Théologie hindoue: Le Kama soutra. Vatsyayana Читать онлайн книгу.
un emprunt fait aux Grecs. Le mot Kama signifie le plaisir charnel et il est employé dans ce sens par les plus anciens auteurs, en même temps que le Darma (devoir religieux) et I'Artha (la science de la richesse). Ces trois mots forment la trilogie hindoue des mobiles de nos actions. Comme les Hindous sont fort imitateurs, ils ont adopté le Cupidon des Grecs, après l'établissement de ceux-ci dans une partie du Punjab, et lui ont donné le nom déjà bien ancien de Kama. Il figure seulement dans une légende sans doute relativement récente des Pouranas[2].
[Note 2: Le baron d'Ekstein dit: «Les Ariabs ont emprunté aux Cephenès, leurs prédécesseurs dans l'Inde, le dieu Kama, pareil à l'Eros des Grecs; ils l'ont embelli, _bien qu'il n'appartienne pas dans son principe à leur pensée cosmologique et ils l'ont postérieurement reproduit dans le Véda comme il est décrit par Hosunt.]
Les bayadères ne sont pas, comme on pourrait le croire, consacrées au dieu Kama; elles sont les épouses de Soubramaniar, le dieu de la guerre.
Après avoir reçu du paganisme Cupidon, sous le nom de Kama, l'Inde, à son tour, semble lui avoir donné, comme imitation ou importation de ses pratiques de plus en plus corrompues, surtout de celles des saktis de la main gauche, le culte de plus en plus corrompu de Priape, dont le chevalier Richard Payne nous a donné une histoire. En voici quelques traits essentiels.
Avant la célébration d'un mariage, on plaçait la fiancée sur la statue du dieu, le phallus, pour qu'elle fût rendue féconde par le principe divin. Dans un poème ancien sur Priape (Priapi Carmen) on voit une dame présentant au dieu les peintures d'Éléphantis et lui demandant gravement de jouir des plaisirs auxquels il préside, dans toutes les attitudes décrites par ce traité.
Lorsqu'une femme avait rempli le rôle de victime dans le sacrifice à Priape, elle exprimait sa gratitude par des présents déposés sur l'autel, des phallus en nombre égal à celui des officiants du sacrifice. Quelquefois ce nombre était grand et prouvait que la victime n'avait pas été négligée.
Ces sacrifices se faisaient dans des fêtes de nuit, aussi bien que tous ceux offerts aux divinités qui présidaient à la génération. Les dévots à ces divinités s'enfermaient dans les temples et y vivaient dans la promiscuité. Il y avait aussi des initiées dont Pétrone a peint les moeurs dans quelques pages que nous avons résumées.
A Corinthe et à Ereix, ville de Sicile, il y avait des temples consacrés à la prostitution.
Selon l'érudit Larcher, Vénus était la déesse qui possédait le plus grand nombre de temples dans les deux Grèces; on en comptait une centaine. Plusieurs villes de la Grèce, mais surtout Athènes et Corinthe, célébraient ses fêtes avec un nombre de belles femmes qu'on ne pourrait réunir aujourd'hui. Elle était encore plus en honneur à Rome dont elle était considérée comme la mère. Jamais peuple ne porta la sensualité plus loin que les Romains; hommes et femmes de toute condition et de tout rang se livraient avec fureur à tous les débordements.
LITTÉRATURE ÉROTIQUE DE L'INDE.—SON RÔLE RELIGIEUX ET POLITIQUE.—LE KAMA-SOUTRA OU L'ART D'AIMER DE VATSYAYANA.—PLAN DE CET OUVRAGE.
Nous avons vu les Brahmes introduire l'érotisme le plus réaliste dans le culte, dans la religion et dans les livres qui en font partie intégrante, comme les Pouranas, les Tantras, les catéchismes des Saktis, etc. Ils s'en étaient servi, bien avant la venue de Bouddha, pour captiver les populations sujettes et les rallier à leur cause dans leurs luttes contre les Kchattrias. Le bouddhisme conquit l'Inde si complètement que les Brahmes presque partout furent délaissés; la plupart durent, pour vivre, recourir à tous les métiers que Manou leur permet dans les temps de détresse. Mais ils avaient la persistance et l'habileté des aristocraties héréditaires. Gens essentiellement pratiques et aptes aux affaires, juristes, financiers, administrateurs, diplomates, au besoin soldats et généraux, dialecticiens vigoureux, subtils, polémistes sans scrupules, poètes élégants, ingénieux et quelquefois pleins d'éclat et de génie, ils se rendirent indispensables aux princes et aux grands par les services qu'eux seuls savaient leur rendre, et gagnèrent leur faveur par l'agrément de leur esprit et de leurs talents et par la souplesse de leur caractère. En même temps qu'ils développaient dans les masses le vichnouvisme ou plutôt la religion de Krishna que le Bouddha avait condamnée, ils produisaient beaucoup d'oeuvres remarquables. Ils ennoblissaient par de grandes épopées et popularisaient par des légendes écrites les dieux et les héros. Restés les seuls héritiers du genre Aryen dans l'Inde et possédant dans la langue sanscrite un admirable instrument pour la poésie et la philosophie[3], ils renouvelèrent tout: hymnes, poèmes épiques, systèmes théosophiques, codes de lois. Ce fut une véritable renaissance. Des rois, amis de l'ancienne littérature, tinrent à leur cour des Académies de poètes aimables et de beaux esprits qu'ils payaient fort cher. On y improvisait des vers et jusqu'à des madrigaux et des épigrammes. Parmi ces poètes, on cite Kalidaça, l'auteur du drame si admiré de Çakountala. Commencé avant l'ère chrétienne, ce mouvement littéraire se continua jusqu'à la conquête musulmane. Cette littérature des Brahmes plaisait beaucoup plus que la soporifique et nuageuse métaphysique des Bouddhistes. La faveur des princes les aidait à écraser leurs adversaires. Ils achevèrent de se la concilier en ayant pour leur usage et pour celui de ce qu'on appellerait aujourd'hui la haute société et la bonne compagnie et pour eux-mêmes, en ce qui concerne les plaisirs charnels, une morale des plus faciles. Les règles ont été tracées par Vatsyayana dans le Kama-Soutra ou traité de l'amour (art d'aimer), qui est considéré comme le chef-d'oeuvre et le code sur la Matière.
[Note 3: Ce mouvement extraordinaire suivit de près l'invention et l'adoption de l'écriture sanscrite qui servirent à la fois au Bouddhisme et à la renaissance brahmanique, de même que la découverte de l'imprimerie favorisa le développement de le Réforme et de la Renaissance.]
Ce livre doit être rattaché à la renaissance brahmanique; il a été écrit pendant la lutte entre les brahmes et les bouddhistes, puisqu'il défend aux épouses de fréquenter les mendiantes bouddhistes (on sait que les religieuses bouddhistes étaient mendiantes).
L'Inde a plusieurs autres livres érotiques fort répandus, la plupart postérieurs au Kama-Soutra. On se procure facilement les suivants, écrits en sanscrit:
1° Le Ratira hasya, ou les Secrets de l'Amour, par le poète Koka. Il a été traduit dans tous les dialectes de l'Inde et est fort répandu sous le nom de Koka-Shastra; il se compose de 800 vers, formant dix chapitres appelés Pachivédas. Il paraît postérieur au Kama-Soutra et contient la définition des quatre classes de femmes: Padmini, Chitrini, Hastini et Sankini (voir l'appendice du chapitre II du titre I).
Il indique les jours et les heures auxquels chacun de ces types féminins est plus particulièrement porté à l'amour. L'auteur cite des écrits qu'il a consultés et qui ne sont point parvenus jusqu'à nous.
2° Les Cinq flèches de l'Amour, par Djyotiricha, grand poète et grand musicien; 600 vers, formant cinq chapitres dont chacun porte le nom d'une fleur qui forme la flèche.
3° Le Flambeau de l'Amour, par le fameux poète Djayadéva, qui se vante d'avoir écrit sur tout.
4° La Poupée de l'Amour, par le poète Thamoudatta, brahmane; trois chapitres.
5° L'Anourga Rounga, ou le Théâtre de l'Amour, appelé encore: Le Navire sur l'Océan de l'Amour, composé par le poète Koullianmoull, vers la fin du XVe siècle. Il traite trente-trois sujets différents et donne 130 recettes ou prescriptions ad hoc. Voici les principales:
1re Recette pour hâter le spasme de la femme;
2e Pour retarder celui de l'homme;
3e Les aphrodisiaques;
4e Moyens pour rétrécir le yoni, pour le parfumer;
7e L'art d'épiler le corps et les parties sexuelles;
8e Recette pour faciliter l'écoulement mensuel de la femme;
9e Pour empêcher