîner au parc le lendemain.
CHAPITRE VII.
Barton-Park était tout au plus à un demi mille de la Chaumière ; les quatre dames avaient passé très près en traversant la vallée ; mais une colline l’avait dérobé à leur vue. Le bâtiment était grand et beau, et tel que doit l’être la demeure d’un riche gentilhomme qui fait un bel usage de sa fortune, et qui reçoit chez lui avec hospitalité et avec élégance : la première regardait le baronnet, et la seconde sa femme. Sir Georges tenait à avoir toujours sa maison remplie de ses amis et de ses connaissances ; et lady Middleton à ce que sa maison fût citée comme celle de tout le comté qui était montée sur le meilleur ton. La société leur était nécessaire à tous deux, quoique leur manière de recevoir fût très différente ; ils avaient cependant un grand rapport dans le manque total de talens et de moyens pour employer leur temps dans la retraite. Sir Georges n’était qu’un bon vivant et un habile chasseur, et sa femme une belle dame et une mère faible, sans autre occupation que d’arranger avec élégance ses chambres et sa personne, et de gâter ses enfans d’un bout de l’année à l’autre. Les plaisirs de sir Georges étaient plus variés : tantôt il chassait le renard ; tantôt il tuait du gibier pour sa table et celle de ses amis ; tantôt il recevait du monde chez lui ; tantôt il allait en chercher ailleurs. Jamais ils n’étaient seuls en famille, et ce mouvement continuel du grand monde avait l’avantage d’entretenir la bonne humeur du mari, de développer les talens de la femme pour une bonne tenue de maison, et de cacher leur ignorance et le rétrécissement de leurs idées. Lady Middleton était contente au possible lorsqu’on vantait l’ordonnance de sa table, la recherche de ses meubles, et la jolie figure de ses enfans ; elle ne demandait pas d’autre jouissance. Il fallait de plus à sir Georges que la compagnie qu’il rassemblait s’amusât beaucoup, ou du moins en eût l’air ; plus son salon était rempli de jeunes gens bien gais, plus on y faisait de bruit, plus il était content. C’était une bénédiction pour toute la jeunesse du voisinage, à laquelle il ne cessait de donner et de procurer des plaisirs. Pendant l’été il arrangeait continuellement de charmantes parties de campagne, des haltes de chasse dans ses bois, des promenades nombreuses à cheval, en phaëton, et dès que l’hiver arrivait, les bals étaient assez fréquens chez lui pour satisfaire les danseurs les plus intrépides, à la tête desquels il était encore avec l’ardeur et la gaîté de vingt ans. L’arrivée d’une nouvelle famille dans les environs lui causait toujours une grande joie, s’il y avait surtout des jeunes gens en âge d’augmenter le nombre de ses convives, en sorte qu’il fut enchanté sous tous les rapports des nouveaux habitans de sa jolie chaumière. Trois charmantes jeunes filles, simples, naturelles, n’ayant aucune prétention, aucune affectation ; une mère bonne, indulgente, qui n’avait pas de plus grands plaisirs que ceux de ses enfans : c’était vraiment une acquisition précieuse. Elles avaient encore pour lui un mérite de plus, celui d’avoir été malheureuses par le changement subit de leur situation. Son bon cœur trouvait une satisfaction réelle en établissant ses cousines près de lui, et en leur rendant la vie assez douce pour quelles n’eussent aucun regret de leur opulence passée. Elles auront, pensait-il, une aussi bonne table et plus d’amusement qu’elles n’en avaient dans leur grand château pendant la vie de leur oncle, et sans doute elles trouveront qu’un joyeux cousin vaut encore mieux.
Dès qu’il les vit de sa fenêtre arriver à Barton-Park, il courut au-devant d’elles pour les introduire dans sa demeure, où il les reçut avec sa bonhomie et sa gaîté ordinaires, en leur disant qu’il espérait qu’elles y viendraient presque tous les jours. « Je n’ai qu’un chagrin, leur dit-il, en les conduisant au salon, c’est de ne pas avoir pu donner de jeunesse aujourd’hui à mes petites cousines ; on aurait pu danser un peu dans la soirée, et à votre âge cela fait toujours plaisir. J’ai couru ce matin chez plusieurs de mes voisins dans l’espoir d’avoir un nombreux rassemblement, et mon malheur a voulu qu’ils fussent tous engagés ; vous voudrez bien m’excuser cette fois, cela n’arrivera plus je vous le promets. Vous trouverez donc seulement aujourd’hui un gentilhomme de mes intimes amis, qui passe quelque temps au Parc, mais qui n’est malheureusement ni bien jeune, ni bien gai. J’ai vu le moment où nous n’aurions absolument que lui, heureusement madame Jennings, la mère de ma femme est arrivée il y a une heure pour passer quelque temps avec nous, et celle-là est aussi gaie, aussi animée, aussi agréable que si elle n’avait que dix-huit ans. Ainsi j’espère que mes jeunes cousines ne s’ennuieront pas trop. Madame Dashwood trouvera là une bonne maman avec qui elle