Théologie hindoue: Le Kama soutra. Vatsyayana Читать онлайн книгу.
encore lui qui arme la pointe acérée de tes traits qui jamais ne reposent et blessent par tous les sens le coeur et y portent le délire de cinq fleurs:
Le Tchampaca pénétrant, semblable à l'or parfumé;
Le chaud Amra rempli d'une ambroisie céleste;
Le desséchant Késsara au feuillage argenté;
Le brûlant Kétaça qui jette le trouble dans les sens;
L'éclatant Bilva qui verse dans les veines une ardeur dévorante.
Quel mortel, Dieu puissant, pourrait résister à ton pouvoir, lorsque Krischna lui-même est ton esclave? Krischna qui, sans cesse enivré de délices dans les plaines fortunées du Malhoura, fait résonner sous ses doigts divins la flûte pastorale, et aux accords mélodieux d'une céleste harmonie, forme avec le choeur des Gopis éprises de ses charmes, des danses voluptueuses à la douce clarté de Lunus, le mystérieux flambeau des nuits.
O toi, Dieu charmant! dont la naissance a précédé la création et dont la jeunesse est éternelle! Que le chant de ton brahmane asservi à tes lois puisse, à jamais, retentir sur les bords sacrés du Gange! Et à l'heure où ton oiseau favori, déployant ses ailes d'émeraude, te fait franchir l'espace dans son vol rapide; lorsqu'au milieu de la nuit silencieuse, les rayons tremblants de Ma (la lune) glissent sur la retraite mystérieuse des amants favorisés ou malheureux, que la plus douce influence soit le partage de ton chantre dévoué, et que, sans le consumer, ton feu divin échauffe voluptueusement son coeur!
Il est intéressant de rapprocher de cette invocation celle de Lucrèce à
Vénus.
INVOCATION
Douce et sainte Vénus, mère de nos Romains,
Suprême volupté des Dieux et des humains
Qui, sous la voûte immense où dorment les étoiles,
Peuples les champs féconds, l'onde où courent les voiles,
Par toi tout vit, respire, éclos sous ton amour
Et monte, heureux de naître, aux rivages du jour.
Aussi, devant tes pas, le vent fuit; les nuages,
A ta divine approche, emportent les orages;
Pour toi, la terre épand ses parfums et ses fleurs;
Le ciel s'épanouit et se fond en lumière.
Car sitôt qu'il revêt sa splendeur printanière,
Et que, par les hivers, le zéphir arrêté
Reprend enfin sa course et sa fécondité,
Les oiseaux, les premiers frappés par ta puissance,
O charmante Déesse, annoncent ta présence;
Le lourd troupeau bondit dans les prés renaissants,
Et, plein de toi, se jette à travers les torrents:
Sensibles à tes feux, séduites par tes grâces
Ainsi des animaux les innombrables races,
Dans le transport errant des amoureux ébats,
Où tu veux les mener s'élancent sur tes pas.
Enfin, au fond des mers, sur les rudes montagnes,
Dans les fleuves fougueux, dans les jeunes campagnes,
Dans les nids des oiseaux et leurs asiles verts,
Soumis à ton pouvoir, tous les êtres divers,
Le coeur blessé d'amour, frissonnants de caresses,
Brûlent de propager leur race et leurs espèces.
L'invocation qui nous paraît avoir le plus de charme est celle de l'Art d'aimer d'Ovide.
Romains, s'il est quelqu'un parmi vous à qui l'art d'aimer soit
inconnu, qu'il lise mes vers, qu'il s'instruise et qu'il aime!
N'est-ce pas l'art qui fait voguer les vaisseaux rapides à l'aide de
la voile et de la rame? qui guide dans la course les chars légers?
L'art doit aussi gouverner l'amour.
Loin d'ici, bandelettes légères, ornement de la pudeur et vous longues robes qui descendez jusqu'aux pieds! Je chanterai les ruses et les larcins innocents d'un amour qui ne craint rien, et mes vers n'offriront rien de répréhensible.
L'auteur de la Callipèdie, poème latin du moyen âge, s'est inspiré d'Ovide dans l'invocation qui suit:
O vous, Grâces, modèles divins, et toi, Vénus, mère des amours et de tout ce qui nous charme, toi que Pâris, sur le mont Ida, a justement proclamée la plus belle, inspirez moi des chants dignes des sanctuaires d'Idalie, afin que ma muse ne dépare point un si beau sujet et apprenne à tout le genre humain un art sans prix.
CHAPITRE II
De la possession des soixante-quatre arts libéraux
Il y a soixante-quatre arts libéraux qu'il convient d'apprendre en même temps que ceux enseignés dans le Kama Soutra.
Leur liste comprend, outre les talents d'agrément, les arts utiles tels que l'architecture, les armes, la stratégie, la cuisine, le moyen de s'approprier le bien d'autrui par des mantras (prières) et des incantations, etc.; en un mot, tous les arts libéraux de l'époque.
Une courtisane qui a en partage l'esprit, la beauté et les autres attraits et qui, en outre, connaît les soixante-quatre arts libéraux, obtient le titre de Ganika ou courtisane de haut rang, et occupe une place d'honneur dans les réunions d'hommes. Les respects du roi et les louanges des savants lui sont acquis; tous recherchent sa faveur et lui rendent des hommages.
Si la fille d'un roi ou d'un ministre possède ces talents, elle est toujours la favorite, la première épouse, quand bien même son mari aurait des milliers d'autres femmes[10].
[Note 10: On voit par ce qui précède que les courtisanes et les filles des grands étaient les seules femmes auxquelles il fut permis d'acquérir des talents.]
Une femme séparée de son mari ou tombée dans le dénûment, peut vivre de ces talents, même en pays étranger.
Leur possession seule donne beaucoup d'attraits à une femme, lors même que les circonstances ne lui permettent point de les appliquer. Un homme qui en est muni et qui en même temps est éloquent et galant, fait de rapides conquêtes. En voici la nomenclature:
1. Le chant.
2. La musique instrumentale.
3. La danse.
4. L'union des trois arts précédents.
5. L'écriture et le dessin.
6. Le tatouement.
7. L'art d'habiller une idole et de l'orner avec du riz et des fleurs.
8. Étendre et arranger des lits ou couches de fleurs ou bien répandre des fleurs sur le sol.
9. Application de couleurs aux dents, aux habits, aux cheveux, aux ongles et au corps, c'est-à-dire y faire des mouchetures et des dessins, les teindre et les peindre.
10. Fixer les verres coloriés dans un parquet.
11. La confection des lits, des tapis et des coussins de repos.
12. Faire une musique avec des verres remplis d'eau.
13. Amasser de l'eau dans des aqueducs, des citernes et des réservoirs.
14. La peinture, l'ornementation et la décoration des