Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449. AnonymeЧитать онлайн книгу.
ung autre chevalier de la bande, nommé messire Manssart du Bois [140], ung des beaux chevaliers que on peust veoir, lequel ot la teste couppée es halles de Paris, et de sa force de ses espaulles, depuis qu'il ot la teste couppée, bouta le tronchet si fort qu'à pou tint qu'il ne l'abaty, dont le bourreau ot telle freour, car il en mouru tantost après six jours, et estoit nommé maistre Guieffroy. Après fut bourrel Cappeluche, son varlet.
[1412.]
27. Et en cedit an fut fait connestable de France le conte de Sainct-Paul, nommé messire Galleren [141], et alla en la conté d'Alençon; et là estoit messire Anthoine de Craon, lequel devoit avoir journée au conte d'Alençon, lequel n'osa oncques venir, si s'en revint ledit connestable. Et en revenant le cuida ruyner et [142] destruire le signeur de Gaucourt qui avoit bien en sa compaignie mil hommes d'armes, mais par la grace de Dieu ledit Gaucourt et ses gens furent desconffys honteusement; et en furent tuez bien vic, et bien cent noyez, et bien cinquante des plus gros prins, mais Gaucourt eschappa par bon cheval [143]. En icellui temps se firent plusieurs escarmouches, dont on ne fait nulle mencion, car on ne faisoit rien à droit, pour les traistres dont le roy estoit tout advironné [144].
28. En l'an IIIIc et XII, VIe jour de may, ce mist le roy sur les champs, avecques lui son aisné filx le duc de Guienne, le duc de Bourgongne et plusieurs autres, et allerent droit en Ausserre, là furent aucuns jours. De là se departirent et allerent assegier la cité de Bourges en Berry, où estoit le duc de Berry, anxien de bien pres de IIIIxx ans, oncle dudit roy de France, maistre et menistre de toute traïson de ladite bande, cruel contre le menu peuple autant que fut oncques tirant sarasin, et aux siens comme aux autres; pourquoy il estoit assiégé.
29. Et sitost que ceulx de Paris sceurent que le roy estoit en la terre de ses ennemis, par commun conseil ilz ordonnerent les plus piteuses processions qui oncques eussent esté veues de aage de homme: c'est assavoir, le penultime jour de may oudit an, jour de lundi, firent procession ceulx du Palais de Paris, les ordres mendians et autres [145], tous nuds piez, portans plusieurs sainctu[ai]res moult dignes, portant la saincte vraye croix du Pallays, ceulx de Parlement, de quelque estat qu'ilz fussent; tous deux et deux, quelques xxxm personnes après avecques, tous nuds piez.
30. Le mardy derrenier jour de may, oudit an, partie des parroisses de Paris firent procession, et leurs parroissiens autour de leurs parroisses: tous les prestres revestuz de chappe ou de sourpeliz, chascun portant ung sierge en sa main et reliques, tous piez nudz; la chasse sainct Blanchart, de sainct Magloire, avecques [bien] iic petiz enfens devant, tous piez nudz, chascun cierge ou chandelle en sa main; tous les parroissiens qui avoient puissance, une torche en leur main, tous piez nudz, femmes et hommes.
31. Le mercredi ensuivant, premier jour de juing, oudit an, en la forme et maniere du mardi, fut faite la procession.
32. Le jeudy ensuivant fut le jour du Sainct Sacrement; la procession fut faicte comme on a accoustumé.
33. Le vendredi ensuivant, IIIe jour de juing, oudit an, fut faicte la plus belle procession [146] qui oncques fut gueres veue; car toutes les parroisses et ordres, de quelque estat qu'ilz fussent, allerent tous nuds piez, portant, comme devant est dit, saintu[ai]re ou cierge en habit de devocion, du commun plus de XLm personnes avecques, tous nuds piez et à jeun, sans autres secrettes abstinances, bien plus de IIIIm torches allumées. En ce point allerent portant les sainctes reliques à Sainct-Jehan en Greve; là prindrent le precieulx corps Nostre Seigneur, que les faulx juifs boullirent [147], en grant pleur, en grans lermes, en grant devocion, et fut livré à IIII evesques, lesquelx le porterent dudit moustier à Saincte-Geneviefve, à telle compaignie du peuple commun, car on affirmoit que ilz estoient plus de LII mil; là chanterent la grant messe moult devottement, puis rapporterent les sainctes reliques où ilz les avoient prinses, à jeun.
34. Le sabmedi ensuivant IIIIe jour dudit moys, oudit an, toute l'Université, de quelque estat qu'il fust, sur peine de privacion, furent à la procession, et les petiz enffens des escolles, tous nuds piez, chascun ung cierge allumé en sa main, aussi bien le plus grant que le plus petit, et assemblerent en celle humilité aux Mathurins [148], de là s'en vindrent à Saincte-Katherine-du-Val-des-Escolliers, portant tant de sainctes reliques que sans nombre; là chanterent la grant messe, puis revindrent à cueur jeun.
35. Le dimenche ensuivant, Ve jour dudit moys, oudit an, vindrent ceulx de Sainct-Denis en France à Paris, tous piez nudz, et apporterent sept corps saints, la saincte oriflamble, celle qui fut portée en Flandres, le sainct clou, la saincte couronne que deux abbez portoient, acompaignez de XIII banieres de procession; et à l'encontre d'eulx alla la parroisse Sainct-Huitace pour le corps sainct Huitace, qui estoit en l'une desdictes chasses, et s'en allerent droit au Palays de Paris [tous]; là dirent la grant messe en grant devocion, puis s'en allerent.
36. La sepmaine ensuivant, tous les jours [firent] moult piteuses processions chascun à son tour, et les villaiges d'entour Paris semblablement venoient moult devottement, tous nuds piez, priant Dieu que par sa saincte grace paix fust refourmée entre le roy et les signeurs de France, car par la guerre tout France estoit moult empirée d'amis et de chevance, car on ne trouvoit rien au plain païs qui ne lui portoit.
37. Item, le lundy ensuivant, VIe jour dudit moys de juing [149], oudit an, allerent ceulx de Sainct-Martin-des-Champs, avecques eulx plusieurs parroisses [150] de Paris et du villaige (sic), tous nudz piez, acompaignez comme devant de luminaire et de reliques, à Sainct-Germain-des-Prez. Là dirent la grant messe en grant devocion, et les autres parroisses allerent aux Martirs et là chanterent la grant messe, et ceulx de Saincte-Katherine-du-Val-des-Escolliers vindrent chanter la grant messe à Sainct-Martin-des-Champs.
38. Item, les mardi et mercredi, VIIe et VIIIe jours dudit moys, oudit an, fist on procession, les parroissiens autour de leurs parroisses.
39. Item, le jeudi IXe jour dudit moys, oudit an, furent plusieurs parroisses, acompaignées de tres grant peuple d'eglise et de commun, tous nuds piez, à grant reliquiaire et luminaire, et en ce point allerent à Boullongne-la-Petite; là firent leur devocion et dirent la grant messe, puis s'en revindrent.
40. Item, le vendredi ensuivant, Xe jour dudit moys, oudit an, fut faicte une procession generalle, une des plus honnourables que on eust oncques veue: car toutes les eglises, colleges et parroisses y furent tous, nudz piez, et tant de peuple que sans nombre, car le jour de devant avoit esté commandé que de chascun hostel y fust une personne. Et pour celle devote procession plusieurs parroisses des villaiges d'entour Paris y vindrent en grant devocion et de moult loing, comme de plus de quatre grosses lieues, comme de par delà Villeneufve-Sainct-George, de Mongisson [151] et d'autres villes voisines, et vindrent à toutes les reliques dont ilz porent finer, tous nuds piez, tres anxiens hommes, femmes grosses et petiz enfens, chascun cierge ou chandelle en sa main.
41. Les sabmedi et dimenche, XIe et XIIe jours dudit moys, oudit an, on fist procession commune autour des parroisses.
42. Le lundi, XIIIe jour dudit moys, oudit an, vindrent ceulx de Sainct-Mor-des-Fossez acompaignez de XVIII banieres, des reliques tres grant foison, vingt croix, tous piez nudz, à Nostre-Dame de Paris chanterent la grant messe.
43. Le mardi ensuivant, le XIIIIe jour dudit moys, oudit an, allerent ceulx de Paris en procession à Sainct-Anthoine-des-Champs, là dirent la grant messe.
44. Le mercredi ensuivant, XVe jour dudit moys, oudit an, fut faicte [une] procession autour des parroisses.
45. Le jeudi ensuivant, XVIe jour dudit moys, oudit an, firent les parroisses de Paris les processions aux Martirs et à Montmartre; là chanterent la grant messe.
46. Le vendredi ensuivant, allerent à Sainct-Denis en France, c'est assavoir Sainct-Paul et Sainct-Huytasse, les gens tous nudz piez; là dirent la grant messe [152].
47. Et tant comme on fist ces processions, ne fist jour qu'il ne pleust tres fort [153], que les trois premiers jours. Pour vray ceulx de Meaulx vindrent à Sainct-Denis, et de Pontoise et de Gonnesse, et de par delà vindrent à Paris en procession.
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