L'Épice. Robert A. WebsterЧитать онлайн книгу.
faisaient exploser son univers dans un hypermonde extatique. Il aidait également sa mère et sa grand-mère à faire cuire du pain, des gâteaux, des tartes et des pâtes pour sa famille et les agriculteurs de la ferme. Cake concentrait son don sur la pâtisserie, car les arômes et goûts savoureux et sucré flattaient ses sens. Le jeune Cake se trouvait toujours dans la cuisine et gloussait de plaisir chaque fois qu’il retirait un plateau de sa nouvelle création du four. Les odeurs délicieuses sortant du four flottaient dans la cuisine de la ferme tandis que sa grand-mère arrêtait de papillonner et venait voir quelle délicieuse friandise Cake avait inventé.
Sa grand-mère voyait un éclair dans ses yeux quand il disait : « Mamy, un jour je serai le pâtissier le plus célèbre d’Angleterre… et peut-être du monde ».
Sa grand-mère soupirait et répondait avec un sourire narquois. « Oui, Cake, je sais ».
Il avait accumulé les livres et magazines de cuisine au fil des années et reproduisait toutes les recettes de gâteau trouvées, en ajoutant des herbes et des épices qu’il mélangeait pour rehausser les arômes, en les rendant uniques. Bien que Cake trouve toujours que quelque chose manquait, sa grand-mère, Pearl, l’assurait qu’un jour, il découvrirait SON épice parfaite.
À peine adolescent, Cake s’était mis au kickboxing. Il était grand et mince et les arts martiaux avaient rendu son corps plus musclé, mais ses jambes et ses bras restaient maigres, quelle que soit son ardeur à l’entraînement.
Cake était un garçon au physique agréable avec son visage fin, ses yeux noisette et ses cheveux châtain foncé. Il ressemblait à Kevin Costner jeune, bien que sa silhouette dégingandée et étrange lui donne une apparence de clown et, dans son adolescence, les filles commencèrent à le remarquer, maintenant qu’il avait arrêté de les renifler.
Sa famille supposait qu’en quittant l’école, Cake rejoindrait l’activité familiale et deviendrait un fermier. Cependant, ses rêves et ambitions étaient à mille lieues des leurs, car il voulait suivre une école culinaire. Ses parents lui interdirent et offrirent un compromis. Avec sa mère et sa grand-mère, il pourrait ouvrir une entreprise de pâtisserie et tous les trois mettraient la main à la pâte, tandis que ses sœurs vendraient leurs produits à des entreprises dans Louth et alentour. Cake avait accepté le compromis, sachant très bien que cela demanderait de travailler pendant de longues heures et de renoncer à son entraînement de kickboxing, mais la pâtisserie était sa passion. Son grand-père les laissa utiliser une vieille grange et acheta deux fours à gaz d’occasion, avec la grande cuisinière en fonte AGA dans la cuisine principale. La famille acheta une pétrisseuse et d’autres appareils de pâtisserie, y compris des étagères, des réfrigérateurs et des meubles de rangement, selon les instructions de Cake, le tout formant une fabrique de pâtisserie rurale pittoresque. Son père avait mis à leur disposition l’une des Land Rovers de la ferme, ce qui lui permettait de parcourir les environs de la petite ville afin de trouver des usines et des boutiques susceptibles de vendre leurs produits. Cake s’en était tenu à un fonctionnement simple. Bien qu’il adore expérimenter, la famille avait limité la production aux pains, petits pains, baguettes, gâteaux et tartes.
Après la période des moissons, l’entreprise de Cake prit son envol. Les fours démarraient tôt le matin et la première livraison quittait la boulangerie dès six heures. Les sœurs livraient les premières fournées avant d’aller à l’école et Cake s’occupait de la cuisson et de la livraison pour le reste de la journée. Cette organisation était efficace et ils furent rapidement inondés de commandes. L’activité pâtissière devenait un revenu lucratif pour la ferme. Malgré son bonheur, Cake ne se contentait pas de sa situation. Plus il lisait de magazines de cuisine sur les nouvelles techniques et recettes créées dans les grandes pâtisseries, restaurants, hôtels, ainsi que les compliments adressés aux grands chefs, plus Cake aspirait à la célébrité.
Par un matin ensoleillé d’été, au moment où il sortait une fournée de « rouleaux du laboureur » croustillants, il reçut un coup de téléphone de Bill, le propriétaire du bar « Rising Sun ».
« Salut Cake, commença Bill, j’ai un client qui veut discuter avec toi. Peux-tu venir ? ».
« Qu’est-ce qu’il veut ? », demanda Cake.
« Je ne sais pas, viens le rencontrer et tu sauras ce qu’il en est », dit Bill, d’un ton vague.
Cake, intrigué, regarda sa montre et dit à Bill : « J’arrive, donne-moi environ vingt minutes ». Cake se changea et se rendit en ville.
* * *
Il arriva au Rising Sun et vit Bill, qui souriait et lui parla du client. « Il a mangé ton sandwich gourmet avec une tranche de gâteau le premier jour et aujourd’hui, il a commandé plusieurs de tes sandwiches et tranches de gâteau. Je l’ai vu manger une bouchée de chacun, les envelopper dans une serviette en papier, et les placer dans un fourre-tout ». Bill se gratta le menton et continua : « Aujourd’hui, il m’a demandé qui avait fourni ma pâtisserie et quand je lui ai dit que c’était un pâtissier local, il s’est présenté et a insisté pour te parler. Je n’aurais pas fait attention, mais il a prétendu être célèbre, bien que je n’ai jamais entendu parler de lui ».
« C’est étrange », répliqua Cake en fronçant les sourcils « quel est son nom ? ».
Bill réfléchit et dit « Jimmy quelque chose… j’ai oublié son nom, mais il est assis là-bas », en montrant l’homme assis dans la réception en train de lire un quotidien.
Cake s’approcha de l’homme, qui abaissa son journal en souriant. Il posa le journal sur la table et demanda à Cake de s’asseoir. Cake eut le souffle coupé lorsqu’il reconnut l’homme. Il avait lu des articles dans les magazines britanniques et savait tout le prestige qui entourait l’individu au petit visage rond, au front dégarni.
« Je suis Jimmy Constable, le chef pâtissier dans la pâtisserie Harrods ».
Cake serra la main de Jimmy, puis répondit avec un tremblement dans la voix : « Oui, je sais qui vous êtes, tout le monde m’appelle Cake ».
« Je suis enchanté de vous rencontrer, Cake », dit Jimmy. « Que puis-je faire pour vous, est-ce que quelque chose n’allait pas avec les plats ? », demanda Cake, l’air préoccupé.
Jimmy répondit avec un grand sourire : « Non, c’était parfait ». Il ajouta : « Il y a quelques jours, je voyageais vers Hull pour interroger un candidat pour un poste chez Harrods et je me suis arrêté ici pour prendre un en-cas. Je m’attendais à une cuisine fade, sèche de routier ». Il se pencha en avant et ajouta : « Au contraire, les arômes et textures du rouleau et des gâteaux m’ont enchanté ; j’avais du mal à croire en de telles sensations. Je suis revenu le lendemain pour goûter d’autres spécialités du menu et me régalais à nouveau avec les arômes uniques et distincts ». Il regarda Bill qui souriait et murmura : « Cela avait bien meilleur goût que la bière épouvantable ».
Cake, ravi d’entendre Jimmy chanter ses louanges, expliqua comment il avait reçu son surnom, lui parla de l’entreprise de sa famille et l’invita à la visiter. Jimmy fut d’accord, ils quittèrent le Rising Sun et se rendirent à la ferme Bakewell.
Jimmy explora la pâtisserie de la ferme et reprit des échantillons de quelques produits de Cake, avec un sourire de plaisir sur son visage à chaque bouchée.
« Avez-vous des diplômes en pâtisserie ? », demanda Jimmy.
« Non, répliqua Cake, désolé ».
Jimmy sourit. « Ce n’est pas grave, je n’avais pas goûté de mets aussi bons depuis longtemps, aussi nous pouvons nous passer des formalités administratives. J’aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi ».
Cake, confus, demanda : « se passer des formalités administratives pour quoi ? ».
Jimmy ignora sa question et sortit un magazine de son sac. Il montra à Cake une photographie d’une tranche de crème anglaise recouverte de glaçage blanc